Economie, islam et même Scientologie, AfD et Die Linke s'affrontent en attendant Barroso

(de G à D) Sauveur de l'argent, Protecteur de la démocratie, Sauveur d'Europe et Combattant de la liberté, les militants de l'Afd à Berlin, le 8 mai 2014.

Ils ont fait le tour de l'université, changé de porte trois fois avant d'ôter le haut de leur déguisement pour une première pause cigarette. Pas question pour "Geldretter", "Demokratieschützer", "Europaretter" et "Freiheitskämpfer", respectivement le Sauveur de l'argent, le Protecteur de la démocratie, le Sauveur d'Europe et le Combattant de la liberté, comme l'indiquent leurs noms floqués sur leur combinaison intégrale bleue, de rater l'occasion.

Mark, Florian, Manuel et Andreas sont venus porter la bonne parole eurosceptique d'Alternative für Deutschland avant le discours de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, à la Humboldt-Universität de Berlin.

"Les vieux partis n'ont pas la solution"

Mark, président des Jeunesses de l'Afd, juriste de 27 ans, vient du parti libéral, qu'il a quitté dès les premiers plans de sauvetage acceptés. Florian, grand trentenaire ébouriffé aux lunettes à écailles, travaille dans l'immobilier. Ancien de la CDU, "il est inquiet pour le futur de son pays" et considère que "les vieux partis n'ont pas la solution". Manuel, 22 ans, entame une formation à la DeutschBahn, l'équivalent de la SNCF. Depuis six mois à l'Afd, il voulait rejoindre "un jeune parti qui veut vraiment changer les choses".

Et il a embarqué son frère dans son combat. Andreas, 27 ans, est passé du vote Verts à l'Afd sans sourciller. Tatouage tribal sous l'oeil droit, l'aîné de la fratrie, dans l'incapacité de travailler pour des raisons de santé, considère que chaque pays devrait avoir sa monnaie. Quand son cadet estime qu'on "engloutit dans les sauvetages d'autres pays de l'argent qui devrait servir à investir en Allemagne".

"Attention racistes"

Entre deux cigarettes, ils tendent leurs fascicules aux quelques étudiants qui ne les regardent pas comme des extraterrestres. Jusqu'à ce qu'Antonios déboule avec une pancarte "Attention racistes" griffonnée à la va-vite derrière les posters des jeunesses de Die Linke, le parti anticapitaliste, dont il fait partie.

- "C'est de la diffamation", lui signale Mark qui trouve l'accusation tout à fait exagérée. Et d'entamer des louanges sur le modèle d'immigration canadien de "permis à point" pour obtenir la nationalité. "Si c'est ça que vous trouvez raciste...", lance-t-il sans animosité.

- "C'est de la Résistance", appuie un retraité, membre de l'Afd arrivé trop en avance et qui tenait la jambe aux militants,

"Nan, mais j'en reviens pas", hallucine Antonios, grands yeux écarquillé et sourire aux lèvres.

La discussion dérive à toute vitesse.

Antonios et son panneau "Attention racistes" avec les militants de l'Afd, devant l'université de Berlin, le 8 mai 2014.

Antonios et son panneau "Attention racistes" avec les militants de l'Afd, devant l'université de Berlin, le 8 mai 2014.

- "Vous critiquez le grand capital, mais vous avez sur vos listes, tout le grand capital", assène le jeune anticapitaliste en référence à Hans Olaf Henkel, patron des patrons en n°2 des candidats Afd aux européennes. En moins de trente secondes, les militants passent de l'économie à l'islam, puis aux droits de l'homme, ou plutôt de la femme, en Arabie Saoudite. Tandis que d'autres jeunes Die Linke rejoignent la discussion avec des panneaux "Ceci est le Tea Party Allemand", "Les schtroumpfs de l'Afd n'apportent pas de solutions", le ping-pong entre Antonios et Mark continue.

"Des puissants islamistes avec qui tu n'as pas envie de boire une bière"

Après un détour par la Scientologie, on revient à l'islam.

- "Admet qu'il y a un certain nombre de puissants islamistes avec qui tu n'as pas envie de boire une bière" (sic), lance le chef de file des jeunes eurosceptiques,

-"Oui, ben il y en a autant chez les catholiques", rétorque Antonios. Pendant ce temps, un de ses camarades tapote sur son smartphone. "Ah voilà!" Il retrouve un article (lien an allemand) avec cette citation sur les Roms, "groupes marginaux qui ne sont pas capables de bien s'intégrer", signée du président d'Alternative für Deutschland Bernd Lucke, en janvier dernier.

-"C'est sorti de son contexte, comme toujours", se distancie Florian, plus si loin de perdre son calme.

"On partage les mêmes constats sur l'Europe, mais on apporte des solutions radicalement différentes", admet Antonios, interrompu par l'arrivée du responsable communication de l'Afd. Ses petits hommes bleus ont encore les mains pleines de tracts. A dix minutes de l'arrivée de José Manuel Barroso, c'est pas le moment de tergiverser.

 

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Publié par Souriez vous êtes soignés / Catégories : Allemagne