Le sort de Philippot (Florian) est-il déjà scellé au Front national ?

Florian Philippot, vice-président du Front national, face à Marine Le Pen (Capture d'écran France 2)

Faut-il se méfier des "coups de foudre" ? Florian Philippot se pose peut-être la question ! A quelques mois du XVIe congrès du Front national - il devrait se tenir en mars 2018 -, que reste-t-il du "coup de foudre intellectuel" entre Marine Le Pen et celui qu'elle a nommé à la vice-présidence du parti d'extrême droite, en juillet 2012 ? Pas grand chose, si on en croit les épisodes d'une "rupture annoncée" qui s'égrènent depuis le revers de l'élection présidentielle et, surtout, depuis l'échec retentissant des législatives.

Bien sûr, les deux principaux acteurs de ce feuilleton font comme si de rien n'était. Ils n'évoquent la nouvelle donne que par allusion, en maniant la "langue de teck" d'usage dans ces circonstances dommageables pour le parti. Mais l'habillage verbal cache assez mal la réalité de la dégradation des relations depuis les élections. L'entourage de la présidente du FN est tenu pour responsable, en partie, de son naufrage lors de l'ultime débat de l'entre-deux-tours face à Emmanuel Macron. Le naufrage, mais pas que !

Philippot, son frère Damien, un ancien de l'Ifop, et Philippe Olivier, un ex-mégretiste, époux de Marie-Caroline Le Pen, étaient les principaux conseillers de la candidate lors de la campagne présidentielle. Tenant, officiellement, d'une ligne "ni droite ni gauche", Philippot (Florian) se veut surtout national et social. C'est un partisan acharné d'un abandon de l'euro, une mesure qui jusqu'ici a constitué la pierre angulaire du programme économique du FN. Tout doit découler de... et s'articuler autour d'une sortie de la monnaie unique. Mais patatras, ce credo est en voie d'être abandonné.

"Je l'ai nommé vice-président... J'ai pas eu à le regretter"

Au terme d'un séminaire de la direction élargie du mouvement d'extrême droite tenu en juillet, il a été acté que le "message envoyé par les Français lors des élections et, notamment, [les] inquiétudes exprimées par une partie d’entre eux sur la question de l’euro" conduisaient le FN en renvoyer cette "question" aux calendes grecques. Dans un communiqué, il inverse l'ordre des facteurs, privilégiant "différentes souverainetés" sur la durée d'un quinquennat pour reconnaître que "le recouvrement de la souveraineté monétaire clôturera ce processus". Le socle fondateur a fondu !

D'un coup le bel édifice théorique de Philippot s'effondre. Fine mouche et sentant probablement le vent tourner après la défaite présidentielle, l'intéressé avait prévenu, en mai, qu'il quitterait le Front national s'il reculait sur la sortie de l'euro. Et dans la foulée, il avait constitué une association baptisée "Les Patriotes", histoire de montrer qu'il n'était pas seul et que son courant pouvait montrer son autonomie. Dès lors, on était bien loin du "coup de foudre intellectuel" évoqué par Marine Le Pen sur France 2 dans "Envoyé spécial", en octobre 2016.

En 2012, Philippot lui-même avait utilisée une expression similaire pour qualifier sa première rencontre avec la fille du co-fondateur du FN, en 2009 : un "coup de foudre, amical et professionnel". Comme quoi les emprunts de Marine Le Pen à Philippot (Florian) - et peut-être Damien quand il était à l'Ifop - ne datent pas seulement de la dernière campagne présidentielle. Avec le recul, ses appréciations d'octobre 2016 sur l'intéressé sonnent étrangement : "Nous réfléchissons de la même manière"... "Je pense que c'est un élément essentiel du Front national. C'est si vrai que je l'ai nommé vice-président... Et j'ai pas eu à le regretter".

L'élection du comité central sera le point d'orgue

A cette époque, une des proches de Philippot, Sophie Montel, tenait le même discours. "Ils ont des relations très fusionnelles, ils sont très complémentaires... Ils ont une véritable complicité, c'est évident", disait-elle à la fin de l'an dernier. Depuis que l'étoile du "président-bis" a pâli, Montel a été débarquée par la patronne du parti de la présidence du groupe d'extrême droite au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. Cette euro-députée s'était illustrée, quelques mois avant, en dénonçant quelques uns de ses collègues au Parlement de Strasbourg afin d'ouvrir un contre-feu face aux soupçons d'emplois fictifs qui visaient le Front national.

Les proches de Philippot sont tenus à longueur de gaffe par Marine Le Pen qui prépare méthodiquement le changement de son entourage. Au terme d'un vote à bulletin secret auquel ne participaient ni Philippot ni Montel, le 11 septembre, les euro-députés du FN ont confié à Nicolas Bay, secrétaire général du parti, la co-présidence du groupe d'extrême droite au Parlement européen que Le Pen fille a abandonnée pour respecter la loi sur le cumul des mandats. Elle siège désormais à l'Assemblée nationale. Le choix de Bay, ancien mégretiste qui disait pis que pendre, en 2004, du Front national et de... sa patronne actuelle ne manque pas d'une certaine saveur à l'aune des derniers événements internes.

Tout montre que la marginalisation du vice-président et de ses amis est en route. Le point d'orgue sera probablement - comme dans tous les partis qui fonctionnent sur le mode du "centralisme démocratique" - le nombre de voix qu'il obtiendra au prochain congrès lors de l'élection des membres du comité central. En novembre 2014 - le congrès se réunit tous les 3 ans -, Philippot était arrivé en 4e position (69% des voix) et Marion Maréchal-Le Pen, première. Un habitué de ces consultations "un peu organisées" estime que le signal de sa chute sera donné à ce moment là. Pour autant, la présidente du parti, dont l'autorité est l'objet d'interrogations, ne sera pas sortie d'affaire : les "identitaires" l'attendent à la sortie suivante. 

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu