Apaiser : « Mettre fin (chez quelqu’un) à la violence d’un sentiment, d’une sensation pénible, à un trouble ; calmer, radoucir : Apaiser une personne en colère ».
C’est l’adjectif féminin - « apaisée » - qui est accolé au maître mot de la sémantique frontiste : France. « La France apaisée » est le premier slogan du FN de 2016. Il apparaît sur la nouvelle affiche du Front national, destinée à accompagner Marine Le Pen pendant cette année. La présidente s’est engagée à aller au plus près des Français ; une sorte de remake de son « Tour de France des oubliés » de 2013 pendant lequel elle entendait être la porte-parole de « tous ces Français qui n'intéressent personne » et leur proposer une « espérance ».
Sur la forme de l'affiche, pas de grande nouveauté. La présidente du FN pose quasiment de face, le regard fixé au loin « selon le sacro-saint principe arguant que si vous ne regardez pas l’objectif (donc l’électeur) dans les yeux, vous perdez tout ascendant », explique le publicitaire Jacques Séguéla à l'origine du slogan du PS pour la présidentielle de 1981, « La force tranquille ». Pas de signe identificatoire (ni flamme, ni nom du parti)... Par contre, une nouveauté : en bas de l’affiche figurent les comptes Facebook et Twitter de Marine Le Pen.
Sur le fond, l’affiche correspond à la ligne de conduite du FN : « rassurer » certaines catégories de populations qui restent réticentes au vote FN, comme celle des personnes âgées ou des CSP+. Le parti s’engage, explique Floriant Philippot, à traîter de nouvelles thématiques - comme celles de la santé, de l'accès aux soins, du « stress au travail », de la « refondation de l’entreprise » - mais aussi à réaffirmer son opposition à « l'engrenage au Moyen-Orient » dans le cadre de sa politique étrangère.
Clins d'oeil aux électeurs de gauche ?
Si certain voient dans cette affiche un « message envoyé aux électeurs encore effrayés » et la reprise de « tous les codes de l’élection présidentielle de F. Mitterrand à F. Hollande », cette stratégie politique et communicationnelle s’inscrit, avant tout, dans l’histoire du FN du début des années 2000. « La France apaisée » se rapproche indéniablement de l'affiche mise en circulation à l'occasion du second tour de la présidentielle de 2002. Les communicants du parti visent alors un objectif : ne plus faire peur et donner une image « apaisante » de Jean-Marie Le Pen et de son parti.
Lors de la campagne présidentielle de 2012, l’affiche « Oui la France. Marine Le Pen » n’a ni logo ni nom du parti. De nouveau, la présidente du FN ne se démarque pas vraiment de son père (ni des autres candidats d'ailleurs). Le slogan minimaliste et positif « Oui ! La France » identifie la candidate à son pays et confirme en trois mots une des valeurs intrinsèques au frontisme, le nationalisme.
La campagne de 2013 du FNJ détourne, elle, tout simplement le slogan de François Mitterrand : De « force tranquille », on passe avec le FN à « France tranquille ».
Le parti d’extrême droite possède un atout indéniable par rapport à ses concurrents : celui de présenter le même candidat pendant plusieurs présidentielles. L’assimilation du FN à son dirigeant perdure depuis plus de quarante ans. Comme son père, Marine Le Pen figure - logiquement - au centre de la propagande visuelle du FN. Aujourd’hui, la distanciation entre le Front national et sa représentante ne paraît toujours pas d’actualité.
Le début des années 2000 correspond à l'installation du cercle mariniste au sein du FN et, donc, à la poursuite de la « dédiabolisation » entamée par Bruno Mégret. Aussi, « La France apaisée » est à situer dans le prolongement de l'histoire du FN mariniste. Tranquilliser, apaiser : des termes qui ne sont pas seulement imprimés sur des supports. Ils reviennent régulièrement dans la bouche des cadres du parti. La communication politique du FN s'adoucit. Les « gens se sentent aujourd'hui dans une société de plus en plus conflictuelle », explique Floriant Philippot. Au delà du slogan et de l'affiche, poursuit le vice-président du FN, « c'est tout un projet. (...) Il passe par la nation. Et la nation, c'est la paix ».
Aux temps de Jean-Marie Le Pen, la provocation était un moyen pour se faire connaître. Aujourd'hui, et fort de ses résultats électoraux, le FN a largement dépassé cette étape. Un an avant la présidentielle de 2017, il cherche tout autre chose : rassurer.