"La Planète des singes : Suprématie" est-il le meilleur blockbuster de l'été ?

A Hollywood, rares sont les trilogies qui laissent leur empreinte dans l’histoire du cinéma. Hormis les Batman de Christopher Nolan, les Parrains de Coppola, les trois premiers Star Wars et une poignée d'autres, il est plus fréquent qu’après un premier volet réussi, les deux suivants soient de plus en plus mauvais. Avec La Planète des singes, c’est tout l’inverse. Après le médiocre Origines (sorti en 2011) et le dispensable Affrontement (sorti en 2014), La Planète des singes : Suprématie - qui débarque sur nos écrans le 2 août -  est sans conteste le volet le plus abouti de cette saga vaguement inspirée du livre culte de Pierre Boulle.


Mais aux côtés de Spider-Man : Homecoming et de Valérian et la cité des mille planètes, ce film sombre qui ambitionne de faire réfléchir le spectateur sur son humanité parviendra-t-il à se distinguer dans la horde des blockbusters estivaux ?

Oui, si vous aimez les films muets (ou presque)

Après un premier volet consacré à l’émergence d’une race de singes intelligents, involontairement créés par l’homme, puis, à l’impossible cohabitation entre les humains et les singes, La Planète des singes : Suprématie (War for the Planet of Apes en VO) se recentre sur les primates. C'est une colonie de singes, toujours emmenée par leur chef César, qui est au cœur de l’intrigue.

Or, si César, élevé par un homme, est capable de comprendre et de s’exprimer parfaitement en anglais, ses semblables ne communiquent qu'en langue des signes ou au moyen de cris et autres sons simiesques. Sans dialogue ou presque, cet ultime volet marque l'aboutissement d'une trilogie qui confronte depuis ses débuts l'homme à l'animal.

Dans Suprématie"les humains ne parlent pratiquement pas, et ceux qui parlent n’ont rien à dire d’intéressant" résume d'ailleurs le site américain Village Voice. Réduits à l'état de figurants, ils n'usent de la parole qu'en cas d’urgence absolue. Un parti-pris que le réalisateur Matt Reeves (déjà aux commandes du deuxième volet) compense avec une photographie hyper léchée et des effets spéciaux bluffants. Audacieux pour un blockbuster.

Oui, si vous jugez un film par la qualité de ses effets spéciaux

C’est sûrement l’aspect le plus mémorable de La Planète des singes : Suprématie. En confiant une fois encore la réalisation des effets spéciaux au studio néo-zélandais Weta Digital (responsable de ceux de la trilogie du Seigneur des anneaux et d’Avatar pour lesquels il a reçu deux Oscars), Matt Reeves pousse le réalisme de ses singes à son paroxysme.

Entièrement réalisés en motion capture, César (par ailleurs magistralement interprété par Andy Serkis), Maurice, le sage orang-outan, ou le fidèle guerrier Rocket semblent plus réels que jamais. Une perfection que l’on retrouve autant dans les expressions de leurs visages, les mouvements de leurs corps ou lorsqu'ils interagissent avec l'environnement. Reeves prend dès lors plaisir à filmer ses héros en très gros plan pour que l'on mesure bien la qualité du boulot effectué. On en oublie même que les vrais singes ne sont pas capables de monter à cheval ou de tirer à la mitraillette avec autant de dextérité. Il est d'ailleurs amusant de revoir le premier film adapté du roman éponyme et sorti en 1968 (avec Charlton Heston dans le rôle titre) pour mesurer l’étendue du chemin parcouru dans la représentation des primates au cinéma.

Oui, si vous êtes sensibles aux références

Cinématographiques, tout d’abord. En confiant le rôle du méchant à Woody Harrelson (parfaitement à l'aise dans la peau d'un colonel sadique et dissident à la tête d’une armée de soldats et de singes esclaves retranchés dans la jungle), les scénaristes n’ont pas été chercher l’inspiration très loin. On pense inévitablement au colonel le plus célèbre du cinéma, Walter E. Kurtz, incarné par Marlon Brando dans Apocalypse Now, la Palme d’or ex-æquo à Cannes en 1979. Pour ceux qui n’auraient pas saisi la référence, Reeves a pensé à tout et a laissé traîner un “Ape-ocalypse”  tagué sur un mur. Les plus cinéphiles d’entre vous noteront, comme le site Deadline, que ce Planète des singes : Suprématie est également un hommage à d’autres films de guerre célèbres comme La Grande évasion (1963) ou Les Canons de Navarone (1961).

Mais la force de cet ultime chapitre de La Planète des singes est sa capacité à résonner dans notre actualité. Si, dans son ensemble, la trilogie parle d’altérité et des dangers que l’homme fait courir à notre planète, elle parle aussi du pardon et de la difficulté à maintenir un état de paix si un seul membre de votre communauté souhaite la guerre. Et bien que le scénario de ce dernier volet ait été écrit avant l’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, il est amusant de voir ce colonel en roue libre, obsédé par la construction d’un mur censé protéger sa petite tribu de fidèles.

Non, si vous cherchez un film feel-good

Evidemment, tout cela a un coût et c’est peut-être celui du divertissement. En proposant au spectateur une réflexion sur la condition humaine (légère hein, ce n’est pas du Malraux, non plus…) et en lui offrant une morale que ne renierait pas une production Disney, cet ultime volet de La Planète des singes est à classer dans la catégorie des blockbusters malins à défaut d’être intelligents.

Mais voilà, à force de nous montrer des singes plus humains que les humains, et des humains plus abjectes que le plus méchant des singes, La Planète des singes : Suprématie clôt cette trilogie en nous laissant avec un étrange sentiment de honte : celui d’être simplement humain. On est loin de l’état d’esprit léger dans lequel on peut espérer sortir d’un film en salles le 2 août.

Seules respirations dans ce (très) long-métrage de 2h20, une mignonne petite fille blonde prénommée Nova (Amiah Miller) mais privée de parole, et un drôle de chimpanzé. Cet ancien pensionnaire d’un zoo auto-prénommé Bad Ape ("Mauvais singe", le nom dont l’affublaient les humains) est l'unique personnage à ressort comique du film. Le seul à offrir au spectateur quelques sourires au milieu de ce triste constat ponctué par un dénouement pour le moins ambigu : toute fin précède au début d’autre chose. Espérons juste qu'elle ne prophétise pas celle de l'humanité.