Feuilleton : Venise, le carnaval démasqué

Quiconque dépeint Venise conviendra toujours d’une chose : la Cité des Doges finit inévitablement par vous semer. Une ombre trop rapide dans une coursive, un pont qui donne sur un mur, beaucoup d’inconnus, peu de visages. Venise perd ses habitants, jamais son insolence.

C’est au mois de février qu’elle s’en amuse le plus, lorsque s’y mêlent au détour de charmants coupe-gorges les masqués passionnés les plus assidus et les Vénitiens les mieux informés. Lors de nos mois de pérégrinations dans la Sérénissime, plusieurs vérités nous ont été racontées.

Venise, c’est une femme. Ses surnoms la conjuguent d’abord au féminin. Les visages qui la composent, également. Il y a celles qui défilent en cortège et dont les beaux minois représentent la ville. Celle qui ouvre le carnaval en s’élançant du haut du campanile de la place Saint-Marc. On l’appelle l’Ange. Autrefois, ce spectacle était effectué par des hommes, des funambules turcs, qui parfois chutaient - autre temps, autres mœurs. Ces muses qui font la ville ont levé leur voile pour nous.

Venise, c’est une histoire avec la France. Une histoire funeste d’un côté ; lorsqu’en 1797, Napoléon Bonaparte met fin à la République Vénitienne et à l’effervescence mâtinée de décadence qui la caractérise – le carnaval, les fêtes, les masques sont proscrits. De l’autre, c’est l’histoire d’une renaissance : réapparu en 1979, le carnaval vibre aujourd’hui en grande partie grâce aux passionnés français. Florence et Maxime, dont nous avons suivi les parcours, en font partie.

Venise, ce sont des visages, comme ceux des Maries évoquées plus haut. 12 femmes que le Doge choisissait chaque année au 10ème siècle afin de les marier. Ravies par les pirates quelques années plus tard avant que les Vénitiens ne viennent à leur secours, les 12 ravissantes fanciulle sont depuis célébrées dans un faste cortège aux couleurs du Moyen-Âge dès l’ouverture des festivités.

Venise, c’est un mariage avec l’eau. Les Vénitiens s’y réfugient presque pour y célébrer leur propre carnaval sur le Grand canal : l’un, très théâtral, se tient à la nuit tombée, le second, à vocation plus populaire voire politique, délivre peu ou prou le message suivant, « Venise se dépeuple, mais ne mourra jamais ». Certains secrets de Venise resteront à bord des bateaux de cortège où ils nous ont été contés. Pour le reste, on vous a préparé quelques belles images...

Venise, ce sont enfin les bals à huis clos. Des silhouettes masquées sur un air de Vivaldi, une Bautà, un clin d’œil, des portes qui s’entrebâillent. L’une d’elles nous a été discrètement ouverte, nous invitant à revivre pleinement le 18ème siècle. Et voici que démarre le carnaval, côté privé…

Feuilleton d'Alban Mikoczy, Anne Donadini, Laura Tositti, Manuel Chiarello et Valérie Parent.