Jean-Marie Le Pen et sa fille : une vraie bagarre

La présidente du Front national, Marine Le Pen, lors de ses vœux à la presse, le 8 janvier 2012 à Nanterre (Hauts-de-Seine). (ERIC FEFERBERG / AFP)

Le Front national participera en tant que tel à la manifestation du 13 janvier contre le projet de « mariage homosexuel ». Une décision que souhaitait Jean-Marie Le Pen, le « président d’honneur » du parti. Une décision d’autant plus marquante que Marine Le Pen, la présidente du FN, avait auparavant expliqué qu’elle-même n’y participerait pas. Motif avancé : pas question d’apparaître « à la remorque » de Jean-François Copé et de l’UMP. Regrettant de ne pouvoir être présent dans l’un des cortèges parisiens (car il sera ce jour-là à Nantes), Jean-Marie Le Pen n’a pas craint d’enfoncer le clou : « Mentalement », dit-il, il sera avec les manifestants. Sera notamment présente dans les cortèges du 13 sa petite-fille, la jeune députée Marion Maréchal-Le Pen.

Les cinq clés

Ce différend politique public entre Jean-Marie Le Pen et sa fille a cinq causes, complémentaires.

1Le gardien du temple

Depuis qu’il a passé la main à sa fille Marine, Jean-Marie Le Pen exclut de « décrocher », ou même d’être en retrait.  Il refuse d’être un retraité de la politique. Il se veut « le » gardien du temple. Qu’on se le dise : il est toujours là. Et c’est lui qui tient en mains la caisse du parti.

2Le refus de la normalité

Le Pen père soutient sa fille, mais la surveille aussi. Depuis le début, l’idée d’une « dédiabolisation » du parti ou simplement d’un changement de nom du parti le hérisse. Il y voit à la fois une critique implicite de son action, et un désir de normalisation contraire à son tempérament comme à ses analyses.

3Le retour des amis de Mégret

Le fondateur du FN n’y peut rien –ou presque- mais il est suprêmement agacé par ceux qui entourent (politiquement) sa fille, qu’il s’agisse de l’énarque et ex-chevènementiste Florian Philippot ou d’un certain nombre de jeunes « revenants » qui avaient joué à fond hier la carte du « renégat » Bruno Mégret (lui-même ancien du RPR) et qu’on retrouve aujourd’hui, leur purgatoire passé, aux premières loges. Marine Le Pen veut tourner la page et rassembler. Jean-Marie Le Pen, lui, n’oublie rien.

4Les deux cultures

Durant toute sa vie politique, depuis sa première élection comme député poujadiste, Jean-Marie Le Pen s’est voulu un imprécateur et un pourfendeur du « système » : pas question de frayer avec l’un quelconque des partis de « l’établissement », comme il dit. Il entend donc avec une extrême méfiance sa fille dire et répéter qu’elle veut un jour « gouverner ». Avec qui ?  Il y a là entre eux deux, outre le choc de générations, un vrai choc de cultures.

5Le poids des intégristes

Le fondateur du FN -soucieux comme d’habitude de n’être débordé à droite par personne- juge aujourd’hui le bilan de Hollande « catastrophique ». Sur Europe 1, à terme, il n’exclut, du coup, ni une dissolution de l’Assemblée ni même une démission du président élu le 6 mai dernier. Sous-entendu : ce n’est pas le moment de se tenir à l’écart de manifestations qui seront d’abord, selon lui, « anti-gouvernementales ». Mais Jean-Marie Le Pen, qui comprend mal les références répétées de sa fille à la laïcité, ne veut surtout pas se couper de Bruno Gollnisch et, au-delà, des catholiques intégristes que révulse le projet de « mariage pour tous » et qui ont toujours fait partie de ses « bataillons de choc ».

Bref, l’affaire de la « manif » du 13 –l’un l’approuve, l’autre pas- met en pleine lumière la méfiance qu’inspire au fondateur du Front national, au-delà des liens du sang,  la démarche politique de sa fille, qu’il comprend mal ou…trop bien.