"No Man’s Sky", le jeu le plus ambitieux de la décennie, est-il également le plus ennuyeux ?

Imaginez un jeu vidéo vous offrant la possibilité de vous balader sur 18 446 744 073 709 551 616 planètes. Vous n’arrivez pas à comprendre ce nombre ? C’est normal, nos yeux ne sont pas habitués à lire des trillions. C’est pourtant la promesse de No Man’s Sky, un jeu qui tutoie l’infiniment grand, imaginé et développé par le Britannique Sean Murray et son petit studio, Hello Games.

Enfin disponible sur PS4 et PC après trois ans de teasing alléchant, No Man’s Sky est donc un jeu d’exploration et de survie dans l’espace. Mais à part les découvrir une par une, que fait-on exactement sur toutes ces planètes ? Puisqu’il est impossible de toutes les visiter (cela nécessiterait 585 milliards d’années en ne restant qu’une seconde sur chacune d’entres elles), à quoi bon perdre son temps ? Cette performance algorithmique n’est-elle pas la promesse d’un ennui aussi infini que nos déplacements inter-galactiques ? Eléments de réponses apportés après une dizaine d’heures de jeu.

Non, si vous avez l’âme d’un pionnier (de canapé)

Dans No Man’s Sky, vous débutez l’expérience de la même façon que tous les autres joueurs, en vous réveillant sur une des dix-huit trillions de planètes qui composent cet univers (choisie aléatoirement comme le montre cette vidéo de VG247, qui compile cinquante planètes de départ expérimentées par d’autres joueurs). Mais quelles que soient les conditions environnementales auxquelles vous êtes confrontées, vous démarrez avec un multi-outils dans la poche (sorte de couteau suisse pour spationaute) et une exo-combinaison standard sur le dos. Pour vous familiariser avec votre équipement, votre première mission consiste à réparer votre vaisseau échoué à vos côtés en récupérant différents matériaux.

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Ensuite ? Et bien, vous êtes libre. Libre de naviguer des heures de galaxies en galaxies et de planètes en planètes en scannant tout ce qui bouge (ou pas). Vous pourrez ainsi y découvrir les plantes et créatures qui les peuplent et les documenter en les nommant à votre guise. Vous pouvez aussi collecter des éléments nécessaires pour améliorer votre équipement et votre vaisseau, les vendre à des marchands extra-terrestres Vy’keen ou encore apprendre leur langue.

Oui, si vous aimez "finir" un jeu

Mais quid du but de cette exploration ? Comme le rappelle le site américain Wired, "un jeu vidéo moderne pousse à un maximum de compétition, offrant des récompenses et invitant à découvrir 100% de son contenu". Un objectif impossible à atteindre dans cet univers quasi infini. Seule alternative, sur PS4, il est possible de "platiner" le jeu (collecter tous les trophées), ce qui s’apparente dans ce cas à une complétion.

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Pour certains joueurs, l’impossibilité d’une telle quête est une vraie libération. Le journaliste de Mashable avoue ainsi avoir ressenti un étrange sentiment en jouant à No Man’s Sky : "Cela atténue la pression d'avoir à pousser vers un but précis et vous permet de vous concentrer plutôt sur votre propre univers."

Pour d'autres, qui ont besoin d’un objectif bien défini, il existe toutefois un but ultime que le joueur peut choisir, dès le début de l’aventure, de suivre. Une quête qui consiste à se rendre au centre de l'univers afin d’y découvrir "la véritable nature du cosmos". Rien de moins.

Non, si vous êtes en quête d’une expérience unique

Mais pourquoi jouer à No Man’s Sky ? Pour accumuler des ressources et des crédits ? Pour avoir un plus gros vaisseau ? Oui, mais pas seulement. Ce qui est grisant dans cette quête qui nous fait tutoyer l’infiniment grand, c’est cette sensation de vivre quelque chose d’unique. Comme le raconte le journaliste de Wired, "personne ne verra exactement ce que j’ai vu et où je suis allé. Je peux dormir tranquille sachant que personne ne découvrira jamais la grotte Toxic Butts sur la planète Steve".

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Car No Man’s Sky offre la possibilité à chaque joueur de renommer chacune de ses découvertes, de la galaxie à la plus petite plante. Une personnalisation qui pouvait paraître un peu gadget, mais des joueurs se sont empressés de lui donner un sens. Comme le raconte Vice, certains ont ainsi choisi de donner aux planètes le nom de leurs proches disparus, transformant leur univers en véritable mémorial et en donnant un véritable sens à leur quête.

Oui, si vous avez peur de la solitude

"Dans l’espace, personne ne vous entend crier", prévenaient les publicités pour le film Alien en 1979. Une baseline que ne renierait pas No Man’s Sky, quarante ans plus tard. Car si pour certains, le jeu d’Hello Games s’est métamorphosé en expérience quasi mystique, elle est, pour d’autres, une vraie traversée du désert.

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"J’ai commencé à me sentir seul dans cet univers. Pas seulement parce que c’est un jeu individuel, mais parce que je n’avais personne à qui parler. Juste des extra-terrestres que je peux à peine comprendre", raconte un journaliste de Forbes, pour qui cette conquête de l’espace a vite tourné à la dépression. Je ne me suis jamais senti autant seul dans un jeu vidéo. J’ai besoin de quelqu’un."

La probabilité de croiser un autre joueur dans cet univers immense est effectivement quasi nulle. Et comble du désespoir, lorsque cela se produit, les serveurs ne sont pas en mesure de vous montrer votre improbable rencontre, comme le raconte le site Gameblog.

Non, si vous rêviez de devenir botaniste

Vous l’avez compris, No Man’s Sky possède une base de données galactique sur laquelle est enregistrée les découvertes de chaque joueur. Car chaque planète possède sa propre faune et flore, un tour de force rendu possible par génération procédurale.

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Basiquement, chaque planète est composée des mêmes éléments de base (des créatures, des plantes, des montagnes, etc.) mais ils sont modifiés et agencés aléatoirement grâce à un algorithme. Il aura suffit de créer un poisson pour que l’ordinateur se charge de le muter pour en créer des millions d’autres, comme l’explique Sean Murray dans cette vidéo (en anglais).

A peine 24 heures après sa sortie, les joueurs avaient déjà visité suffisamment de mondes pour découvrir plus de 10 millions d'espèces différentes, soit plus que le total découvert sur la Terre à ce jour, rapporte ainsi le site américain The Verge

Oui, si vous vous lassez aisément

Reste qu’après une dizaine d’heures de jeu, toute cette dynamique de gameplay commence à lasser. Se poser, scanner, récolter, scanner, décoller, etc. A moins d’être un fou du "crafting", difficile d’être encore émerveillé par cet univers coloré qui, sans être jamais tout à fait semblable, montre de très gros points de similitudes. Certes, cette immensité est impressionnante et permet d’appréhender la vastitude de notre univers, mais est-ce suffisant pour y passer plus de temps ? Le journaliste de Forbes résume parfaitement cette problématique : "Je pourrais passer des dizaines d’heures sur No Man’s Sky. Mais je ne suis pas sûr de le vouloir." Quel dommage que Kant ne puisse pas y jouer pour nous donner son point de vue de philosophe.