Valls poursuit une stratégie à long terme

Le ministre de l'Intérieur à l'Élysée lors du séminaire du gouvernement, le 19 août 2013. (REMY DE LA MAUVINIERE / AFP)

Derrière son air juvénile, il cache un parcours de vétéran de la politique. A 51 ans à peine - il a fêté son anniversaire le 13 août -, Manuel Valls a déjà 33 ans de militantisme derrière lui au Parti socialiste. Il y a adhéré l'année précédant l'arrivée de Mitterrand à l'Élysée... pour soutenir son rival : Rocard.

Il n'a du reste pas pu voter pour celui qui allait devenir le premier président socialiste de la Ve République car il n'était pas encore français. Né à Barcelone, Valls a été naturalisé en 1982 et il ne dispose pas d'une double nationalité.

Sa famille politique d'origine, c'est la deuxième gauche, celle des rocardiens, celle des sociaux-démocrates assumés qui a toujours été mal vue, voire combattue, par les mitterrandistes et ceux qui se réclame de l'héritage politique du PS fondé à Épinay, en 1971, qui donnera naissance au programme commun d'union de la gauche.

Il n'est donc pas très étonnant que, depuis près de 20 ans, Valls multiplie les déclarations iconoclastes au sein du PS. Où, à tout le moins, en rupture avec les grandes lignes du discours traditionnel ou les dogmes divers et variés du courant socialiste. Il associe, cependant, indépendance et loyauté.

"Tu dois en tirer les conséquences et quitter le PS"

Son opposition à la réforme pénale de Christiane Taubira, son soutien implicite à l'interdiction du voile à l'université, son souhait d'une révision du regroupement familiale rendu public par ses détracteurs s'inscrivent dans la lignée d'autres prises de position qui lui donne un positionnement à l'aile droite de son parti.

C'est au nom de ce classement politique que Sarkozy l'a sondé, en 2007, pour le faire entrer au gouvernement au titre de la fameuse "ouverture". Et c'est au nom de la loyauté dont il se targue qu'il a refusé de s'engager sur cette voie. Au nom de sa loyauté, sans doute, et peut-être aussi en fonction du destin qu'il se voit.

Car Valls se définit lui comme "blairiste" (du premier ministre anglais Tony Blair) ou "clintonien" (du président américain Bill Clinton), c'est-à-dire plus comme un travailliste ou un démocrate anglo-saxon qu'un socialiste façon Léon Blum.

Il loupait tellement peu d'occasions de se mettre sur le devant de la scène en dénonçant les carences de son parti que Martine Aubry, alors premier secrétaire du PS, lui avait destiné une lettre ouverte incendiaire, le 14 juillet 2009, l'invitant à quitter le PS.

"Il n'y a pas un jour, mon cher Manuel, où tu n'expliques aux médias que notre parti est en crise profonde, qu'il va disparaître et qu'il ne mérite pas de se redresser", écrivait Aubry, en ajoutant : "Si les propos que tu exprimes, reflètent profondément ta pensée, alors tu dois en tirer pleinement les conséquences et quitter le Parti socialiste."

Il peut donner du temps au temps... jusqu'en 2022

Il est vrai que Valls n'est pas exactement sur la même longueur d'onde que la patronne du PS et il le dit haut et fort lors de la primaire socialiste de 2011. Il est pour une remise en cause des 35 heures, pour une modération des salaires et pour l'instauration de la "TVA sociale". Il est aussi partisan de l'alignement des régimes spéciaux de retraite sur le régime général.

S'il nie avoir été recadré par le président de la République après ses propos sur le regroupement familial, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem a tout de même assuré, au terme du conseil des ministres du 21 août, que cette question n'est pas à l'ordre du jour. La fin de non-recevoir de Hollande est on ne peut plus claire.

Son activisme estival a agacé dans les rangs de la gauche jusqu'à faire dire à Mélenchon, jamais avare d'un excès, que le ministre de l'intérieur est "contaminé par le Front national". Mais il agace aussi ses collègues du gouvernement qui voient d'un mauvais envieux sa popularité (61% d'opinions favorables, selon l'Ifop) prendre de l'ampleur.

Valls n'en a probablement cure : sa stratégie est de long terme. Il peut mettre dans la balance sa loyauté vis-à-vis du chef de l'État et du premier ministre, tant il pense que le temps est de son côté. Il peut donner du temps... au temps. En 2022, il n'aura que 60 ans ! Où en sera le Parti socialiste ?

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu