Taubira, le mariage et les « jeux amoureux »

La Garde des Sceaux Christiane Taubira à l'Assemblée nationale (FRANÇOIS GUILLOT / AFP

Prenant la parole mardi sous les ovations de la gauche à l’issue du vote en première lecture à l’Assemblée –par 329 voix contre 229-  du projet de « mariage pour tous », la Garde des Sceaux Christina Taubira s’est réjoui de ce résultat. Un résultat obtenu, a-t-elle dit aux députés en souriant, au terme de « jours et de nuits passés ensemble » : chacun, à droite comme à gauche, a pu, a-t-elle insisté, exprimer librement ses «convictions ». Et la ministre -après avoir assuré que la « protection » des enfants dans les couples, quels qu’ils soient, resterait demain « la » priorité- a assuré, sur un mode à la fois narquois et jubilatoire, qu’au-delà du projet de loi les « jeux amoureux » -entre hétérosexuels comme entre homosexuels- resteraient évidemment de mise. Bref, que nulle loi ne les briderait !

 A l’arrivée, 100 voix d’écart

 En attendant que le Sénat, à partir du 2 avril, se saisisse à son tour du projet de loi, le résultat de ce vote en première lecture a été à l’Assemblée sans surprise et sans appel : 100 voix d’écart. Quatre députés PS (ou apparentés) ont voté contre le projet Taubira (qui exclut la GPA et reporte à plus tard la PMA pour les couples de femmes) et 5 se sont abstenus. A l’inverse, deux députés UMP ont voté pour le projet (Franck Riester et Benoist Apparu) et cinq se sont abstenu (dont, comme prévu, les anciens ministres Nathalie Kociusko-Morizet et Bruno Le Maire).

 Le radical Tourret comme Lang en 1981

 Le grand « vainqueur » de ce marathon de l’Assemblée est, à l’évidence, Christiane Taubira. Dans un hémicycle où abondent les énarques et les apparatchiks, elle a fait entendre, avec beaucoup de spontanéité et à l’occasion de talent, une voix éloquente. Celle d’une femme cultivée, aimant à citer les poètes, amoureuse des mots et politiquement habile, voire roublarde. N’a-t-elle pas laissé Dominique Bertinotti expliquer que tous les opposants au projet étaient, ou peu s’en faut, des « homophobes », et le député radical de gauche Alain Tourret que la gauche était « l’avenir » et la droite « le passé », sur le modèle de Jack Lang expliquant en 1981 que la France passait « de l’ombre à la lumière »

 Machine arrière toute sur les « mères porteuses »

 Plus posée, plus politique aussi, Christiane Taubira a, au contraire, rendu hommage au travail et à la « sincérité » des élus de l’opposition. Elle a su aussi habilement composer quand il le fallait, ce qui n’était pas forcément prévu au départ : machine arrière toute sur la GPA, pas en retrait sur la PMA.  On verra. Il reste que, même si la comparaison Christiane Taubira-Simone Veil est artificielle, la Garde des Sceaux –très contestée jusque-là pour sa politique pénale jugée à droite et parfois à gauche « angélique »- sort grandie de ce débat. Elle y a gagné des galons de capitaine. Une capitaine capable d’expliquer à une Assemblée d’hommes surpris et bluffés que, demain, les femmes continueront à les observer, à les juger, à les démasquer aussi. Bref, à s’intéresser à…. eux. 

Publié par ddemontvalon / Catégories : Actu