Les écologistes d'EELV jouent leur survie aux élections régionales

Barbara Pompili, Cécile Duflot et François de Rugy, de gauche à droite au premier plan (Kenzo Tribouillard / AFP)

Où et comment va s'achever le parcours chaotique que suit Europe Ecologie-Les Verts (EELV) ? Une étincelle a mis le feu aux poudres, le 12 septembre, mais le feu couvait depuis belle lurette. Ce jour là, 274 militants écolos de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (74,5% des votants) ont décidé de s'allier avec le Parti de gauche (PG) de Mélenchon plutôt qu'avec le PS au premier tour des élections de décembre.

Avant même ce choix politique, deux figures d'EELV avaient annoncé leur départ du mouvement écologiste. François de Rugy et Jean-Vincent Placé, c'est-à-dire les chefs de file des députés et des sénateurs verts, avaient jeté l'éponge, fin août, préssentant ce qui était en train de se jouer. Le  premier avait annoncé, dès le 8 septembre, la création d'un nouveau parti : écologistes ! Un mois après, il a publié la composition du conseil national de cette nouvelle organisation.

En un rien de temps, plusieurs parlementaires - les écolos ont 18 députés et 10 sénateurs - ont sauté le pas : Barbara Pompili, Véronique Massonneau, Aline Archimbaud... Il s'ajoutent à ceux qui, pour d'autres raisons, avaient déjà quitté EELV, comme Noël Mamère à l'assemblée nationale ou Marie-Christine Blandin au Sénat. Tous, pourtant, dénoncent des maux convergents à l'intérieur du parti : "les luttes personnelles", la "violence" interne, "l'irresponsabilité", "la déliquescence". Pour les dissidents les plus récents, c'est la "dérive gauchiste" qui a fait déborder le vase.

Ecologie tribunicienne contre écologie de gouvernement

Depuis le départ des ministres écologistes du gouvernement, une cassure plus brutale s'est opérée au sein du mouvement politique. Prise sous l'influence de Cécile Duflot au moment de la nomination de Manuel Valls à Matignon, le 31 mars 2014, la décision de rompre a ouvert, mécaniquement, la voie d'un rapprochement avec les opposants de gauche du Parti socialiste, à l'intérieur et surtout à l'extérieur de celui-ci. Par contre-coup, elle a jeté les bases d'une guerre de tranchée contre les socialistes de la tendance majoritaire et gouvernementale.

Cependant, une partie des écologistes n'étaient pas sur cette longueur d'onde, dès la rupture. En dehors des questions stratégiques de positionnement politique - une écologie tribunicienne engagée avec la "gauche de la gauche" ou une écologie de gouvernement secondant les socialistes -, certaines figures d'EELV ont vu une démarche personnelle... et présidentielle de Duflot dans ce changement de cap du parti. Une manière pour l'ancienne ministre des gouvernements Ayrault de se mettre sur les rangs pour préempter la place de premier opposant de gauche à François Hollande en 2017.

Ils sont déjà assez nombreux, en dehors de l'extrême gauche et de Duflot, sur ce marché. On y trouve, en effet, Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent - le PCF qui a laissé passer son tour en 2012 ne recommencera sûrement pas en 2017 -, Arnaud Montebourg - sa mise en retrait de l'activité politique laisse plutôt dubitatif - voire, peut-être, Martine Aubry qui s'est refusée jusqu'ici à prendre la tête des "frondeurs" du PS mais qui, tout en soutenant le couple Hollande-Valls au dernier congrès, développe une opposition "anti-Macron".

Le "désir" de Front de gauche est très minoritaire

Duflot n'est donc pas seule sur ce segment politique. Et elle n'a plus tout son parti derrière elle avec la scission qui vient de se produire. Tout choses "inégales" par ailleurs, EELV réédite ce qui s'est passé au moment des dissidences successives au sein au PCF dans les années 1970, 1980 et 1990. Des militants prennent de la distance, puis s'en vont sans faire trop de bruit. Des élus se mettent en réserve avant d'atterrir dans une autre formation. Ce mouvement est engagé à Europe écologie. Nul ne sait quel est son ampleur.

C'est pourquoi les prochaines élections régionales sont capitales pour le parti vert du duo Cosse-Duflot aujourd'hui concurrencé par le nouveau parti "écologistes !" du tandem Rugy-Placé. Même si EELV se présente de façon autonome dans certaines régions, ce sont évidemment celles où il sera en compagnie du PG de Mélenchon, voire aussi avec le PCF pro-nucléaire, qui retiendront le plus l'attention. D'autant que dans deux d'entre elles - Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Provence-Alpes-Côte d'Azur - le Front national est en position de force.

Un "bon" résultat dans ces régions donnerait du crédit à la stratégie Duflot et renforcerait l'aile gauche d'EELV... en précipitant, paradoxalement, les départ de l'autre aile. Un résultat "médiocre" ou "mauvais" aurait évidemment l'effet inverse... en précipitant, quand même, les départs des opposants à la ligne dénoncée comme "gauchiste". En tout état de cause, un sondage Ifop réalisé cet été montrait que 8% seulement des sympathisants du parti vert étaient favorables à un rapprochement avec le Front de gauche. A cette aune, EELV joue sa survie aux régionales. Et c'est probablement cette problématique qui s'offre à cette formation !

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu