"Ils nous ont trop menti, on n'a plus confiance"

Nous avons rencontré Sandrine et Didier il y a quelques jours dans leur maison de Silly-le-Long (Oise). Didier redoutait un durcissement du climat à l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois dans les prochains mois : "Aulnay est une bombe à retardement, nous expliquait-t-il, les gens attendent et lorsqu'ils verront qu'il n'y a pas de solution pour eux, ils vont se réveiller et ça ira mal."

Et effectivement, mercredi 12 décembre, la colère des salariés est montée d'un cran. Une nouvelle séance de négociations sur les mutations internes et externes devait avoir lieu entre les syndicats et la direction de PSA, mais elle a été reportée au 20 décembre après l'intrusion d'un groupe de salariés dans le pôle Tertiaire de Peugeot à Poissy.

Après avoir parlé des seniors et de la réindustrialisation du site, les négociateurs vont devoir ouvrir le chapitre des mutations internes et des externes. Demander une mutation à l'usine PSA de Poissy ou choisir de quitter le groupe, espérer un CDI dans une entreprise sur le site d'Aulnay mais à quel prix, et avec quelle garantie ? Pour nombre de salariés de l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois, ce sera bientôt l'heure du choix.

Cinquante ans d'usine à eux deux

Pour Sandrine et Didier, on entre dans le vif du sujet. C'est un couple Peugeot-Citroën. A eux deux, ils ont travaillé presque cinquante ans à l'usine de Seine-Saint-Denis. Les parents de Sandrine, ouvriers chez Citroën, les ont aidés à entrer à Aulnay. Sandrine d'abord, puis Didier, quand il est devenu le "fiancé" de leur fille.

Didier frôle la cinquantaine, il est aujourd'hui professionnel de qualité : parti d'un simple CAP, il s'est formé à l'intérieur de l'usine et a validé ses acquis. "Pas question de se retrouver à travailler à la chaîne à Poissy, on ne veut pas tout recommencer à zéro, on n'est pas à vendre pour une poignée de cacahuètes", s'inquiète Didier. Le mot reclassement lui fait peur, il redoute le marché de dupes, le pire scénario : "Se faire embaucher par une petite entreprise qui peut fermer du jour au lendemain, et puis se retrouver sans rien."

"Ils nous ont trop menti, on n'a plus confiance !"

Didier a toujours été syndiqué au SIA (Syndicat indépendant de l'automobile). Elu du syndicat maison jusque-là, il n'avait jamais fait grève. Il nous explique : "Je n'étais pas là pour mettre des bâtons dans les roues de la société, je croyais au rapport gagnant-gagnant." Mais là, ce n'est plus la même chanson, ils vont fermer l'usine. Sandrine et Didier ne croient plus en la parole de la direction, ni en celle des hommes politiques : "On n'a plus confiance, ils nous ont trop menti, et sans la confiance c'est comme dans un couple, ça ne peut pas marcher."

Sandrine est aujourd'hui chauffeur de véhicules - un "jokey" -, elle conduit les C3 qui sortent de l'usine vers les parcs. Elle a tout appris sur le tas : travailler sur ligne, comme pistarde retoucheuse, régler le parallélisme ou l'embrayage, monter les voitures sur les trains. Elle regrette un peu que toutes ses compétences n'apparaissent pas dans son CV : "On se donnait à fond pour améliorer le travail, j'étais très motivée mais maintenant on ne pense plus qu'à cela, la fermeture de l'usine." Cet avenir trop flou l'empêche de dormir. Si un des deux quitte le groupe, ce sera elle. Il faudra préserver le salaire de Didier, plus important que le sien.

Mutations internes ou externes, que choisir ? Aller à l'usine PSA de Poissy ou de Saint-Ouen, recommencer tout à zéro ? Sandrine et Didier semblent avoir perdu, en route, toutes leurs certitudes.