L'usine fantôme

Si la photo est bonne

Une usine qui ferme c’est comme une usine qui ouvre ses portes, il faut une image symbolique pour sceller l’événement. Si la photo est bonne, elle montrera demain, vendredi 25 octobre, la dernière C3 sortant des chaînes de l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois (Seine Saint-Denis). Le cliché viendra rejoindre, dans l'album de famille, l'image de la première DS produite à Aulnay en 1973. Il y a quarante ans tout juste, quand l'usine de Seine Saint-Denis, encore Citroën, était vantée comme la plus moderne d'Europe.

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Mais, tout cela c’est pour la vitrine et les livres d’histoire car en réalité, l’usine d’Aulnay dont la production devait initialement se poursuivre  jusqu’en 2014, ne produit plus de voitures depuis plusieurs mois. De janvier à mai une grève a paralysé l'usine et la  production n'a jamais vraiment repris depuis. La C3 qui prendra la pose pour la postérité est sortie des lignes en juillet dernier.

Ainsi, depuis septembre, c’est dans une usine fantôme, que chaque jour, errent plus de 1000 salariés désœuvrés dont beaucoup parmi eux n’ont toujours pas trouvé de solution de reclassement. Pourtant, le temps presse, en janvier commencera la période de contrainte et la direction de PSA pourra  envoyer des lettres de licenciements. Les salariés d'Aulnay ont jusqu'au 31 décembre pour demander une mutation dans le groupe ou trouver un contrat de travail ailleurs.

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L'usine fantôme

À l’intérieur, les ateliers sont plongés dans une semi pénombre, la lumière est réservée aux cafétérias et aux aires de repos, les seuls lieux où les ouvriers peuvent se tenir assis de 6 heures 46 à 14 heures 15. Sept heures pendant lesquelles les grilles de l'usine sont fermées et les tourniquets bloqués, impossible de sortir. "On a le sentiment d'être parqués comme des animaux, on doit pointer le matin et à la sortie à 14 heures 15,  le reste du temps on est enfermés dans l'usine sans rien à faire"  déplore, Ghislaine Tormos, moniteur au ferrage et déléguée du personnel.

Plus aucune production ni au  ferrage, ni au montage. Aucune trace d'activité. Tout ce qui a pu être démonté autour des lignes de montage l'a été. Seules une dizaine de voiture fabriquées avant l’été sont encore dans les tuyaux. L’une d’entre elle sera choisie, vendredi pour être prise en  photo. Les casiers des vestiaires sont laissés en  friche et les ouvriers s’ennuient ferme. Tourner en rond plusieurs heures par jour dans des ateliers froids et vides ce n’est pas  bon pour le moral.

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Des ouvriers ont eu envie de témoigner de la réalité de leur quotidien et ont tourné, avec les moyens du bord, ces images de leur usine en train de mourir, en attendant l'image officielle qui illustrera la fin définitive de la production.

 

 

"Rien n'est fait pour que les ouvriers quittent l'usine dans la sérénité"

Sur les 2711 employés salariés du site de l'usine d'Aulnay-sous-Bois, 702 ont, pour l'heure, trouvé une place  dans le groupe dont 419 à l'usine PSA de Poissy. 679 ont quitté l'entreprise avec un projet professionnel ou une promesse d'embauche sans que personne ne sache combien ont réellement du travail aujourd'hui. Ce qui permet de dire que 1678 dossiers ont déjà été soldés. 

300 contrats étaient proposés par EDF, la SNCF et ADP, seulement 29 salariés de PSA Aulnay ont, pour l'instant, été retenus, une cinquantaine de dossiers sont à l'étude. Du côté de  la réindustrialisation du site, peu de résultats. En effet, Id Logistics, la seule entreprise annoncée pour l'heure, s'est engagé à  réserver  590 postes  aux anciens d'Aulnay. Le manque à gagner  d’environ 500 euros par rapport aux salaires de PSA en a décourager plus d'un. Et pour l'instant aucune candidature n'a été retenue au motif que les postulants venues de l'usine n'avaient pas le bon profil :  trop vieux, trop petits, pas au bon calibre pour travailler dans la logistique. Enfin, 119 ouvriers ont profité des congés séniors et 7 sont partis à la retraite.

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« On entend le tic-tac de l’horloge qui tourne » et les salariés qui restent ont peur de « mourir à petit feu »,  déclarait le 11 septembre dernier Tanja Sussest leader du syndicat SIA. Il reste encore 1037 salariés dans l'usine. Parmi eux, Il y a tous les cas de figure. Beaucoup ont plus   de 50 ans, trop âgés pour aller travailler à l'usine de Poissy ou trouver un travail à l'extérieur et trop jeunes pour bénéficier de congés séniors. Il serait plusieurs centaines dans ce cas. Et puis il y a ceux qui continuent à chercher du travail à l'extérieur et ne trouvent toujours pas. Le marché du travail étant ce que l'on sait cela n'a rien d'étonnant. Enfin plus de 300 salariés n'ont encore rien dit de leur intention.

Voilà pour les chiffres. Sur le fond, Ghislaine Tormos, affiche clairement ses craintes : "Rien n'est fait pour que les ouvriers quittent sereinement l'usine en ayant trouvé une bonne solution" et la moniteur du ferrage  de prédire : "PSA Aulnay risque de devenir une annexe de Pôle emploi". Les syndicats demandent aux pouvoirs publics d'intervenir pour allonger la période de volontariat prévue par le PSE (Plan de sauvegarde de l'emploi) au delà du 1er janvier 2014.

Selon la direction de PSA, une activité industrielle sera maintenue à l'usine d'Aulnay jusqu'en 2014 avec la production de pièces détachées pour les autres sites. En attendant, semaine 46, c'est à dire début novembre, Il est prévu que les lignes commencent à être démontées.

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Publié par Francine Raymond / Catégories : Actu