Aurore Bergé, élue dans les Yvelines : "Mentir sur les méthodes de l'IVG, je trouve cela intolérable"

Aurore Bergé est élue Les Républicains à Magny-les-Hameaux (Yvelines) et dans l'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines. Elle a fait parler d'elle en marge des débats parlementaires sur la proposition de loi sur l'extension du délit d'entrave à l'IVG. Elle avait aussi son mot à dire sur l'affaire Denis Baupin. On a rencontré cette femme de 30 ans qui se bat contre la misogynie en politique.

Propos recueillis par Emma Levy

Le 30 novembre 2016, vous avez contacté le numéro vert du site IVG.net pour dénoncer la désinformation sur l'Interruption volontaire de grossesse (IVG) pratiquée, selon vous, par ce site internet. Vous avez dit que vous souhaitiez avorter. La personne qui vous a répondu a tenté de vous convaincre ne pas le faire. Puis vous avez raconté cette expérience sur Facebook, et IVG.net a porté plainte contre vous pour diffamation. Regrettez-vous votre démarche ?

Aurore Bergé : Non, je ne regrette absolument pas ! Je n'ai encore rien reçu à propos de cette plainte ! Je n'ai pas eu de nouvelles et je ne suis pas inquiète. C'est le procureur qui va décider de la suite.

Le problème de ce site est qu'il ne donne pas d'infos, justement. Il prétend le faire, plutôt à des femmes vulnérables. Leur premier réflexe est de taper IVG ou Avortement dans le moteur de recherche Google. Ce site internet apparaît dans les premiers résultats. Il se présente comme un site quasiment officiel et propose une aide dans les démarches. C'est ce qu'on appelle le délit d'entrave numérique. Avant, on empêchait l'accès à des centres médicaux ou on dénonçait les médecins qui pratiquaient des avortements. Aujourd'hui, on ne fait plus ça, mais on biaise, on cache les infos.

Donc j'ai fait le test, j'ai appelé le numéro indiqué sur le site en disant que j'étais enceinte et que je voulais avorter, en le répétant plusieurs fois. Tout au long de la conversation, on m'a fait un discours culpabilisant. Les infos que j'ai reçues étaient biaisées ou fausses. On m'a dit que je risquais de devenir stérile, que mon couple n'allait pas survivre, que j'allais avoir des séquelles psychologiques extrêmement graves et qu'ils ne pouvaient pas se prononcer sur les séquelles médicales, mais qu'il y en aurait probablement. Tout ça en 18 minutes.

Mais moi, je ne suis pas la cible de ces sites. Si demain ça m'arrive, je sais quoi faire, je peux en parler facilement. Ce site vise les jeunes filles ou jeunes femmes en détresse. Ma filleule de 13 ans a vu ça sur Facebook, elle a été très énervée et a voulu appeler. Avec sa mère, elle a enregistré l'appel qui dure 30 minutes. Elle se présente, dit qu'elle a 13 ans et qu'elle est enceinte.

On lui a conseillé de dissimuler la grossesse, en disant qu'"une grossesse ça se cache". On lui a dit que c'était moins traumatisant d'aller au bout de celle-ci et d'abandonner le bébé plutôt que d'avoir recours à l'IVG. On lui a dit qu'en prenant des médicaments au début de la grossesse son bébé allait "tomber dans les toilettes" et que plus tard dans la grossesse, elle subirait une opération. On lui a dit : "Je ne vais pas te mentir, on va te charcuter." Tout ça c'est faux. On lui a donc menti sur les méthodes de l'IVG. Je trouve que c'est intolérable.

S'il y a un procès, cela mettra en lumière les pratiques d'IVG.net. Il faut plutôt diffuser le lien du site du gouvernement, son numéro (0800 08 11 11) et celui du planning familial pour informer les jeunes filles. Ainsi, IVG.net descendra dans les résultats des recherches Google.

Vous avez aussi fait parler de vous le 9 mai, le jour où des élues ont dénoncé des agressions et des harcèlements sexuels de la part de Denis Baupin, ancien vice-président de l'Assemblée. Vous avez été victime de plusieurs remarques sexistes lorsque vous étiez à un conseil d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Vous avez dénoncé ces actes sur Twitter, pourquoi n'avez-vous pas envisagé d'aller plus loin, de porter plainte ?

Ça s'est produit à Trappes le jour où l'affaire Denis Baupin est sortie. Ce soir-là, deux élus m'ont fait des remarques. J'ai été désarmée et choquée. Sur le coup, on ne sait pas comment réagir avec le bruit et toute l’agitation. Je n'ai pas su quoi répondre.

En rentrant, j'y ai repensé et je m'en suis voulu de ne pas avoir réagi. Donc, j'ai mis un post sur Twitter en expliquant ce qu'il s'était passé. C'est une amie journaliste de Mediapart qui a fait une capture d’écran de mon post et l'a publié sur Facebook. Mon but n'était pas d'aller si loin. Je ne voulais pas de lynchage de ces élus, ils ne méritaient pas toute cette attention. Au fond, ces actes ne sont pas si rares, mais on n'en parle pas beaucoup.

Des femmes m'ont dit qu'il fallait encaisser ces propos. Elles ont intégré cette contrainte et m'ont dit que cela faisait partie du mode de fonctionnement et qu'on ne le dénonçait pas. Mais ces comportements ne devraient plus exister, ni dans la vie quotidienne, ni dans la vie politique. Le problème n'est pas que des femmes les dénoncent, mais que les hommes les pratiquent. J'ai reçu beaucoup de messages de personnes de tous milieux confondus qui me disaient qu'il fallait en parler pour que cela cesse.

Une scène encore trop ordinaire de la vie politique... Je suis une jeune fille de 16 ans et je me demande aujourd'hui comment des hommes élus censés représenter la population peuvent encore tenir de tels propos ?

Je n'ai pas la réponse malheureusement. Ce sont ceux qui votent des lois contre ça qui le pratiquent. Denis Baupin a participé à la campagne contre le harcèlement, alors que des faits de ce type ainsi que des attouchements lui sont reprochés par plusieurs femmes. Tant qu'ils ne sont pas mis à l'écart et désinvestis, cela continuera. Aujourd'hui, on sait que 30% des hommes pourraient violer une femme s'ils étaient sûrs de ne pas être poursuivis, selon une étude récente réalisée au Québec. Les mentalités doivent changer. Il faudrait que les partis fassent le ménage.

En tant que jeune femme, comment peut-on se faire une place et peser dans l'univers misogyne qu'est le monde politique ?

(Rires) C'est un monde pensé par des hommes pour des hommes. Beaucoup de femmes qui sont dans le monde politique sont des filles de parlementaires ou d'anciennes collaboratrices de parlementaires. Peu de femmes s'y imposent sans être déjà affiliées à ce monde. Il n'y a pas de recette miracle. On peut espérer des carrières, mais ça ne se passe jamais comme ça.

En entreprise, on est évalué sur son travail. En politique, il y a beaucoup plus de facteurs, pour les hommes comme pour les femmes. Il faudrait que les femmes s'engagent plus, adhérent à des partis et militent. Plus les femmes monteront en grade, plus elles seront élues. Il faut investir le monde politique pour le renouveler. Et respecter la parité. La politique est un engagement, pas une carrière.

Vous siégez dans la majorité au sein de la communauté l'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines et dans l'opposition au sein de la ville de Magny-les-Hameaux. Au quotidien, quel est votre travail ?

A Magny, j'y suis depuis 2008. Je prends les transports tous les jours. C'est un travail d'équipe avec les autres élus et ceux avec qui je travaille. Il faut garder une cohésion dans l'équipe. C'est un peu plus difficile dans l'opposition. Notre travail, c’est de continuer de défendre, d'identifier et de faire remonter nos sujets. On doit aussi militer et écouter, on fait le travail d'alerte.

Au sein de l'agglomération, moi, je travaille plus particulièrement sur les relations avec l'Université de Versailles Saint-Quentin. On essaie de faire entrer le monde de l'entreprise dans la fac pour lui permettre d'avoir plus de moyens, plus d'ouverture et d'avoir accès à des intervenants. C'est un gros travail au quotidien. L'agglomération avait toujours été à gauche, elle a changé en 2014. Donc, forcément, on n'a pas les mêmes projets. On était sept communes, maintenant il faut faire entendre les douze communes pour le bien commun.

Dernière petite question. Vous souteniez Alain Juppé pour la primaire de la droite et du centre, allez-vous désormais soutenir François Fillon ? Sa vision de la politique de droite correspond-elle à celle que vous vous en faites ?

(Rires) J'ai soutenu Alain Juppé quasiment dès le début. Mon engagement à Magny et mon soutien pour Alain Juppé, c'est ce dont je suis le plus fière. Je n'ai jamais rencontré quelqu’un comme lui, pour son intelligence et sa bienveillance. Je pense que l'on est passé à côté d'un homme qui aurait été un grand président de la République. J'en suis vraiment convaincue. La gauche est passée à côté de Michel Rocard et la droite à côté d'Alain Juppé. Mais ça c'est mon point de vue personnel.

Pour les gens comme moi, de la droite libérale et progressiste, soit on part vers Emmanuel Macron qui nous fait beaucoup d'appels du pied et on déserte la droite où il restera une frange de la droite plus réactionnaire et conservatrice, soit on décide de soutenir François Fillon, qui prône une droite soutenant des idées qui ne sont pas les nôtres. Je préfère faire le pari de ne pas déserter la droite. Je n'ai pas envie que la droite, ce soit uniquement les gens de Sens Commun, parce que ce n'est pas ma droite. Je ne suis pas en accord avec eux, ni aujourd'hui, ni demain et je pense qu'il ne faut pas leur laisser le champ libre.

Moi, j'espère que ce n'est pas fichu, j'espère qu'il y a de la place à droite pour les libéraux progressistes, c'est-à-dire qu'il y a de la place pour les personnes qui ne veulent pas foutre en l'air la Sécurité Sociale, qui ne veulent pas privatiser l'Education, qui considèrent que le Mariage pour Tous c'est un acquis, que les enjeux d'égalité entre les hommes et les femmes sont majeurs, qui considèrent que la droite doit parler d'écologie, etc. J’espère qu'on va être nombreux à se battre pour faire entendre ces voix-là. Donc, je fais le pari de rester mais, sans rien renier, rien du tout, de ce qui a été fait dans la campagne d'Alain Juppé et de ce pourquoi je l'ai rejoint lui et pas un autre.

Publié par violainejaussent / Catégories : Non classé