Les cinq leçons d’une manif qui fera date

Des manifestants contre le mariage et l'adoption par les homsexuels à Paris le 13 janvier 2013. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

La manifestation organisée le 13 janvier à Paris pour demander à François Hollande le retrait du projet gouvernemental de "mariage pour tous" et l’organisation à la place d’un référendum a atteint ses objectifs : une foule énorme (souvent avec enfants) venue de toute la France ; des cortèges bien organisés qui, à l’arrivée, ont conflué sous la Tour Eiffel ; malgré le froid, une ambiance globalement chaleureuse ; et, si l’on accepte de "classer" à part quelques dérapages minoritaires autant que scandaleux, rien qui permette de parler, comme l’avaient pourtant prédit ou craint les avocats du mariage homosexuel, de "manif homophobe". En revanche, il a été beaucoup question dans les rues de Paris, en termes passionnés autant que vagues, de "la famille".

Cinq leçons se dégagent au terme de cette impressionnante démonstration de force.

1Feu vert pour le projet Taubira 

Sur le terrain strictement politique, François Hollande a toujours les moyens de faire adopter lundi 14 janvier par le Parlement le projet défendu par Christina Taubira de "mariage pour tous". Ce serait logique puisque ce projet figurait dans ses engagements de campagne, même si les électeurs de Hollande avaient, en réalité et de loin, deux autres objectifs en tête : que Sarkozy "dégage", que le chômage baisse.

2Une manif impossible à zapper

François Hollande, en tout état de cause, ne pourra pas "zapper" cette séquence du dimanche 13, en la rangeant au rayon du "folklore". Il ne pourra pas ne pas tenir compte de cette spectaculaire et inattendue montée à Paris d’une partie de la "France profonde". Avec, à gauche, quelques soutiens marginaux mais révélateurs, telle celui de Georgina Dufoix, l’ex-porte-parole de François Mitterrand.

3Droite et gauche prises de court

La gauche mais aussi la droite ont été, au départ, totalement prises de court par cette "manif" qu’ils n’avaient pas vu venir, qu’ils ont longtemps sous-estimée  et dont l’ampleur, aujourd’hui, les sidère. Certes, au final, l’UMP version Copé et une partie du FN ont défilé, mais en tentant de rattraper au vol ce qui était parti sans eux. Le fait est là : droite et gauche ont été court-circuitées par "quelque chose", que cela plaise ou non, qui appartient au registre de la révolte "basique" et citoyenne. Car, pour se rebeller ainsi à l’heure du chômage et en plein hiver, en "montant" à Paris par trains, cars et voitures, il fallait être convaincu.

4Pas une manif "catho"

La grande manif, contrairement à ce qui avait été dit, n’a pas été une manif "catho", une manif de "curés". Sans doute l’Eglise a-t-elle joué un rôle non négligeable dans la mobilisation d’une partie de ses ouailles mais, à l’heure de la rue, elle ne donnait pas le ton. Le thème dominant: la volonté d’avoir droit à la parole, le désir d’être écouté.

5Une grande violence verbale

Comme en témoignent (notamment) les échanges sur les réseaux sociaux, il y avait longtemps que la France n’avait pas connu une telle violence verbale entre deux "camps" : beaucoup de manifestants de dimanche ont le sentiment d’être ignorés, parfois méprisés et, au passage, de ne pas avoir un juste accès aux médias ; la "communauté homosexuelle", qui craignait déjà que Hollande ne tienne pas vraiment ses promesses, a aujourd’hui le sentiment douloureux d’un retour en arrière. Comme si, au-delà de tel ou tel "projet", allait revenir le temps de la stigmatisation, et s’éloignait celui de "l’égalité".

Le chef de l’Etat doit rassembler

Président de tous les Français, François Hollande va devoir tenir ses promesses de candidat, mais aussi ne pas oublier qu’il est chargé de rassembler ses compatriotes. Or, à l’heure de mondialisation, quand les citoyens ont le sentiment que les repères collectifs s’évanouissent et que l’économie se joue non pas à Paris mais à Bruxelles ou à Berlin, les questions société et plus encore d’éthique (qui dictent le vivre ensemble national) deviennent cruciales. Et peuvent même –c’est sans précédent- rassembler à Paris un dimanche de janvier plusieurs centaines de milliers d’opposants.

Publié par ddemontvalon / Catégories : Actu