« L’énergie et l’écologie de demain » est le thème de la réunion ou, plutôt, de la « convention écologie » qui s'est tenue le 2 décembre dans un grand hôtel parisien, près de la place de l’Étoile. L’objectif ? Pour le journaliste du Monde Rémi Barroux, Marine Le Pen repeint le vert en bleu-blanc-rouge afin de « capter un électorat séduit par les thèses écologistes, inquiet des conséquences de l’usage massif des pesticides ou de la pollution de l’air ». À cette occasion et dans la perspective de l'élection présidentielle, le collectif Nouvelle écologie, lancé en décembre 2014, présente ses « 21 propositions pour une écologie patriote du XXIème siècle ». Depuis qu’elle existe, cette structure fonde ses travaux sur deux axes : le développement économique et le respect de la nature et de l’environnement avec un mot d’ordre : « pour une écologie patriote ».
Ce n'est pas une nouveauté pour le Front national. La première fois que le parti se penche sur le sujet – et qu’il prend en compte l’écologie dans son programme - est à l’occasion du Congrès de Nice (30 mars – 1 avril 1990). L’intitulé de ce huitième congrès donne le ton : « La France au pouvoir ». L’histoire du FN est à un moment charnière ; une « phase ascendante de grande puissance » du parti, explique Jean-Marie Le Pen. Après la traversée du désert, la phase d’émergence et d’implantation, le congrès de Nice veut marquer le « début de la troisième étape du combat politique du FN : la marche au pouvoir ».
Dans cette perspective et pour paraître davantage crédible, le parti élargit sa palette programmatique. Il propose de nouvelles thématiques dont celles de l’écologie et du social lors de deux colloques intitulés « Défendre la vie » et « La Fraternité nationale ». Le FN entend démontrer « qu’il est prêt à régler d’autres problèmes que l’immigration à partir de ces deux thèmes clés ». Le premier, le social, affiche la volonté du Front national d’assurer la « défense des Français les plus défavorisés » en dénonçant l’inégalité entre les Français et les étrangers : ces derniers seraient avantagés par rapport aux premiers, notamment par les prestations sociales. Le second, l’écologie « nationale », est conçu comme une « volonté globale de préserver l’environnement et le patrimoine du peuple français ». Elle est « une préoccupation qui s’inscrit dans la défense de notre identité (...). Vouloir la sauvegarde des sites naturels, la préservation de notre patrimoine, la survie de la faune et de la flore, la qualité de l’eau et de l’air, c’est au fond défendre ce que nous sommes, en tant que nation enracinée sur un territoire. Et lorsque nous défendons l’intégrité française, nous ne faisons rien d’autre que de défendre l’écologie ethnique et culturelle de notre peuple et en cela nous sommes dans le droit-fil de la démarche écologique : la préservation des milieux nécessaires à la survie et au développement des espèces. (...) Pour survivre, les espèces animales ne se mélangent pas et la plupart ont un territoire qu’elles défendent » avance une publication interne du parti.
À l'automne 1991, Jean-Marie Le Chevallier organise un colloque sur l’écologie à Saint-Raphaël. On peut entendre Bruno Mégret parler de l’écologie en ces termes : « L’écologie véritable va de pair avec la défense de l’identité et pose comme essentielle la préservation du milieu ethnique, culturel et naturel des peuples (...). Nous ne voulons pas être les mammouths ou les pandas de l’espèce humaine. Pourquoi se battre pour la préservation des espèces animales et accepter dans le même temps le principe de disparition des races humaines par métissage généralisé ? »
Plusieurs affiches proche de cette thématique sont éditées par l’Atelier de propagande du FN comme celle-ci :
Une vingtaine d'années plus tard, l'objectif perdure : tenter de séduire un électorat plus large. Avec les autres collectifs des années 2010, Nouvelle écologie renoue avec la création des cercles des années 1990. Si certains n’ont d’existence réelle que sur le papier, ils ont le mérite d'exister, de diffuser et de médiatiser une thématique précise. Comme aux temps du FN de Jean-Marie Le Pen, le parti mariniste avance des solutions qu’il met en adéquation avec son programme, notamment son rejet de la mondialisation et de l’Europe. Marine Le Pen n'oublie pas de pointer les « pays qui nous vendent en même temps leur pétrole et nous exportent leurs idéologies » et de défendre le monde paysan en dénonçant sa disparition qui « ne peut qu’accélérer la destruction de notre patrimoine écologique ». La présidente du FN utilise simplement une sémantique adaptée, certains diront « dédiabolisée ».
La thématique n'est donc pas nouvelle. La terre et tout ce qui s'y rapporte font parti des valeurs nationales. Lors de son apparition en octobre 1972, trois adjectifs - rattachés au vocable droite - définissent le FN : sociale, populaire et nationale.... Cette droite « populaire, héritière des traditions humanistes qui ont forgé le visage de notre peuple : amour et goût de la terre, respect du travail, joie de l’amour et de la famille, sens de la responsabilité, loyauté des gouvernants, esprit de sacrifice et de fraternité ». La stratégie du FN s'inscrit également dans l'histoire ancienne. À l’occasion de son septième congrès, en novembre 1985, le Front national ne se contente pas de confirmer sa nouvelle stratégie électorale de rassemblement de certains déçus par la droite. Il affirme vouloir s’ouvrir à d’autres catégories sociales – ouvriers, agriculteurs et employés – et les appelle à rejoindre le FN qui défend un « système de création de richesses pour tous et non un système qui ne favoriserait que les riches ». Le secrétaire général Jean-Pierre Stirbois soutient alors cette idée : le FN doit attirer l’électorat populaire. Deux principes dominent, indissolublement liés : donner une assise électorale de plus en plus large au FN et développer son discours social.