10 Nov

INTERVIEW. Mojo Hand Records : un nouveau label nantais pour le blues, la soul et plus si affinités

Bien connu des musiciens nantais pour avoir lancé il y a quelques années une agence de promotion et de relations presse dans le secteur culturel, Tanguy Aubrée revient à ses premières amours en créant avec Arnaud Fradin, le chanteur leader de Malted Milk, un label dédié au blues et à la soul…

© éric guillaud

© éric guillaud – Tanguy Aubrée

C’est au « son cradingue » des guitares de John Lee Hooker que Tanguy Aubrée a été élevé. Ses premiers albums, ses premiers concerts, ses premiers accords joués sur une guitare ne sont jamais loin de ce style musical qu’il vénère encore aujourd’hui.

Rien de bien étonnant donc de le retrouver aux côtés du bluesman Arnaud Fradin à la tête d’un tout nouveau label indépendant qui veut aider les jeunes artistes ayant pour héritage commun la black music. Son nom sonne déjà comme une belle promesse : Mojo Hand Records.

Direction le centre ville de Nantes, un immeuble anodin, une bureau taille extra-small dans un espace de coworking assez cocooning, Mojo Hand Records est installé ici. Toc toc toc, un salut à Fred Lombard le fidèle collaborateur, un salut à Tanguy. On s’installe. Alors on se dit tout ? Interview…

Un nouveau label à Nantes ok mais pour quoi faire ?

C’est vrai que monter un label indépendant, c’est pas ce que tout le monde fait tous les jours en ce moment. Mais Arnaud Fradin du groupe Malted Milk, avec qui je travaille depuis deux ans et demi, avait vraiment envie de faire de la production, de travailler le son. Il a énormément investi dans un studio chez lui pour pouvoir faire son propre album, et en travaillant justement sur cet album il a rencontré pas mal de monde et notamment des jeunes groupes. Il a eu envie de faire profiter de son expérience. Et comme je travaillais à ses côtés, on s’est dit qu’on pourrait apporter un peu plus que de la production audio ou de la direction artistique, qu’on pourrait aussi leur faire bénéficier de mon réseau professionnel, de mon savoir faire pour lancer des groupes. Alors voilà, on a pris le pari de monter notre propre petite maison de disque pour faire de la production d’artistes émergents.

Il y a donc un vrai besoin ?

Oui, ça répond à un vrai besoin. Il y a plein de jeunes artistes qui sont talentueux, qui ont des idées mais qui ne savent pas forcément comment mettre en valeur leur projet et aborder, appréhender, l’industrie musicale où il y a quantité d’interlocuteurs.

À qui s’adresse ce label, aux seuls groupes de blues ?

C’est un peu plus ouvert que ça. Le propos vient en effet des musiques noires américaines mais qui s’ouvrent sur d’autres genres. The Possums (groupe du jeune label, ndlr) par exemple a un univers qui rappelle un peu celui de Theo Lawrence. Ils ont écouté beaucoup de folk, de country, d’americana pur et dur aussi bien que de la soul. C’est un ensemble de musiques américaines qui sont ingurgitées par des jeunes de 20 25 ans et qui en font une musique assez moderne dans la production et l’approche.

C’est un label vintage en quelques sortes ?

Dans les styles musicaux, effectivement ça peut paraître vintage à côté du rap, de la pop ou de l’électro. Seulement, l’approche et les productions ne sonnent pas vintage, c’est du travail qui est fait en numérique de façon moderne et le son s’en ressent. On a de très très bons retours sur ce son justement, notamment par rapport à l’album d’Arnaud Fradin.

Pourquoi ce nom Mojo Hand Records ? D’où vient-il ?

Mojo Hand est le nom d’un chanson de Sam Lightnin’ Hopkins qui est un vieux bluesman. C’est l’un des premiers morceaux de blues qu’Arnaud a écouté. C’est aussi, dans le vaudou américain, le sac médecine, le sac des grigris porte-bonheur. Et nous, ça nous plaisait assez cette façon de voir les choses, d’être un porte-bonheur pour les artistes.

Les gens connaissent finalement peu le travail des labels. Quel sera votre boulot concrètement ?

Il n’y a pas un groupe qui soit au même niveau dans son développement. On les accompagne à partir du moment où ils ont besoin de nous. En gros, on propose un accompagnement artistique sur de la production exécutive, de la production en studio, avec une direction dans les choix des textures sonores, des mixes, qui permettent d’avoir cette qualité de musique. Ça, c’est le boulot de Studio d’Arnaud. Et dans un deuxième temps, pour mettre en avant et faire connaître un album, nous accompagnons les artistes et le disque sur un circuit de distribution pour qu’on puisse trouver l’album dans les magasins et sur les plateformes digitales, tout en faisant un travail de promotion, de direction artistique, de travail autour de la charte graphique pour la création de la pochette du CD par exemple. il y a aussi toute une partie administrative ainsi que la recherche de financements. Ça, c’est mon job.

Quels sont les premiers artistes signés ?

On est un petit label, on essaie de faire les choses bien et par étapes. On ne va donc pas sortir cent albums par an. Pour l’instant, on a The Possums et Arnaud Fradin. Mais on a déjà en vue un autre musicien, il s’appelle Alexis Evans, pour lequel Arnaud a déjà préparé les mixes de 5 morceaux. C’est un artiste qui fait de la soul très grand public, et qui a un potentiel très intéressant. Tout comme la soul d’Amy Winehouse qui a touché un très grand public de part son caractère intemporel. Alexis Evans a beaucoup de talent, une superbe voix, il a reçu le prix des Rendez-Vous de l’Erdre sur le tremplin blues il y a deux ans, c’est un artiste avec qui il y a déjà une première collaboration en cours sur la partie production musicale. On espère maintenant concrétiser un contrat avec lui.

https://youtu.be/aAJyJlvl9Iw

Est-ce qu’il y a des critères de sélection pour signer chez vous ?

Il faut être dans ce carcan des musiques inspirés par les musiques noires américaines, au sens large, puisque il y a des inspirations folk, country, soul, blues, dans ce qu’on recherche. Mais c’est vrai que nous ne sommes pas un label qui va défendre des groupes de métal, il y a des gens qui le font très très bien. On va rester dans quelque chose qu’on maîtrise et qui correspond à l’image de ce qu’on veut défendre artistiquement.

Aurons-nous le droit à de beaux vinyles ?

Mais oui, absolument ! On va déjà faire un vinyle de l’album d’Arnaud Fradin dans les mois à venir. Pour les Possums, on va voir, ils ont ont pour l’instant un premier EP et deux titres qu’on a produit cet été. On va peut être attendre de faire un album complet, produire des 45 tours. Mais oui, on a envie de faire du vinyle.

Qu’apporte ce support aux groupes actuels ?

Le plaisir d’avoir un son analogique vraiment profond. Et puis dans ce style musical, c’est un support qui a été plus répandu que dans le rap ou dans la pop moderne aujourd’hui. Il y avait toujours un bon album de soul dans la discothèque de nos parents, du coup il y a un rapport très fort à la matière. Et puis, c’est au goût du jour, les groupes peuvent en vendre tout simplement.

Un conseil pour les groupes ?

On a la chance d’être dans un pays très ouvert, où il y a de nombreux médias indépendants, de nombreux passionnés qui parlent de musique, beaucoup d’espaces de liberté dans les médias. Il y a de la place pour diffuser de la musique indépendante. Il ne faut donc pas avoir peur de créer des projets qui soient atypiques, il ne faut surtout pas formater sa musique pour plaire au plus grand nombre, il faut vivre son projet pleinement, avec beaucoup d’intensité. Alors, on peut trouver son public….

Propos recueillis par Eric Guillaud le 7 novembre 2017

Plus d’infos sur Mojo Hand Records ici