Mélenchon, c'est encore le PCF, son "ancien allié", qui en parle le mieux

Pierre Laurent (à gauche) et Jean-Luc Mélenchon lors d'une manifestation à Paris, le 15 février 2015. (LOIC VENANCE / AFP)

C'est peu dire qu'entre "La France insoumise" de Jean-Luc Mélenchon et le Parti communiste (PCF) de Pierre Laurent, il y a de l'eau dans le gaz ! Les deux formations politiques de la gauche de la gauche sont passées de la méfiance réciproque souterraine à la franche rivalité publique. La crise, qui couvait depuis longtemps, a éclaté au grand jour avec l'ouverture de négociations pour les élections législatives.

Ces négociations n'ont pas duré très longtemps tant l'analyse post-présidentielle et les objectifs parlementaires des deux partenaires étaient aux antipodes les uns des autres. Evidemment, et c'est de bonne guerre, les deux parties se rejettent la responsabilité de la rupture. Au-delà de la mise en scène et du côté théâtral de l'affaire, ces responsabilités doivent être, comme dans la vraie vie, un peu partagées.

La question de la responsabilité de la rupture est, au fond, assez secondaire. C'est un effet collatéral. Le résultat d'une combinaison de deux facteurs : la façon dont s'est décidée la candidature présidentielle de Mélenchon et son score au premier tour de ce scrutin. En effet, comment s'est nouée l'aventure du candidat de "La France insoumise" et à qui appartiennent les 7 millions de suffrages qui l'ont placé en 4e position ? A l'aune de ces deux interrogations sur l'individuel et le collectif, ce sont deux visions qui s'affrontent.

La décision solitaire de se présenter à la présidentielle

Malgré tous les artifices déployés pour faire croire que ce fut une décision collective, Mélenchon a pris seul la décision de se présenter à l'élection présidentielle. Son but étant d'abattre le Parti socialiste (PS), dont il fut longtemps membre, militant, élu et même ministre, il a refusé de se soumettre à quelque primaire de gauche que ce soit. Et surtout pas une compétition organisée par le PS qui l'aurait fait passer de facto sous les fourches caudines "solfériniennes"... en cas d'échec.

De ce point de vue, il faut lui reconnaître une certaine constance. Avant même la victoire de François Hollande en 2012, Mélenchon fustigeait "un capitaine de pédalo dans la tempête". Il a ensuite passé une partie de son temps à dénigrer les socialistes pendant le quinquennat. Au travers de son alliance avec le PCF, il n'a eu de cesse de vouloir tailler des croupières au PS à chaque élection. Puis, il a subitement changé son fusil dans la perspective de l'élection présidentielle.

Le conglomérat du Front de gauche - cartel de partis réunissant notamment le Parti de Gauche, le sien, et le PCF - n'obtenait pas les résultats électoraux qu'il escomptait. L'appareil communiste avait surtout à coeur des préserver ses places fortes, quitte à s'allier, ici ou là, de façon pragmatique, avec les socialistes. Mélenchon a alors fini par envoyer balader ledit "Front". Au grand dam du PCF. Les relations, qui était déjà empreintes de méfiance, sont alors devenus franchement mauvaises.

"La dérobade ou les calculs politiciens n'étaient pas de mise"

N'étant pas en mesure de présenter eux-mêmes un candidat "crédible" à l'élection présidentielle - c'est-à-dire une personnalité qui aurait fait autre chose qu'un score marginal -, les communistes ont fini par faire contre mauvaise fortune bon coeur. Après quelques tergiversations, ils se sont ralliés à la candidature Mélenchon. Fort de ses 19,58% obtenus au premier tour de la présidentielle, Mélenchon a formalisé son plan de bataille pour les législative : "pas affaiblir" le PS - ça c'est déjà fait dans son esprit -, mais "le remplacer"... en écrabouillant, au passage, les restes du PCF !

L'appareil du "Parti", qui avait compris la manoeuvre depuis belle lurette, a donc lâché les chevaux lors d'une réunion de son conseil national post-présidentiel, le 11 mai. Dans un rapport introductif, il a d'abord égratigné la position adoptée par Mélenchon entre les deux tours. Pas d'appel au vote Macron face à Le Pen, ses partisans dénonçant, sur les réseaux sociaux, "le choix impossible entre la peste et le choléra". "Devant ce choix-là, la dérobade ou les calculs politiciens [n'étaient] pas de mise", a lancé en réponse Pascal Savoldelli, le rapporteur communiste.

Comme la stratégie de Mélenchon était d'aboutir à un score le plus faible possible pour Macron - histoire d'amoindrir l'importance de sa victoire pour le fragiliser - et par voie de conséquence, bêtement arithmétique mais fâcheusement politique, d'octroyer le plus haut score à Le Pen, la perdante, Savoldelli a enfoncé le clou devant ses "camarades" du conseil national. "Faire le pari politicien d'une extrême droite plus haute pour la conquête du pouvoir, a-t-il répondu sans fioritures, c'était en effet favoriser une imposture sociale et donner de la force politique à un national-socialisme contemporain."

Une organisation horizontale... au fonctionnement très vertical

Reprochant plus explicitement qu'implicitement au porte-drapeau de "La France insoumise" d'"essentialiser "le peuple"", le rapporteur estime qu'il "ne faut pas confondre l'affaiblissement des partis dits "traditionnels" et l'effacement du clivage gauche/droite entretenu par Macron, Le Pen et malheureusement par Mélenchon". Et même s'il se refuse, évidemment, à "ignorer le score" présidentiel de Mélenchon, Savoldelli souligne que "les législatives constituent 577 campagnes singulières car territorialisées". Une manière de lui rappeler l'existence territoriale... du PCF. Notamment dans la circonscription de Marseille où il se présente... sans candidat communiste contre lui !

Quant à "La France insoumise" elle-même, le rapporteur l'a décrite comme "une organisation horizontale (...) mais en réalité insérée dans un fonctionnement très vertical, puisque l'essentiel de la communication, des éléments de langage, des mots d'ordre, des choix politiques cruciaux est centralisé sur un petit noyau dirigeant autour de Jean-Luc Mélenchon". On peut penser que ce dirigeant sait de quoi il parle, lui qui appartient à une organisation dont le fonctionnement fut bâti sur le "centralisme démocratique".

Demandeur d'un "rassemblement" avec "La France insoumise" pour les législatives, le PCF s'est vu répondre, selon Savoldelli, "qu'un tel rassemblement ne pouvait avoir lieu qu'à l'intérieur de la FI". En clair, donc, les communistes devaient se soumettre ou se démettre ! Une observation confirmée par de nombreuses réactions allant dans ce sens de la part de militants mélenchonistes sur Twitter. In fine, si l'objectif de Mélenchon est, comme il le dit, de "remplacer le PS" comme force dominante à gauche, il est aussi, en sous-couche, de prendre la place du PCF sur ses terres historiques d'élection. Cela ressemble furieusement à un espoir de fondation d'une force hégémonique.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu