Gouvernement Valls : le choix des mots pas celui des maux

Francetvinfo

Le premier conseil des Ministres s’est achevé sans couac. Les éléments de langage ont été distribués. Manuel Valls nous rappelle qu’il reste un bon communicant. Cependant, on peut s’interroger : le discours a-t-il pour autant été pleinement contrôlé ? Il semblerait que le choix des mots n’ait pas toujours collé à la réalité des maux dont souffre l’économie française.

Les ministres du gouvernement Valls cherchent la confiance pour avoir la croissance ! Ils seront soudés, déterminés, cohérents  et responsables – qui en doute ? Mais, ils cherchent aussi l’efficacité et les résultats rapides, et c’est là un problème de crédibilité et de cohérence temporelle (au sens time consistency)

Eléments de langage à la sortie de l’Elysée : nouvelle communication pour une nouvelle gouvernance à Matignon

De l’aveu des ministres  – les rares à s’exprimer à la sortie de l’Elysée- et du porte parole Stéphane Le Foll, le gouvernement Valls est mobilisé. On a entendu la détermination du gouvernement, qui met en avant le pacte « présidentiel » de responsabilité et de solidarité pour lequel on affiche « l’exigence de résultats », et la nécessité de « l’efficacité » (Stéphane Le Foll).
Mais l’on ajoute aussi l’obligation d’une « délibération collective et d’une décision unique » (Bernard Cazeneuve). Craint-on déjà les couacs ? Le porte parole a lourdement insisté sur la nécessité d’un travail en amont, très tôt, pour limiter le recours aux RIM -réunions interministérielles-, 1500 pour le précédent gouvernement, c’est trop a-t-il dit. Il a rappelé que « Matignon arbitrerait les points en discussion entre ministères ». Craindrait-on que les attributions ministérielles ne soient pas assez claires, ou ne soient contestées ? Et l’on a aussi ajouté un « Conseil des ministres bis » autour du Premier ministre, un jeudi sur deux.

La confiance à tout prix

« On va redonner la confiance aux français ». La confiance pour avoir la croissance, dit en substance Stéphane Le Foll. Personne ne conteste que la confiance puisse être un élément favorable à la croissance, voire, pourquoi pas, un de ses faits générateurs. Mais on semble oublier ici plusieurs points importants :

1- On ne peut pas décréter la confiance

Elle se mérite, mais en période de crise économique, les promesses sont difficiles à tenir et c’est pourquoi la confiance n’est pas au rendez-vous. L’Insee vient d’ailleurs d’annoncer qu’en matière de chômage, on peut, tout au plus, espérer un maintien au niveau actuel, mais qu’une inversion de la courbe n’est pas au programme.

2- Créer des emplois ne veut pas dire créer de l’emploi

Si l’on peut créer des emplois -emplois aidés- par exemple, rien ne garantit que ces derniers créent de l’emploi, comme l’annonce le porte parole. Car cela voudrait dire création nette d’emploi. Or, là encore l’Insee annonce que les emplois aidés suffiront tout juste à combler la hausse de la population active.

3- On ne décrète pas un taux de croissance

C’est un fait établi, on ne  décrète pas un taux de croissance, ni vous, ni moi, et pas même le gouvernement. La croissance n’est pas aux ordres, il faut savoir l’apprivoiser, c'est-à-dire préparer le terrain et le terreau.  « Les premiers signes de la croissance sont là, il faut qu’on l’accélère » dit le porte parole. Heureusement il ajoute, « il faut qu’on l’encourage ». En effet, c’est bien là que tout peut se jouer : encourager la croissance. Reste à savoir comment ? Et si la réponse était en inspirant confiance ? L’équation pourrait devenir circulaire voire, quasi insoluble : pour que la croissance revienne il faut inspirer confiance, mais le peut-on ? Peut-on inciter les consommateurs, les chômeurs à consommer plus, et les entrepreneurs à embaucher et investir plus, si les perspectives de débouchés supplémentaires – et donc de croissance- ne sont pas là ?

Car finalement qu’est-ce que la croissance sinon la capacité d’une économie à créer plus de richesses aujourd’hui qu’hier ?

Les économistes ont établi depuis trente ans le lien entre crédibilité et cohérence temporelle du politique qui tient ses promesses. La crédibilité des annonces gouvernementales futures repose sur la balance « promesses-résultats » établie sur le passé. Enfin, n’oublions pas que les électeurs sont de moins en moins myopes, de plus en plus informés et qu’ils savent apprendre des expériences passées.

La solution pour aider à l’inversion de la courbe du chômage, et au retour de la croissance, serait d’abord d’inverser le raisonnement.

Il faut une inversion de la causalité : pour redonner confiance aux français il faut être crédible et donc leur inspirer confiance car c’est d’eux que viendra la confiance (et peut-être aussi la reprise économique). On ne peut pas, comme cela, de façon automatique, mécanique, apporter sur un plateau la confiance aux français, «  redonner de la confiance à nos concitoyens », dit Stéphane Le Foll, c’est louable. Mais ce n’est pas ce que les électeurs ont exprimé lors des dernières élections. Ils veulent des résultats pour avoir confiance en un avenir meilleur… et dans leurs hommes politiques.

Enfin en paraphrasant François de la Rochefoucauld on pourrait affirmer que :
La communication politique sur l’économie est comme « la philosophie (qui) triomphe aisément des maux passés et des maux à venir, mais les maux présents triomphent d’elle. »