Au Canada, Marine Le Pen rate sa tentative de reconnaissance internationale

Marine Le Pen interviewée par la télévision canadienne lors de son voyage (capture d'écran)

C'est un euphémisme de dire que le voyage de Marine Le Pen au Canada n'est pas une réussite ! Ce déplacement (19 au 25 mars), en réalité, n'a atteint aucun des buts qui lui étaient assignés. Un petit fiasco, assez éloigné, de l'"énorme succès" qu'a cru pouvoir y déceler, sur Twitter, un accompagnateur de la présidente du Front national, Sébastien Chenu.

Conseiller régional de "Hauts-de-France", le nouveau nom que s'est choisi la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Chenu, qui dirige le "comité culture" de la formation d'extrême droite, s'est fait l'ardent propagandiste de cette visite dans "La Belle Province" canadienne (Québec). Il a assuré une couverture quasi-permanente de ce voyage qui, selon lui, devait être une réussite.

Membre de la commission du commerce international au Parlement européen, la fille du co-fondateur du FN a profité d'une mission de celle-ci à Montréal et à Ottawa pour faire son déplacement canadien, personnel et politique. Elle en a profité pour lancé son "appel de Québec" - un "remake", sans doute, du "Vive le Québec libre" du général de Gaulle, en 1967. Mais passée totalement inaperçue, cette copie n'entrera pas dans l'Histoire.

On ne s'improvise pas "mère" de la "France libre"  

Cet appel, qui est une vibrante défense de la francophonie publiée sur le blog de la dirigeante, devait probablement être le point d'orgue de cette visite québécquoise. Il était censé lui ouvrir les portes des responsables politiques canadiens, en les caressant dans le sens du poil. Las, 2016 n'est pas 1967 et Marine Le Pen n'est pas le général de Gaulle, père de la Ve République. On ne s'improvise pas "mère" de la "France libre".

Car il ne faut pas s'y tromper : le but de ce voyage était d'apporter une pierre à la construction de la stature internationale de la présidente du parti d'extrême droite. Volontairement éloignée de la scène médiatique nationale depuis les élections régionales de décembre - premier parti en voix, le FN a été mis en échec en ne décrochant aucune région -, Le Pen fille tentait ainsi de se "refaire" en arpentant la scène étrangère. L'opération s'avère être un échec.

Non pas que les démonstrations hostiles aient rassemblé des foules de manifestants - ils étaient, au contraire, assez peu nombreux et assez bruyants - mais l'accueil des dirigeants politiques locaux a été plus que réfrigéré et réfrigérant. Si la présidente du FN a fait la tournée des rédactions qui ont courtoisement recueillis ses propos, les médias l'ont brocardé à l'instar de "La Presse" parlant de "Jeanne d'Arc chez les bisounours", qualificatif qu'elle avait utilisé pour fustiger la classe politique canadienne.

"Le Cambadélis québécquois ou le Sarkozy québécquois"

La visite s'est traduite par une suite d'annulation ou de refus de rendez-vous avec des responsables de partis, chacun se renvoyant la balle sur le fait (capital) de savoir si l'une en avait sollicités - ce que la partie française dément - ou si les autres n'y avaient pas donné suite - ce que la partie canadienne confirme, comme le montre le Huffington Post Québec. A tout le moins, cet épisode (ridicule) montre que ce voyage n'a pas bénéficié d'une préparation exemplaire de la part du Front national pour obtenir une reconnaissance internationale.

Celui-ci pourrait avoir des raisons de s'inquiéter (ce qu'il ne fera probablement pas) de l'incapacité de Marine Le Pen à représenter la France - ce que confirme un sondage Odoxa - et de l'image que le parti donne de lui-même au-delà de nos frontières. Image qui risque de ne pas s'être arrangée au Canada car, à l'occasion de son passage à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans la foulée, la présidente du FN a déclaré, avec une certaine morgue, à la télévision locale : "aller voir le Cambadélis québécquois ou le Sarkozy québécquois, ça ne m'intéresse pas" (à 6').

Sur place, les Français de Montréal - ils ont voté à 6,8% pour Marine Le Pen en 2012 - n'ont pas montré cet enthousiasme débordant dont la représentante du "premier parti de France" n'aurait pas manqué de se prévaloir pour démontrer la réussite de son voyage. Le choix coordonné du lancement, le 25 mars, du premier numéro de la lettre de la fédération des Français de l'étranger est là pour le prouver. Mais le premier coup d'épée international a été donné... dans l'eau.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu