Les premières mesures emblématiques des nouveaux maires Front national

Steeve Briois, élu maire (FN) de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), le 30 mars 2014.

Il y aura bientôt un mois que 11 maires soutenus par le Front national sont aux commandes de 11 villes de France depuis les élections municipales des 23 et 30 mars. Elles vont de la plus grande d'entre elles, Béziers (Hérault) avec plus de 70.000 habitants, à la plus petite, Le Luc (Var) qui en compte 9.532 (chiffre de 2011). En passant par Fréjus (Var, 52.344 habitants), Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais, 26.868), Mantes-la-Ville (Yvelines, 19.839) ou Villers-Cotterêts (Aisne, 10.411). Cela représente une population totale de plus de 400.000 personnes dont près de 38% se trouvent dans le 7e secteur de Marseille (13e et 14e arrondissements).

La plupart des élections de ces nouveaux "premiers magistrats" - tous ces maires sont des hommes : il n'y a aucune femme dans le lot - s'est déroulée dans le calme et sans incidents. Sauf dans les villes les plus médiatisées comme Marseille où Stéphane Ravier a été hué ou bien Hénin-Beaumont et Béziers où Steve Briois et Robert Ménard ont affronté un premier conseil municipal mouvementé. Passée la joie dans le camp de l'extrême droite, certains de ces maires ont pris leurs premières mesures emblématiques utilisées comme marqueurs politiques et idéologiques.

Le premier à monter au front a été Briois ! Il n'était pas tout à fait indifférent que ce soit le secrétaire général du parti, vainqueur dès le premier tour de scrutin avec 50,25%, qui donne le "la". Une sorte de feu vert octroyé à tous les autres maires FN. Dès le 8 avril, il coupe les vivres à la section d'Hénin-Carvin de la Ligue des droits de l'homme (LDH) et lui supprime l'usage gratuit d'un local : il y a plusieurs années que l'ancien conseiller municipal d'opposition à l'association - laquelle s'oppose vigoureusement au Front national - dans son collimateur. En 2007, sur son blog, il traitait la LDH de "ligue des cloportes". Le 12 avril, la section locale de la Ligue répondait aux mises en cause dont elle se disait l'objet.

Petit guide pratique de l'élu municipal mariniste

Après avoir ciblé un premier adversaire, le Front national en pointe un autre : l'Europe. Cette fois, c'est David Rachline, le maire de Fréjus, qui s'y colle. Il assure d'abord que le drapeau de l'Union européenne n'est "pas essentiel", avant de le faire disparaitre du fronton de la mairie. Le geste est salué par Marine Le Pen au moment où elle présente la tête de liste du parti d'extrême droite en Ile-de-France... aux élections européennes. La décision n'est pas que symbolique, elle traduit concrètement la volonté du FN d'effacer l'Union européennes du cours de l'histoire des 50 dernières années.

Troisième cheval de bataille, la suppression des subventions aux associations dites "hostiles". Après la LDH à Hénin-Beaumont, ce sont la CGT et la FCPE, une fédération de parents d'élève, sont visées. C'est Franck Briffaut, le nouveau maire de Villers-Cotterêts, qui s'en charge. Il suit en cela les recommandations qui figurent dans le "Petit guide pratique de l'élu municipal Front national". Et dans la foulée, il supprime la cérémonie de commémoration de l'abolition de l'esclavage prévue le 10 mai, comme partout en France. Mais à Villers-Cotterêts, c'est un peu particulier car c'est dans cette commune qu'est mort le général Dumas, père d'Alexandre, l'écrivain. Et le général était mulâtre.

Au Luc et à Cogolin (Var), les maires ont fait voter, de façon tout à fait légale compte tenu de la taille des communes, une augmentation de leurs indemnités de fonction et de celles de leurs adjoints. A Beaucaire (Gard), le nouveau maire a pris une décision inverse, une diminution qualifiée de "symbolique" mais qui, psychologiquement, s'inscrit peut-être mieux dans la volonté quasi-générale de s'orienter vers une réduction des dépenses tous azimuts, notamment dans les collectivités locales. En tout cas, ces rallonges ne correspondent pas tout à fait au discours de "gestion en bon père de famille" qui était tenu pendant la campagne électorale par Marine Le Pen elle-même.

Deux "ultras" nommés au cabinet du maire de Béziers

La composition du cabinet de Ménard, à Béziers, ne fait partie des mesures qui concernent la gestion de la ville mais elle n'en est pas moins emblématique de ses choix politique. Son directeur de cabinet et son chef de cabinet sont de purs produits, tous les deux, de l'ultra-droite. Responsable de la communication de Jacques Bompard, un autre maire d'extrême droite, pendant une vingtaine d'année, André-Yves Beck, le "dircab", a été membre de Troisième Voie, un groupuscule nationaliste révolutionnaire dissous en 2013. Pour sa part, le chef de cabinet, Christophe Pacotte, est toujours présenté comme membre du bureau directeur du Bloc identitaire, une organisation de l'ultra-droite, sur son site Internet, un poste dont il aurait donné sa démission, affirme le maire.

Il est probable que les prochaines décisions, sinon les prochaines polémiques, qui seront prises par les municipalités d'extrême droite concerneront la construction de mosquées. A Fréjus, Rachline a beaucoup utilisé ce thème pendant sa campagne, le véhiculant jusqu'au conseil municipal où il siégeait dans l'opposition. A Mantes-la-Ville, Cyril Nauth, le nouveau maire, a bien l'intention de remettre en cause le projet de construction d'une nouvelle salle de prière. Depuis son élection, l'association qui gère la mosquée a déposé plainte après avoir découvert du porc dans sa boîte aux lettres.

Après cette première salve de mesures emblématiques du premier mois de gestion, le Front national va entrer dans le dur avec la confection des budgets municipaux. Certains n'avaient pas encore été adoptés par les municipalités sortantes. C'est à l'aune des choix qui seront faits par les nouveaux maires que se dégagera, au-delà des symboles idéologiques, la voie gestionnaire nouvelle et "patriotique" que le FN prétend porter. Cette deuxième étape sera-t-elle moins sous les feux médiatiques que la précédente ?

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu