Cacophonie totale chez "Les Républicains" sur la question des réfugiés

Nicolas Sarkozy, Xavier Bertrand, Bruno Le Maire, Alain Juppé et François Fillon © Montage Le Lab

Ils sont vraiment gênés aux entournures ! Ne tentez pas de découvrir une ligne directrice dans le discours de la droite sur la question de l'accueil des réfugiés, il n'y en a pas. Chez "Les Républicains", c'est la cacophonie la plus totale. Tiraillé entre l'humanisme démocrate-chrétien d'un côté et l'intolérance nationaliste de l'autre, le principal parti de l'opposition parlementaire patauge.

Faut-il les accueillir ou ne pas les accueillir ? A gauche, le PS s'est aligné derrière le slogan "L'accueil, pour moi c'est oui". Des municipalités dirigées par un maire socialiste ont lancé un réseau "villes solidaires". Plus à gauche, on estime que le gouvernement n'en fait pas assez - François Hollande a annoncé l'accueil de 24.000 migrants sur deux ans, le 7 septembre - et des manifestants ont perturbé, le 8 septembre à Paris, un meeting organisé par le PS en soutien aux réfugiés.

A l'autre bout de l'échiquier, le Front national, par la voix de sa présidente, oppose un non catégorique à cet accueil aux motifs, tout à la fois, de sa lutte contre l'immigration, de sa crainte de voir le terrorisme "s'infiltrer" sur le territoire et du sacro-saint slogan qu'il véhicule depuis plusieurs décennies : "Les Français d'abord". Marine Le Pen engage les pouvoirs publics à refouler les refugiés qui arriveraient en France. En tout cas, les maires d'extrême droite refusent de leur ouvrir leurs portes.

69% des sympathisant de droite ne veulent pas de réfugiés

A trois mois des régionales, la droite est soumise à la double pression électorale du FN et de l'opinion publique qui est majoritairement défavorable à une position "à l'allemande" : des dizaines de milliers de réfugiés ont déjà été accueillis de l'autre côté du Rhin. Un récent sondage Odoxa montre que 55% des Français ne veulent pas que le gouvernement "assouplisse les conditions d’octroi du statut de réfugiés aux migrants, notamment Syriens fuyant la guerre civile dans leur pays".

Ce rejet atteint même 69% chez les sympathisants de droite. Un tel pourcentage n'a pas échappé aux représentants des "Républicains" les plus enclins à défendre les positions les plus raides de la droite. Celles qui flirtent parfois avec la droite extrême. Et pas toujours avec le meilleur goût comme ici avec un tweet de Nadine Morano demandant si la France et l'Allemagne vont "assurer aussi les transports pour venir en Europe ?" Cette attitude de refus est aussi celle de Maryse Joissains, maire (LR) d'Aix-en-Provence, pour qui "la France accueille déjà une immigration incontrôlée".

Si certains représentants de cette fraction dure, comme Eric Ciotti, exigent "une distinction très claire entre réfugiés et clandestins" - exercice difficile à réaliser dans le cas des migrants syriens et irakiens -, d'autres la pratiquent entre chrétiens et musulmans. Ainsi, Damien Meslot, député et maire de Belfort, veut bien des réfugiés mais chrétiens, comme son collègue Yves Nicolin, député et maire de Roanne, qui veut avoir "l'absolue certitude que ce ne sont pas des terroristes déguisés".

François Fillon plaide "la grandeur de la France"

Ces distinctions religieuses ont été condamnées par le ministre de l'intérieur. Et pas seulement par Bernard Cazeneuve. Chez "Les Républicains", ce genre de prise de position ne passe pas comme une lettre à la poste. "Veillons à ce que la barbarie ne gagne pas la France, non pas par la migration comme le redoutent certains, mais par notre propre régression intellectuelle, morale et politique", a rétorqué, "attéré", François Grosdidier, sénateur (LR) de la Moselle.

François Baroin, lui-même, président (LR) de l'Association des maires de France, a donné l'impression de faire un retro-pédalage après avoir déclaré qu'il n'accueillerait pas de réfugiés dans sa ville (Troyes), "en surcapacité". Le néo-sénateur de l'Aube a précisé, 24 heures après, que "le droit d'asile est conféré par le préambule de la Constitution, c'est l'honneur de notre pays qui est le pays de la déclaration des Droits de l'Homme", ajoutant : "Il n'est pas divisible". 

Dès le 7 septembre - jour de la conférence de presse de Hollande -, François Fillon avait plaidé pour une position humaine et d'ouverture."La France a sa grandeur. Les voix aujourd'hui trop dispersées des Républicains devraient être claires, unies : nous devons protéger et accueillir ceux qui fuient la guerre et la mort", écrivait l'ancien premier ministre dans une tribune confiée au Figaro. Pour sa part, Alain Juppé estimait que le chiffre de 24.000 réfugiés annoncé par le chef de l'Etat était "modéré et acceptable".

L'exercice délicat de la synthèse pour Christian Jacob

A l'opposé, Xavier Bertrand, maire de Saint-Quentin (Aisne) et tête de liste (LR) pourchassé par le FN aux régionales -  il est favorable à une intervention militaire au sol en Syrie -, annonce qu'il "n’accueillera pas de nouveaux réfugiés", faute de moyens. Quant à Nicolas Sarkozy, il est favorable à la création de "centres de rétention" en Afrique du Nord, en Serbie ou en Bulgarie, permettant, selon lui, d'accorder ou non le statut de réfugié aux migrants avant leur entrée dans l'espace Schengen. 

Enfin, Bruno Le Maire - autre prétendant (potentiel) à la primaire présidentielle de la droite et du centre - suggère, comme Bertrand, de prendre le problème par l'autre bout, en faisant intervenir des troupes terrestres pour éliminer Daech (l'organisation terroriste Etat islmique) en Syrie et en Irak. Il considère que l'éradication de cette organisation ferait disparaitre les causes de l'exil de ces millions de refugiés dont l'écrasante majorité - 99,4%, selon le Haut-commissariat aux réfugiés de l'ONU - est installée dans les pays limitrophes de ceux qui sont en guerre.

Chez "Les Républicains", il y a, en exagérant à peine, une position différente par dirigeant sur l'attitude à adopter face au flux des réfugiés, syriens et irakiens pour la plupart. Un maelstrom qui ne va pas faciliter la tâche de synthèse dévolue au président du groupe de l'Assemblée nationale. Christian Jacob devra exprimer "la ligne du parti" au cours du débat organisé dans l'hémicycle, le 16 septembre. Il va falloir faire d'une polyphonie désaccordée, un chant choral à une seule voix.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu