Avant Fort McMurray, ces grandes villes parties en fumée

100 000 habitants évacués, 2 000 habitations déjà ravagées :  l’immense brasier qui ravage la ville canadienne de Fort McMurray semble particulièrement difficile à enrayer, au point que la cité pourrait rejoindre la longue liste des grandes villes ravagées par les flammes au cours de l’histoire. Petit rappel.

Sodome et Gomorrhe : et Dieu créa la flamme

C’est sûrement l’une des colères divines les plus frappantes de l’Ancien Testament avec le déluge. Excédé par les péchés des habitants, l’Éternel du texte biblique châtie les villes voisines de Sodome et Gomorrhe en provoquant « une pluie de soufre et de feu » malgré l’intervention d’Abraham qui le supplie d’épargner les cités s’il y trouve dix justes. Seuls rescapés : Loth, le neveu d’Abraham, ses deux filles et sa femme invités à fuir la ville sans se retourner. Et encore : la femme de Loth, qui ne peut s’empêcher de se retourner, est transformée en statue de sel. Parabole, métaphore ?

Comme toujours, historiens et archéologues ont cherché à dépasser la source brute pour retrouver les traces d’un événement capable d’expliquer ce long passage de la Genèse. Si la ville de Sodome ne peut être associée avec certitude à aucun site précis, ils ont constaté que la civilisation urbaine de l’ancienne Palestine a connu un sévère coup de frein autour de 2 500 avant notre ère. Parmi les hypothèses évoquées, la chute d’une météorite ou un tremblement de terre, suivi de l’embrasement des nappes de pétrole qui affleurent sous la surface.

Entre histoire et texte sacré, la destruction de Sodome reste comme le premier grand incendie urbain évoqué dans une trace écrite. La suivante, ce sera Troie : la ville de Priam et d'Hector aurait été incendiée par les Grecs après sa chute d'après les sources littéraires. Pour la petite histoire, l’archéologie a montré qu'une des neuf villes superposées ("Troie VIIa"), sur le site de la Troie historique (Hissarlik, en Turquie), porte bien les traces d'un vaste incendie.

Rome : Néron, coupable idéal

Si l’image de Néron jouant de la lyre devant les ruines de sa ville fumante relève plus de la légende que de la réalité, l’immense incendie qui ravagea une semaine entière la Ville à l’été 64 est bel et bien réel. Si ce n’est ni le premier, ni le dernier à frapper la capitale romaine, c’est le plus spectaculaire et le plus meurtrier. Parti de la zone du cirque Maxime, nourri par le bois et le tissu des boutiques et des habitations, fouetté par le vent, il se répand à une allure folle. Les secours peinent à enrayer le feu, piégés dans un lacis de ruelles et gênés par les fuyards. Le feu est si violent qu’il crée ses propres vents ardents, des tempêtes de feu – un phénomène naturel d’une rare violence, mais qui peut aussi apparaître après des bombardements, comme à Dresde en 1945.

Malgré les mesures prises par Néron, dont la destruction d’une partie des habitation de l’Esquilin destinée à priver le feu de combustible, l’incendie réduit en cendres trois des quatorze quartiers de la ville, qui compte entre 800 000 et 900 000 habitants. Sept autres sont détruits en partie. Bilan : des milliers de morts, 200 000 sans-abris et un coupable tout trouvé : Néron, accusé par une partie des Romains d’avoir volontairement fait incendier la ville pour pouvoir bâtir une nouvelle Rome, Neropolis. D’après Tacite c’est pour échapper à ces accusations que Néron aurait fait porter le chapeau aux Chrétiens.

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Image non contractuelle.

Londres, l’année des trois 6

Tout est parti d’un pudding. Ou plutôt d’une boulangerie de Pudding Lane, une rue du centre historique de la capitale anglaise. Vers minuit, le 2 septembre 1666, ce qui reste peut-être comme le plus grand incendie de l’histoire démarre et s’étend à toute allure au travers d’une ville déjà ravagée à plusieurs reprises par les flammes, à l’urbanisme bordélique confus et aux nombreuses maisons de bois. Indécis, le lord-maire de la cité tarde à prendre la décision de faire abattre certaines maisons pour créer des coupe-feux.  Poussé par le vent, le feu devient incontrôlable. Il se nourrit du bois et dela chaume mais aussi de toute l’immense quantité de marchandises amassées sur les docks : charbon, graisse, suif, alcool, térébenthine, bitume. La chaleur est telle que les chaînes et les verrous de fer des portes de la Cité en fondent.

Comme à Rome quinze siècles plus tôt, on cherche des coupables : ce seront les Français et les Hollandais présents dans la ville, lynchés ici ou là au milieu des flammes en vertu du fait que ces deux pays sont au beau milieu d'une énième guerre avec l'Angleterre. L’incendie s’étend dans toute la Cité, menace la cour à Whitehall. Il faudra que la garnison de la tour de Londres fasse littéralement sauter des groupes entiers de maisons pour enfin priver les flammes de combustible.

Bilan : 13 200 maisons, 87 églises paroissiales et une cathédrale (Saint-Paul) détruites, 70 000 à 80 000 Londoniens privé de maison et … six morts. Du moins officiellement : il y a fort à parier que le nombre de victimes ait été bien supérieure. Non seulement les corps des miséreux n’étaient pas recensés, mais bien des Londoniens ont littéralement disparu ans les flammes, ne laissant pas même un fragment d’os derrière eux. Un historien rappelait qu’à ces températures, seules les dents peuvent éventuellement résister. Or, les pauvres n’en avaient généralement plus une seule…

Chicago et l’Illinois dans les flammes

On a tout dit sur l’origine de l’incendie qui ravagea Chicago en 1871. Un boeuf aurait flanqué un coup de pied (en vache) à une lampe à huile. Des météorites se seraient abattues sur la ville. Des gamins auraient laissé tomber la pipe qu’ils fumaient en douce dans une grange. Etc.

Toujours est-il que les flammes progressent facilement dans la soirée du 8 octobre : les maisons sont très proches et les rues de la ville sont encore longées par des trottoirs en bois, comme ceux qu’on voit dans les westerns. Les péniches chargées de charbon, pressées les unes contre les autres sur le fleuve, n’arrangent évidemment rien.

En tout, 8 kilomètres carrés sont littéralement arasés par les flammes. Un tiers des habitants - soit 100 000 âmes – sont à la rue, 17 500 bâtiments ont été détruits et 200 à 300 Chicagoans y ont laissé la vie – un petit miracle, vu la violence de l’incendie.

Une fois ce dernier éteint, il faudra attendre des jours et des jours que la température de décombres baisse pour pouvoir dresser l’inventaire des dégâts. Les premières autorisations de reconstruction, elles, furent signées à la minute même de la fin de l’incendie. Et moins de 22 ans plus tard, Chicago reconstruite de fond en comble était en mesure d’héberger 21 millions de visiteurs pour l’Exposition Universelle.

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En foncé, la partie de la ville détruite par l'incendie. 

Publié par jcpiot / Catégories : Actu