Marion Le Pen mise-t-elle sur la défaite de sa tante à la présidentielle ?

Marion et Marine Le Pen, à Carpentras, le 16 novembre 2012. (ALAIN ROBERT/APERCU/SIPA)

A l'approche de ses 27 ans - le 10 décembre - Marion Le Pen rêve-t-elle d'indépendance ? La petite-fille du cofondateur du Front national et nièce de la candidate d'extrême droite à l'élection présidentielle de 2017 multiplie, en tout cas, les signes d'agacement vis-à-vis de sa tante. Et à l'égard du vice-président du parti, Florian Philippot.

Dernier épisode en date de cette volonté de s'affranchir de la ligne présidentielle imprimée par Philippot, la manière d'appréhender la question de l'interruption volontaire de grossesse (IVG). La nièce du clan familial a saisi l'occasion du dépôt par les députés socialistes d'une proposition de loi visant à pénaliser les "sites de désinformation" sur l'IVG, en instituant un "délit d'entrave". Elle a considéré qu'elle devait montrer sa différence... avec sa tante.

Dans un entretien, à peine orienté, publié le 5 décembre par le journal d'extrême droite proche des catholiques traditionalistes, "Présent", la benjamine (non inscrite, Vaucluse) de l'Assemblée nationale a déclaré : "Il faudra revenir sur le remboursement intégral et illimité de l’avortement". Sous-entendu, quand le FN sera au pouvoir. Un message dédicacé à la candidate présidentielle avant d'être adressé à ses propres électeurs vauclusiens pour les rassurer.

Marine Le Pen a changé d'avis sur la remboursement de l'IVG

Cette injonction n'a pas été du goût de Philippot. Le vice-président du parti a répondu sèchement au micro de BFMTV, "cette personne est seule, cette personne est isolée sur cette question. Ce qui compte, c’est ce que dit la candidate à la présidentielle, ce que dit le mouvement, ce que dit notre projet présidentiel : pas de remise en cause de l’IVG, remboursement total de l’IVG". L'usage de l'expression "cette personne" donne une idée des relations amicales entre les deux protagonistes.

Si l'échange aigre-doux, du genre "je-vais-la-moucher", a permis, selon Philippot, d'éclairer la position officielle de Marine Le Pen, en 2016, sur les questions liées à l'IVG, elle a aussi, par contre coup, rappeler que la même Marine Le Pen avait l'appréciation exactement inverse, en 2011. Comme quoi, d'une élection présidentielle à l'autre... cinq années suffisent pour changer d'avis sur une question aussi fondamentale.

Considérant qu'il fallait "rétablir les conditions d'un véritable choix", la candidate du Front national ajoutait alors dans un entretien au journal catholique "La Croix", le 14 février 2011 : "Je pense également qu'il faut cesser de rembourser l'avortement. Il existe suffisamment de moyens de contraception aujourd'hui. D'une manière générale, il faut promouvoir le respect de la vie dans notre société".

François Fillon, un candidat dangereux pour l'extrême droite

La pique de la nièce contre la tante est donc un rappel à ce qui semble être, pour elle, un des "fondamentaux" du parti d'extrême droite pour s'adresser aux catholiques, traditionalistes ou non. Il faut dire que cet électoral plutôt libéral dans le sud de la France, en opposition au réservoir frontiste du nord du pays beaucoup plus étatiste et "ouvrier-employé", constitue un vivier que Marion Le Pen n'a pas envie de voir filer vers... François Fillon qui a le soutien du collectif "La Manif pour tous". Contrairement à la présidente du FN, Marion Le Pen pense que l'ancien premier ministre est un candidat dangereux pour l'extrême droite.

Elle n'a donc pas manqué de faire monter ses soutiens au créneau pour répondre rapidement à Philippot. "Seule" et "isolée", nenni ! Selon l'AFP citée par "Le Parisien", ils se sont mobilisés sur le réseau social Twitter en utilisant tous la même phrase - "'une personne seule et isolée' au sein du : ben non, on est déjà 2! Manifestez votre soutien à @Marion_M_Le_Pen !" - pour bien montrer que la contre-offensive était orchestrée. Et dans une certaine continuité oppositionnelle.

Ainsi, la jeune députée n'assistait pas au discours de rentrée de la candidate du FN à l'Elysée, le 3 septembre, à Brachay (Haute-Marne). Elle était à Moscou le jour de l'inauguration du QG de campagne de sa tante, le 16 novembre. Elle n'a pas postulé pour siéger au "conseil stratégique" du parti pour la préparation de la présidentielle. En clair, Marion Le Pen met le plus de distance possible entre elle et le duo "Marine-Florian" pour assurer ses arrières, comme si elle pariait sur une défaite de l'extrême droite en 2017. Histoire de remporter la mise de l'après-élection ?

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu