En janvier 2016, Marine Le Pen évoquait l’état d’esprit dans lequel elle abordait la prochaine réunion du FN : « Nous allons discuter de tout. Nous ne sommes pas des fronts bas, nous ne sommes pas des butés. Nous allons réfléchir à la stratégie à adopter pour lutter contre les campagnes de peur lancées à notre égard, qui semblent être encore efficaces ». Aujourd’hui, rendez-vous est pris. Le séminaire du FN (5-7 février), organisé en huit-clos, réunit - dans un établissement chic de l’Essonne - une soixantaine de personnes (membres du BP, parlementaires et personnes « extérieures » au FN).
Une réflexion stratégique
Les prises de position vont tourner autour de cette question principale : comment briser le plafond de verre auquel le FN fait face ? Depuis le printemps 2014, le FN enregistre, certes, des résultats inédits dans son histoire. Mais, justement, comment interpréter les résultats de la dernière année électorale (rappelons ceux des Municipales des 23-30 mars 2014 : 11 mairies sur un ensemble d'environ 36 700 et 1546 conseillers élus sur un ensemble d'environ 536 500) ? Ceux des Départementales de mars (31 victoires sur 1107) et ceux des Régionales de décembre 2015 avec aucune présidence de région acquise.
Des réflexions vont être engagées, notamment, sur le programme, la stratégie, les éventuelles alliances et, pourquoi pas, le changement de nom du parti. Faut-il réorienter le discours vers la droite et, dans le cadre de la présidentielle de 2017, s’inscrire dans un duel gauche-droite ? Comment attirer et rassurer les déçus de la droite ? Le programme économique du FN pourrait bien être au centre des débats avec un assouplissement sur la sortie de l’euro, réclamé par plusieurs cadres du parti dont Louis Aliot et Marion Maréchal Le Pen.
Robert Ménard, présent, appuie sur l'ouverture du FN à sa droite. Il met en avant quatre priorités : bâtir une campagne présidentielle capable d’unir les électeur ; fédérer la droite patriote ; créer une synergie en proposant des investitures extérieures au FN (notamment pour les futurs candidats aux élections législatives de juin 2017) et organiser un comité national de direction de campagne ouvert à des personnes n’appartenant pas au FN.
Si le FN décide de se pencher sur l'histoire mariniste, il peut être utile de comparer quelques résultats, notamment ceux de 1995, considérée comme la « grande année du FN » de Jean-Marie Le Pen. Au premier tour de la présidentielle (23 avril), Jean-Marie Le Pen obtient 15,3% des voix. En 2012, Marine Le Pen affiche un résultat de 17,9% des voix. Aux Municipales de juin, le FN remporte 3 mairies. 1350 conseillers municipaux sont élus. La scission de 1998 était, entre autres, une réponse à la question du séminaire FN d'aujourd'hui. Briser ce plafond de verre. Ne plus faire peur.... En créant un autre parti, le MNR, Bruno Mégret pensait apporter les conditions d'une nouvelle dynamique politique et supplanter le FN. En se débarrassant de Jean-Marie Le Pen, l'ancien Délégué général considérait qu'il donner un coup d'accélérateur à la dédiabolisation et pouvait offrir la victoire à l'extrême droite française. L'histoire fugace du MNR a montré l'échec de l'ambition mégrétiste.
Depuis les années 2010, le FN de Marine Le Pen fait de la dédiabolisation une de ses priorités pour, justement, se présenter comme un « nouveau » parti. En décembre 2013, Louis Aliot m'expliquait :
« La dédiabolisation ne porte que sur l’antisémitisme. En distribuant des tracts, dans la rue, le seul plafond de verre que je voyais ce n’était pas l’immigration ni l’islam... D’autres sont pires que nous sur ces sujets-là. C’est l’antisémitisme qui empêche les gens de voter pour nous. Il n’y a que cela. À partir du moment où vous faites sauter ce verrou idéologique, vous libérez le reste. [...] Depuis que je la connais, Marine Le Pen est d’accord avec cela. Elle ne comprenait pas pourquoi et comment son père et les autres ne voyaient pas que c’était le verrou. Elle aussi avait une vie à l’extérieur, des amis qui étaient aux antipodes sur ces questions-là des Le Gallou et autres. C’est la chose à faire sauter » .
Quelques mois après, Jean-Marie Le Pen était exclu du FN. L'année 2016 représente une année stratégique - sans élection - dans l'histoire du FN. Dans ce sens, ce séminaire se situe à un moment charnière de l'histoire du FN. Le parti de Marine Le Pen se met en ordre de bataille dans la perspective de l'élection suprême, la présidentielle. Quelques mois pendant lesquels les communicants du FN, notamment Jean-Lin Lacapelle fraichement nommé Secrétaire national aux fédérations et à l’implantation, ambitionnent de changer l'image du FN.... tout comme celle de sa présidente, qu'une majorité de Français qualifie de « sectaire » ou, encore, d' « agressive ». Une sensation qu'elle laisse également en interne, au sein du FN.
L'affiche La France apaisée constitue un premier pas. Le changement de nom pourrait être le suivant. Le maire de Béziers doit d'ailleurs formuler, lors du séminaire, un de ses souhaits : que Marine Le Pen quitte la présidence du parti pour se consacrer entièrement à la conquête de l'Élysée. « Lorsqu'on est candidat, on l'est d'abord à titre personnel et ensuite soutenu par un parti ».