Pourquoi Tapie remonte à cheval

Bernard Tapie, le 21 juin 2012. (MAXPPP)

L’acteur et hommes d’affaires -ancien ministre de François Mitterrand- a fait sensation en se portant acquéreur (contre le vœu de l’Elysée, qui a tout fait pour le bloquer) des trois journaux-phares du sud-est de la France : La Provence, Nice-Matin et Corse-Matin. Au-delà –il s’en défend mollement- il rêve de la mairie de Marseille. En tout cas, c’est le grand retour en politique du transgressif Tapie.

 La réapparition sur l’avant-scène politique du radical (de gauche ou de droite, selon les époques) Bernard Tapie en agace plus d’un, et c’est peu dire. Mais beaucoup se disent sceptiques sur les chances de l’ex-président de l’OM de réussir son nouveau pari, aux contours il est vrai encore flous.

Les cinq atouts de Tapie

Pourtant, Tapie ne manque pas d’atouts. On peut en énumérer cinq.

1. Une fois de plus, le comédien vient de faire, à 70 ans, la démonstration qu’il savait créer l’événement et prendre tout  monde à contrepied. De retour sur scène au moment ou personne ne s’y attendait, c’est lui, pour l’heure, qui mène le jeu. Pris de court, ses adversaires cherchent une parade.

2. Les attaques contre ce patron de presse interventionniste sont compréhensibles mais, globalement, dérisoires. Outre que tout patron, quel qu’il soit, n’a pas vocation à se transformer en statue de cire et peut légitimement espérer que « son »  journal, peu ou prou, lui ressemble, il est évident qu’en 2012 la presse écrite  -qui vit une crise une crise structurelle très profonde- n’est plus du tout ce qu’elle était il y a 25 ans. Starisé par son « atterrissage » à La Provence, Tapie comptera moins demain par les « Une » de ses journaux ou par ses hypothétiques éditos que par son aptitude, à partir de son bureau de Pdg,  à occuper le terrain. Un registre dans lequel, jusqu’à preuve du contraire, il excelle.

3. La scène politique marseillaise est aujourd’hui… peu encombrée. Jean-Marie Le Pen est en fin de parcours.  Le sénateur-maire UMP Jean-Claude Gaudin aussi, à sa façon, même s’il en faut pas sous-estimer ses qualités de puncheur. Battu aux législatives, Renaud Muselier,  le dauphin, l’éternel héritier gaulliste, s’est éloigné. En principe définitivement. Affaibli par l’affaire Guérini et par les tracas judiciaires de la députée Sylvie Andrieux, le PS marseillais se porte mal, et manque d’un homme (ou d’une femme) à poigne. Même si l’ex-« royaliste » Patrick Menucci rêve d’être celui-là. Bref, il y a, sinon un vide, en tout cas  des  vides que Tapie, si le fisc (actionné par Bercy) ne le fait pas trébucher, peut demain parfaitement combler.

4.  Les nouvelles générations s’entendent dire que Tapie, jadis, a commis des horreurs (ou des erreurs ?). Mais les générations en question ne connaissent pas la face ombreuse du personnage, qui lui a valu de connaître la prison. Tapie a payé, et  de l’eau a passé sous les ponts. Evoquer aujourd’hui les « affaires » d’antan, pour beaucoup de jeunes Marseillais, c’est remontrer à Charlemagne. Seuls comptent pour eux  l’OM et le charisme.

5. L’heure est sinon au populisme, en tout cas à ceux qui font –qu’on  s’en réjouisse ou pas- un pied-de-nez à des partis affaiblis et à une classe politique discutée: Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Arnaud Montebourg, voire Jean-François Copé. Et demain le marseillais Tapie ?

L’exaspération de l’Elysée

Les chances de l’intéressé, dans pareil contexte, de réussir son come-back sont donc, à priori, loin d’être négligeables. Sans doute est-il aujourd’hui l’homme à abattre. Mais, s’il résiste aux coups, il peut  être en 2017   « le » faiseur de roi, en tout cas l’homme incontournable.

On comprend, du coup, l’exaspération de l’Elysée vis-à-vis de ce ténor encombrant, imprévisible et devenu trop sarkozyste pour être… fréquentable.

 

Publié par ddemontvalon / Catégories : Actu