Recalé l’année dernière, Hermann a remporté cette fois la majorité des suffrages pour la récompense phare du festival d’Angoulême. « J’en ai rien à foutre », avait-il dit en 2015. Cette année, il est content.
« Merci aux auteurs qui ont voté pour moi, je trouve ça très sympathique et franchement je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait autant de dessinateurs qui m’aiment bien », a confié l’auteur belge, la mine réjouie. Ce sont les auteurs qui ont attribué la récompense à Hermann par un vote à partir d’une liste ouverte. 1194 auteurs ont participé. 37 % des suffrages sont allés à Hermann qui a devancé le scénariste britannique Alan Moore (34%). La française Claire Wendling a obtenu, elle, après la polémique sur le sexisme du festival, 29% des votes. En 2015, Alan Moore et Hermann s’étaient déjà retrouvés dans le tiercé final derrière le japonais Katsuhiro Otomo qui avait remporté le prix. Sans jouer au Brice Teinturier de la BD, on peut dire que le vote s’inscrit dans la continuité du suffrage précédent. Demi-surprise donc d'autant qu'on avait aperçu hier après-midi l'auteur arriver en gare d'Angoulême quelques heures avant la cérémonie.
Hermann, bougon de la BD ? « Je passe de manière exagérée pour être une espèce d’horrible ours rébarbatif. Ce n’est pas vrai mais je ne suis pas très diplomate, je dois le reconnaître en effet », concède le Grand prix 2016. Hermann n’est pas un ours mais n’arbore pas toujours un large sourire gracile. Il a souvent la parole libérée et le verbe coloré. « J’en ai rien à foutre », avait-il confié l’année dernière au sujet du Grand prix au site spécialisé ActuaBD. L’homme s’emporte facilement, il sait aussi redescendre. Bien conseillé, il était revenu depuis sur ses propos. Le lauréat compte de solides soutiens parmi les auteurs qui le considèrent comme un maître du 9ème art. « Je jubile » écrit François Boucq sur sa page Facebook et qui dessine le Grand prix hilare sur un cheval. Avec plus de 50 albums, Hermann fait graphiquement l’admiration de plusieurs générations de dessinateurs.
Hermann est un auteur que l’on peut qualifier de traditionnel dans la BD franco-belge. Sa carrière débute véritablement en 1966 dans l’hebdomadaire Tintin avec Greg pour scénariste. Il est le dessinateur de quatre séries majeures : Bernard Prince, Comanche, Jeremiah et Les Tours de Bois Maury. Il est aussi scénariste. Il possède à son catalogue de nombreux one-shot qu’il réalise depuis quelque années avec son fils Yves H au scénario. Son style est réaliste, utilisant selon l’époque la plume ou l’aquarelle.
Hermann a un graphisme qui lui est propre. De ses dessins se dégagent une sourde énergie, de ses personnages une animalité qui peut aller jusqu’à la violence. Dans ses albums, cadrages et décors ne sont jamais négligés plaçant le lecteur en immersion dans des ambiances prenantes. Des plaines de l’Ouest américain au désert glacé de Sibérie, Hermann a posé son trait dans des univers aussi variés que celui du western, de l’anticipation, du récit historique ou du thriller. Avec une noirceur sous-jacente dans les personnages et une âpreté dans les rapports humains. Hermann Huppen, dit « Hermann », à 77 ans, est le quatrième auteur belge lauréat du Grand prix du Festival international de la bande dessinée (FIBD) d’Angoulême. Belle reconnaissance d’un auteur au talent et à la carrière confirmés. Tradition oblige, il dessinera l’affiche de l’édition 2017.