Les écologistes ne savent plus à quel courant de la gauche se vouer

La secrétaire générale d'EELV, Emmanuelle Cosse, la députée Cécile Duflot, et le sénateur Jean-Vincent Placé, le 14 janvier 2015. ( MAXPPP)

Un scalpel et un microscope électronique. Voilà les instruments qui vont bientôt être nécessaire pour disséquer et analyser le comportement politique d'Europe écologie-Les Verts (EELV). La fragmentation de ce courant est telle et les prises de position de ses dirigeants sont si contradictoires qu'il faut avoir la foi d'un entomologiste pour y comprendre quelque chose. La lisibilité n'est pas le fort des écolos !

Ils en ont donné une brillande illustration lors du lancement de leurs "Journées d'été", le 20 août à Villeneuve d’Ascq (Nord). Alors que l'organisation de la COP21 - 21e conférence mondiale sur les changements climatiques -, à Paris, du 30 novembre au 11 décembre, était une aubaine pour se pousser du col environnemental, les écologistes ont préféré "polluer" leurs rencontres avec le jeu de leurs alliances incompréhensibles aux élections régionales de fin d'année.

Eux qui promettaient, voilà plusieurs décennies, de "faire de la politique autrement" ou "d'amener à la politique des gens qui n'en ont jamais fait", eux qui se présentaient dans les années 1990 comme les chevaliers blancs qui allaient "casser les règles du jeu politique"... Ceux-là, en réalité, ont toujours été les champions des manoeuvres d'appareils. Et s'ils n'étaient pas toujours pires que les autres partis politiques dont ils dénonçaient l'archaïsme de fonctionnement, ils n'étaient jamais meilleurs qu'eux. Ils se sont devenus, au fil du temps, spécialistes "es-balkanisation".

Il manque aux "Verts" une figure charismatique

Dans un article récent du journal La Croix, Laurent de Boissieu distingue quatre tendances - pas moins ! - au sein du groupe écologiste de l'Assemblée nationale qui compte 18 députés. Sa classification comporte "une aile pro-gouvernementale (Éric Alauzet, François-Michel Lambert, Paul Molac), une aile pro-gouvernementale plus critique (Brigitte Allain, Denis Baupin, Christophe Cavard, Véronique Massonneau, Barbara Pompili, François de Rugy), une aile gauche ouverte (Laurence Abeille, Danielle Auroi, Michèle Bonneton, Cécile Duflot, Noël Mamère, Jean-Louis Roumegas, Eva Sas) et une aile gauche radicale (Isabelle Attard, Sergio Coronado)".

A de rares exceptions près - René Dumont, pionnier de l'écologie politique, Brice Lalonde et Daniel Cohn-Bendit, favorables à une écologie de gauche réformiste -, les "Verts" n'ont jamais eu de chef de file qui crevait l'écran. Il leur manque une figure charismatique. Plus grave, ils ont sans cesse été tiraillés entre certains de leurs cadres, partisans d'une autonomie pure et dure, une partie de leurs militants, taraudés par une alliance avec la "gauche de la gauche", et des sympathisants qui semblent sur une ligne plus conciliante à l'égard des socialistes.

C'est en tout cas ce que montre un sondage réalisé par l'Ifop au début août. A la question de savoir quel type de positionnement et d'alliance ils souhaitent, les sympathisants écologistes (page 8 de l'enquête) répondent, à 80%, "que des représentants d'EELV rentrent au gouvernement". Ils ne sont que 8%, toujours selon cette étude, à souhaiter "qu'EELV s'oppose au gouvernement et se rapproche du Front de gauche" de Jean-Luc Mélenchon (PG) et de Pierre Laurent (PCF).

Duflot et Mélenchon, concurrents à la présidentielle

Pourtant, cette dernière option est envisagée par les cadres écolos dans quatre régions, dont deux - Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) et Nord-Pas-de-Calais-Picardie - sont convoitées par le Front national. Cette perspective a fait bondir Jean-Vincent Placé, président du groupe des 10 écologistes du Sénat. Farouche partisan d'une alliance gouvernementale sous la houlette de François Hollande, au point de proposer ses services de façon récurrente, il a confié son "ras-le-bol" au Monde, en menaçant de quitter EELV si l'alliance avec le Front de gauche dans ces régions parvenait à son terme.

Finalement, l'affaire entre les deux mouvements ne se concluera peut-être pas car Jean-Luc Mélenchon est venu y mettre son grain de sel. Dans un entretien au journal Sud-Ouest reproduit sur son blog, l'ancien candidat à la présidentielle de 2012 - il se "met en situation" de l'être aussi en 2017, selon ses mots - croit décéler une forme d'hégémonisme et un double langage chez les écologistes. En conséquence, il demande à ses amis de ne pas faire de listes communes avec EELV.

La préoccupation essentielle de Mélenchon ne concerne pas les régionales. Elle a plutôt trait, justement, à la présidentielle. Econduit, en début d'année, par Cécile Duflot à laquelle il proposait un rapprochement politique dont il voulait certainement tirer profit, il l'aurait mauvaise, aujourd'hui, de voir l'opération se retourner à l'avantage des écologistes par le biais des régionales - EELV revendiquant les têtes de listes communes. Un avantage dont aurait profité, au passage, Duflot qui, elle aussi, se prépare pour la présidentielle. Tout cet imbroglio ne dit rien qui vaille pour l'avenir immédiat du parti écologiste.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu