La BD de la semaine : "Emma G. Wildford", une héroïne qui n'a pas froid aux yeux

"De mon temps, c'était au preux chevalier de se porter à la rescousse de la jolie princesse en péril !" "Et bien, disons que désormais, les rôles sont inversés." Le "chevalier", c'est Roald Hodges, dans la famille duquel on est explorateur de père en fils, même si on revient souvent au bercail les pieds devant. Quant à la princesse intrépide, c'est Emma G. Wildford, héroïne de la dernière BD signée Edith et Zidrou.

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Ça parle de quoi ?

Comme son nom l'indique, c'est l'histoire d'Emma G. Wildford, une Anglaise, la vingtaine, qui publie des recueils de poésie et en fait lecture dans des salons ou des librairies à un public clairsemé et âgé. La jeune femme, issue de la bonne société, doit composer avec un mari absent, parti à la recherche du temple de Dolla, une divinité scandinave, un beau-frère salace, une sœur désabusée et un père qui préfère Agatha Christie aux discussions mondaines.

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On fait d'abord connaissance avec Emma, avant qu'elle ne se décide à braver les vieux barbons de la Royal Society of Geography et qu'elle se lance à la recherche de son mari, disparu depuis plus d'un an. Mari qui lui a laissé une lettre, si jamais il lui arrivait malheur. Emma ne l'a jamais ouverte. Peut-être s'y joue toute l'histoire... "Si j'ouvrais cette lettre, ce serait comme admettre qu'il lui est arrivé malheur. Un pas, un souffle, un battement de cœur. Roald est vivant. Je le sais. Je le sens."

Pourquoi on adore ?

Emma G. Wildford, c'est d'abord un objet splendide. Une reluire à la suisse, c'est-à-dire deux rabats au-dessus de l'album, pour en protéger les trésors... dont la fameuse lettre de Roald, que vous pourrez ouvrir page 75. Une marque de fabrique de la collection Noctambule de chez Soleil, à la finition soignée. Un peu trop même : la sortie de l'ouvrage a dû être repoussée deux fois pour des raisons techniques.

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Mais l'attente vaut la peine. Edith et Zidrou offrent un récit où se dévoile par petites touches la personnalité d'Emma, qui est, plus que sa quête de son mari, l'objet du récit. Edith continue avec bonheur son exploration de l'Angleterre après Basil et Victoria (du point de vue des gamins des rues de l'ère victorienne) et Le Jardin de Minuit, adaptation d'un roman de Philippa Pearce publié dans les années 1950.

C'est pour vous si...

Vous aimez siroter le thé dans votre maison de campagne du Surrey, votre chat sur les genoux, et une édition jaunie d'Agatha Christie à la main. Mais pas seulement. C'est tout l'art du prolifique scénariste Zidrou de mêler les genres et d'attirer un public bigarré, des amateurs d'expéditions aux amoureux de la Scandinavie en passant par les fondus de rugby (si, si). Et si votre marotte, ce sont les livres aux couvertures à tiroirs, vous allez être servi (mais lisez l'intérieur quand même).

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Emma G. Wildford par Edith et Zidrou, coll. Noctambule aux éd. Soleil, 104 p., 20 euros environ, sortie le 22 novembre 2017.