La mise en retrait de Mélenchon symbolise le triple échec de sa stratégie politique

Mélenchon, coprésident du Parti de gauche (à g.), et Laurent, secrétaire national du PCF, le 5 juin 2013 à Rennes (Ille-et-Vilaine). (F.LEPAGE / SIPA)

"Qu'ils s'en aillent tous !" Tel était le titre - explicite - d'un livre écrit, en 2010, par Jean-Luc Mélenchon. Le co-président du Parti de gauche (PG) invitait les "élites" qui tiennent les manettes de la politique et de l'économie à dégager de la scène. Le thème était un brin populiste et il préparait le terrain de sa future campagne présidentielle de 2012 qui le vit terminer en quatrième position avec près de 4 millions de suffrages exprimés et 11,1%.

Et voilà que 2 ans après ce relatif succès électoral - Marine Le Pen le devançait quand même avec plus de 6 millions de voix et 17,9% -, il se prend lui même au mot, en annonçant sa mise en retrait politique volontaire. "A un moment, il faut s'arrêter de courir, déclare l'ancien candidat du Front de gauche dans un entretien accordé au site d'information en ligne Hexagones. Parce que si on court tout le temps, poursuit-il, on va finir par se mettre dans le vide. Et là, j'ai besoin de dormir, de ne rien faire, de bayer aux corneilles." Il s'en va, seul !

Il est vrai qu'entre 2012 et 2014, il y a eu deux autres consultations - les municipales, puis les européennes - sur lesquelles Mélenchon fondait des espoirs multiples : celui d'asseoir définitivement la stratégie d'autonomie du Front de gauche, celui d'enfoncer électoralement le Parti socialiste et celui de réduire son écart d'audience avec le Front national des Le Pen. Las ! Aucun des objectifs n'a été atteint. Pire, les deux élections mises bout à bout ont signé le triple échec de sa stratégie politique.

Les alliances et "mésalliances" municipales

Les municipales ont été un vrai méli-mélo entre le PG et le PCF que les électeurs de la gauche de la gauche ont eu du mal à s'y retrouver entre les alliances et les mésalliances. Pour Mélenchon, le coup de grâce symbolique a été donné à Paris où les communistes ont choisi de s'allier avec ses adversaires socialistes sur lesquels il ne cessait de tirer à boulets rouges. Cette "mésalliance" a largement occulté les accords qui étaient intervenus entre le PG et le PCF dans un tas d'autres villes.

Les européennes ont été encore plus cruelles. Si le PS a enregistré une seconde catastrophe électorale (13,98%) après les municipales, le Front de gauche, cette fois clairement soudé, ne l'a pas doublé, réalisant même un score peu différent de celui du scrutin précédent de 2009 : 6,33% contre 6,05%. Et loin de réduire son retard sur Le Pen fille, Mélenchon a vu se créer une béance électorale entre lui et l'extrême droite puisque le FN est arrivé en tête de la consultation avec près de 25% des suffrages exprimés.

De cette séquence politique malheureuse, voire désastreuse, le député européen du Front de gauche tire une conclusion un peu étrange. "On est dans une période ou l'on a besoin de se reposer, dit-il encore à Hexagones. Parce qu'on vient de passer cinq années terribles." "Nous sommes en échec, concède Mélenchon qui limite cet éclair de lucidité à la stratégie du Front de gauche. Mais c'est surtout pour rendre les dirigeants du PCF, Pierre Laurent en tête, responsables de l'échec politique et électoral de cette coalition.

Des tiraillements internes minimisés

Pas un mot d'auto-critique dans les propos de Mélenchon. Et pourtant, malgré les dénégations officielles et de circonstances, les critiques commencent à percer à l'intérieur du PG. A demi-mots ou plus clairement, elles portent sur la personnalisation du parti, sur les méthodes de gouvernance, sur le sectarisme anti-socialiste de l'entourage direct du chef ou bien encore sur l'incapacité a combattre efficacement le Front national qui pille, sans vergogne et avec succès, une partie des thèmes politiques et sociaux de la gauche de la gauche.

Début juin, ces tiraillements internes se sont soldés par la démission de la direction nationale du PG de Corinne Morel-Darleux, tête de liste dans la grande région Massif central-Centre aux européennes, et de Laurence Pache, conseillère régionale du Limousin. Si ces ruptures sont minimisées dans les rangs du parti, elles donnent toutefois un éclairage particulier au recul que veut prendre aujourd'hui Mélenchon.

De fait, le co-président du PG ne peut que constater l'inanité de sa stratégie politique. D'une part, il ne parvient à entrainer les dirigeants communistes dans la guerre incessante qu'ils mène contre les "Solfériniens", sobriquet qu'il donne aux dirigeants du PS qui sont installés rue de Solférino, à Paris. Le PCF est allié aux socialistes à la tête de trop de villes pour s'engager dans une stratégie d'auto-destruction. De plus, l'approche des élections sénatoriales, dans lesquelles le PCF risque de jouer la survie de son groupe, l'incite certainement plus à l'apaisement qu'à l'affrontement.

Pas de liens avec les frondeurs du PS

D'autre part, il ne parvient pas non plus à coaliser d'autres forces, hors les communistes. Ses tentatives en direction des écologistes n'ont pas été couronnées de succès, en dehors du front commun réalisé lors des municipales à Grenoble. Mais cette victoire remportée au détriment des socialistes a été sans lendemain. Les discussions engagées avec les dirigeants d'Europe écologie-Les Verts (EELV) ont montré à Mélenchon qu'elles étaient les limites qu'ils ne souhaitent pas dépasser - pour le moment ? - dans leur opposition au gouvernement.

De même, le lien ne parvient pas à s'établir avec les frondeurs du Parti socialistes. Malgré les efforts de certains d'entre eux - Gérard Filoche notamment, qui prône une alliance rose-rouge-verte allant du Front de gauche aux écologistes -, la réalité politique l'emporte sur les illusions "mouvementistes". A moins que Martine Aubry n'aspire à prendre cette place, lesdits frondeurs n'ont pas de chef de file et ils ne semblent pas se destiner à offrir le poste à Mélenchon.

A l'aune de ce triptyque plutôt désastreux, l'ancien candidat présidentiel réélu au Parlement européen semblait installé dans une impasse politique. Il lui fallait donc en sortir. Il le fait en disant prendre du recul. Cette mise à l'écart volontaire est probablement le préambule d'un désengagement du PG du Front de gauche qui pourrait prendre corps lors de la rencontre entre les dirigeants de cette coalition, programmée le 6 septembre. Cette sortie estivale, en revanche, ne dit rien de la voie nouvelle que veut emprunter Mélenchon. Si toutefois il en a encore le désir !

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu