La BD de la semaine : "L'été en pente douce", à lire avec ou sans canicule

Le titre laisse entendre que cette BD se dégustera avachi dans un transat, à l'ombre d'un pin, et un cornet de glace à la main. Erreur. Cet Eté en pente douce est une histoire caniculaire, poisseuse, moite et sombre. Un polar qui utilise les ressorts du western pour mieux dérouter le lecteur.

De quoi ça parle ?

Fane, sa copine Lilas et son frère Mo débarquent dans la maison que vient de leur léguer leur mère, dans l'arrière-pays provençal. Fane, un petit caïd sur le déclin, banane sur le front malgré sa calvitie naissante, a tout plaqué pour y écrire des romans policiers et faire fortune. Il compte sur Lilas, une nana échangée contre un lapin surgelé et quelques biftons pour lui apporter amour et inspiration. Et sur Mo, son frère, "qui a les cases emmêlées" depuis qu'il a joué de trop près avec une grenade allemande de la seconde guerre mondiale, pour assurer l'intendance.

Reste que le débarquement d'un loubard, d'un débile léger et d'une fille qui ne dissimule guère ses mensurations affolantes va bouleverser un village qui vivait jusque-là engoncé dans les conventions sociales. Les Voke, garagistes qui possèdent deux établissements situés de part et d'autre de la villa, y voient l'occasion rêver pour mettre la main dessus...

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Pourquoi on adore ?

L'histoire, imaginée par le romancier Pierre Pelot, a eu plusieurs vies. Un roman, remarqué, en 1980, une adaptation sur grand écran, avec Pauline Lafont qui a fait fantasmer une génération (devenue quinquagénaire) et maintenant une BD. L'auteur en personne s'est chargé de faire rentrer son histoire dans les petites cases. Si l'on perd les formidables descriptions de cet écrivain au phrasé si particulier, on y gagne une formidable mise en couleurs de Jean-Christophe Chauzy, qui marie à merveille gueules cassées et paysages éthérés à l'aquarelle. Ce qui n'est pas une mince performance, l'histoire se passant essentiellement dans une villa flanquée d'un petit jardin, cernée par deux garages et une nationale.

Restent des dialogues formidablement écrits – il faut s'accrocher sur les 20 premières pages, qui ne sont qu'un champ-contrechamp entre les deux personnages principaux – mais ça vaut le coup tant le reste de ce copieux album (112 pages) est une merveille d'horlogerie scénaristique.

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C'est pour vous si...

Que vous ayez vu le film, lu le bouquin ou pas, vous ne pouvez pas rester insensible à cette histoire aux faux airs de western et aux dialogues de la meilleure eau. On parle d'un album dans la lignée des grandes rencontres entre polar et BD, comme Fatale de Max Cabanes et Jean-Patrick Manchette ou du duo Charyn-Boucq (Bouche du diable, Little Tulip), sans parler des Nestor Burma de Leo Malet et Jacques Tardi.

L'été en pente douce de Jean-Christophe Chauzy (dessin) et Patrick Pelot (scénario), éd. Fluide Glacial, 112 p., environ 19 euros. Il existe aussi une édition Canal BD en grand format avec des bonus, environ 22 euros.