François Fillon a ouvert la boîte de... l'inventaire du sarkozysme

Nicolas Sarkozy et François Fillon, le 24 octobre 2012 à la sortie d'un restaurant parisien. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Le jeudi 11 juillet est sans doute à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire de l'UMP. Trois jours à peine après le retour fracassant de Nicolas Sarkozy sur la scène médiatique, François Fillon lui a signifié sèchement la fin de son propre deuil présidentiel.

A l'occasion d'une réunion publique à La Grande Motte, dans l'Hérault, l'ancien premier ministre a accompli, en même temps, deux gestes politiques : il a ouvertement mis un terme à la séquence du "collaborateur" - un qualificatif peu élogieux dont l'avait affublé l'ancien chef de l'État au début de son quinquennat - et il a implicitement ouvert celle de l'inventaire du sarkozysme.

Dans un discours de 18 pages dont le préambule - opposition oblige - est une critique en règle de François Hollande et des socialistes, Fillon a procédé à une véritable exécution après avoir assuré - "naturellement" - qu'il "n'est pas question de laisser Nicolas Sarkozy seul devant l’épreuve".

L'épreuve en question est celle qui découle de la décision du Conseil constitutionnel de rejeter le compte de campagne de l'ancien président-candidat... et de priver l'UMP d'un remboursement forfaitaire de 11 millions d'euros.

"Nous avons agi trop souvent au coup par coup"

 Mais le simple exposé des formules utilisées par Fillon contre Sarkozy se suffit à lui-même. Les voilà :

"On ne peut exiger des Français qu’ils respectent les règles, si nous même nous les réfutons."

"Face aux difficultés que rencontre notre parti, je ferai tout pour l’aider à remettre de l’ordre dans ses finances. Il faut solder le passé."

"Lundi, Nicolas Sarkozy était à l'UMP et il nous a dit qu’il se sentait naturellement impliqué par la situation. Je l’ai écouté avec intérêt et respect, et l’accueil qui lui fut réservé fut chaleureux. Cependant, je ne lie pas l’avenir de l’UMP à un homme."

"Le temps de l’opposition est fait pour débattre, réfléchir, susciter des nouveaux talents, faire des bilans, élaborer un projet nouveau. Et pour ce faire, l’UMP ne peut vivre immobile, congelée, au garde à vous, dans l’attente d’un homme providentiel !"

"Chacun a le droit de vouloir servir son pays et chacun aura le droit d’être candidat aux primaires, mais personne ne peut dire 'circulez ! Il n'y a rien à voir, le recours c’est moi !'"

"Nous devons tous refaire nos preuves, moi le premier."

"Rester sur son piédestal en attendant que la gauche s’effondre et en espérant être plébiscité des Français : ça c’est l’assurance d’échouer."

"Quand on perd des élections, on ne cherche pas d’excuses."

"Il faut avoir le courage de s’interroger sur soi-même, il faut avoir la lucidité de peser le pour et le contre de notre bilan, et dans cet esprit, je ne me défausse pas de mes responsabilités."

"Nous avons bousculé des conservatismes et commencé à réformer utilement notre pays. Mais nous avons agi dans l’urgence, trop souvent au coup par coup, sans aller toujours au bout des changements nécessaires et attendus."

Fillon ne lie l'avenir de l'UMP à un homme mais il a fort bien compris que Sarkozy tentait de reprendre la main sur le premier parti de la droite, par le biais du scénario de la victimisation, et, dans la foulée de prolonger, la stratégie d'empêchement de l'inventaire.

Il va pouvoir dire maintenant ce qu'il en était vraiement

En réagissant quasiment instantanément, l'ancien premier ministre a voulu tuer dans l'œuf le scénario ainsi élaboré et remettre Sarkozy au même niveau que tous ceux qui, à l'UMP, aspirent a concourir à la primaire de 2016.

Pour la première fois, Fillon est allé plus loin, en ouvrant la fameuse boîte de Pandore de l'inventaire du sarkozysme. A dire le vrai, il était le seul à pouvoir donner le coup d'envoi de cette entreprise d'introspection politique, en espérant une certaine crédibilité.

Associé pendant cinq ans à l'élaboration et à la mise en œuvre de la "rupture" que voulait imprimer Sarkozy, Fillon a rempli sa fonction avec abnégation... et sans vraiment broncher. Il va pouvoir dire maintenant ce qu'il en était vraiment.

Sa position fait en même temps sa force et sa faiblesse. Ses détracteurs - les sarkozystes et les autres - ne manqueront pas de lui faire remarquer qu'il a été un "collaborateur" précautionneux et dévoué, pendant cinq ans.

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu