Pourquoi la "primaire des gauches" est une construction vouée à l'échec !

Des personnalités lancent un appel pour une "primaire des gauches" dans le quotidien "Libération" du 11 janvier 2016

Être, ou ne pas être, telle est la question. A sa façon, l'organisation d'une "primaires des gauches" est une interrogation shakespearienne : aura-t-elle ou n'aura-t-elle pas lieu ? Les appels en sa faveur se multiplient dans la gauche du Parti socialiste et à sa gauche. Mais plus elle est réclamée moins elle semble accessible. Car plus les obstacles s'accumulent.

L'opération, tout le monde l'a compris, tend à conjurer un éventuel second quinquennat de François Hollande ou, à tout le moins, à dissuader le président de la République de se représenter, sans contrôle préalable "populaire", aux suffrages des Français en 2017. Certains jusqu'aux-boutistes de cette primaire souhaitent même, en creux ou ouvertement, que le sortant n'y participe pas... Ce qui est hautement probable !

La preuve en a été donnée lors du premier débat consacré à l'organisation de la "primaire des gauche", le 3 février, à Paris. Le trimestriel "Regards" sur son site Internet - ancienne publication du PCF, "Regards" est aujourd'hui une scop -, donne une illustration éclairante de ce souhait. "Si François Hollande gâche… pardon, gagne la primaire, la gauche est morte", y déclare en effet l'un des orateurs.

Mélenchon ne veut pas y aller avec Hollande

L'auteur de ces mots n'est pas n'importe qui puisqu'il s'agit de Bernard Marx, ancien responsable de la section économique du PCF (1985-1994). L'intervenant craignant sans doute que Hollande puisse sortir vainqueur de cette joute, le plus simple - et le plus logique - serait qu'il n'y participât point. Une vue partagée clairement par Jean-Luc Mélenchon. La tête d'affiche du Parti de gauche - il n'est plus co-président du PG - a déjà dit qu'il ne participerait pas à une primaire où le sortant serait présent.

Mélenchon ne cache pas son ambition de retenter sa chance en 2017, après avoir été le candidat du Front de gauche - PCF, PG et d'autres petites formations - en 2012 où il avait obtenu 11,10% des voix. Ce score honorable peut évidemment l'inciter à se représenter... surtout s'il s'agit de faire tomber Hollande. Reste à savoir si le passage par une "primaire petit bras" serait bénéfique et d'un quelconque intérêt pour lui.

D'autant que d'autres concurrents n'ont pas envie de passer (éventuellement) à la trappe de cette pré-sélection. C'est le cas de Cécile Duflot. L'ancienne ministre des gouvernements Ayrault et nouvelle co-présidente du groupe écologiste de l'Assemblée nationale, en opposition frontale avec Manuel Valls, est une autre prétendante impatiente de la compétition présidentielle. En 2012, la candidat écolo, Eva Joly, avait obtenu 2,31% des suffrages.

Personne pour catalyser l'opposition de gauche

Sans Hollande, sans Mélenchon, sans Duflot... Une "primaire des gauches" sans aucune figure marquante de la gauche de la gauche est une construction vouée à l'échec. Ou à la marginalité. Ce n'est pas faire injure aux représentants de la gauche du PS - les "frondeurs" du parti - de constater que leur visibilité dans l'opinion publique n'élargirait pas, loin s'en faut, l'intérêt et la signification d'une telle consultation.

A ce sombre constat, il faut ajouter qu'il n'existe aujourd'hui aucun catalyseur pour solidifier l'opposition anti-hollandaise chez les socialistes. Démissionnaire du gouvernement, Christiane Taubira a décliné les sollicitations l'appelant à symboliser l'opposition de gauche en 2017. Elle avait contribué à l'élimination de Lionel Jospin (PS) au premier de la présidentielle de 2002. Lui aussi ancien ministre, Arnaud Montebourg apparait comme un étrange ludion, alors que Martine Aubry, affaiblie dans la Nord, a un parcours illisible.

Le premier tour de l'élection présidentielle sous la Ve République est un moment idéal pour chaque formation politique : il lui permet d'avoir, à bon compte, une tribune médiatique de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. C'est pourquoi, en 2002, trois candidats trotskistes étaient présents : Arlette Laguiller (5,72% des voix), Olivier Besancenot (4,25%) et Daniel Gluckstein (0,47%). Il ne faut donc pas compter, non plus, sur l'extrême gauche pour participer à une telle primaire. Au total, cela fait beaucoup d'obstacles pour une "primaire théorique"... sans candidats.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu