Comment la Warner a métamorphosé Tarzan en super-héros

C’était inévitable. Non content de mettre à l’écran tous les super-héros de l'univers, Hollywood a décidé de faire rentrer dans le même moule nos bons vieux héros d’antan. La première victime de cette super-héros mania s'appelle Tarzan, 104 ans. Après plus de cinquante adaptations au compteur, l'homme-singe se retrouve dans un reboot qui devrait faire se retourner son créateur dans la tombe, le romancier américain Edgar Rice Burroughs. Visible sur les écrans français depuis le 6 juillet, cette suite des aventures du bébé recueilli par des primates, sobrement intitulée Tarzan et réalisée par David Yates (l’homme derrière les quatre derniers films de la saga Harry Potter) ressemble à s’y méprendre à une production "Marvel DC". Retour sur les sept étapes d'une métamorphose.

1En jouant à fond sur sa double identité

Tout le monde connaît l’histoire de Tarzan, petit homme blanc élevé dans la jungle par des grands singes après la mort de ses parents. Dans cette nouvelle interprétation du mythe, on retrouve le jeune homme (incarné par Alexander Skarsgård, le vampire de True Blood toujours aussi peu expressif) à Londres. Devenu membre de la Chambre des lords, il a renoué avec ses origines aristocratiques et répond désormais, tout engoncé dans son costume trois pièces, au patronyme de John Clayton III, cinquième comte de Greystoke.

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Invité par le roi des Belges à retourner au Congo où il a grandi, John renoue avec le Tarzan qui sommeille en lui. Il lui suffit d'un câlinou avec quelques lionnes pour se métamorphoser en un bellâtre exhibant une indécente musculature à faire pâlir Thor de jalousie. Un changement de costume au sens propre, passage obligé du statut de super-héros. Comme le note d'ailleurs le site Screencrush : “La seule chose qui lui manque est une sorte de logo de super-héros sur sa poitrine.”

2En lui attribuant des super pouvoirs

Bien sûr, Tarzan n'a pas été en contact avec des produits chimiques comme Daredevil mais, élevé dans la jungle, il y a développé des compétences inédites. Evidemment, il parle couramment le gorille grâce à ses parents adoptifs mais Tarzan est également capable de communiquer avec tous les animaux de la jungle. Doté d’une agilité exemplaire, il effectue avec aisance d'impressionnants sauts de l’ange et se rattrape à une liane pour évoluer à la vitesse d’arbre en arbre... rappelant Spider Man.

Mieux, les producteurs ont jugé opportun de le gratifier d'une force surhumaine. Capable de balayer quelques soldats belges d’un revers de la main ou d’affronter un imposant gorille, il marche sur les plates-bandes de ce loser de Superman que l'on pensait, à tort, être le doyen de tous les super-héros (il est né en 1938, soit plus de 25 ans après Tarzan).

3En le rendant invincible

Après 1h50 de combats, chutes, morsures, noyades, il faut se rendre à l’évidence : ce Tarzan-là est increvable. Il n’y a bien que Jane pour craindre pour la vie de son paladin pendant toute la durée du film alors qu’il ne court vraisemblablement pas le moindre danger.

4En l’envoyant en mission

Lorsque Tarzan est convié à retourner au Congo en tant qu’émissaire du commerce, celui-ci commence par refuser l’offre. Forcément, son nouveau statut de lord n'est plus compatible avec la sauvagerie du continent africain. Mais c’est sans compter la pugnacité d’un pasteur noir américain qui le convainc de l’accompagner pour l'aider à dénoncer les méthodes colonialistes appliquées par la Belgique. Caution historique du film, ce George Washington Williams (incarné par Samuel L. Jackson) est un personnage ayant bel et bien existé qui s’est rendu au Congo à la fin du XIXe siècle.

Une mission aux vertus rédemptrices pour George (l'homme a un passé peu reluisant qu'il nous explique le temps d'un long monologue) mais un simple prétexte pour envoyer le comte de Greystoke dans la jungle. On ne sait trop si cette mission inventée est un tour de passe-passe scénaristique pour nous faire oublier les relents de racisme dégagés par le film ou pour mieux coller à l’image du super-héros en lui inventant un but plus noble. Malheureusement, le sort des esclaves locaux ne semble pas émouvoir Tarzan dont la seule préoccupation va rapidement être de sauver Jane (incarnée par Margot Robbie) des griffes des méchants Belges.

5En lui collant un buddy sidekick

Moins agile que Tarzan et les guerriers locaux, George n’est pas pour autant le boulet attendu. Il arrive à suivre, maîtrise le maniement des armes à feu et surtout, balance les seules punchlines comiques du film. Bref, George est à Tarzan ce que Robin est à Batman, Bucky à Captain America, soit un parfait buddy sidekick (un pote faire-valoir), accessoire indispensable à tout super-héros.

En plus de la mission anticolonialiste, la présence de Samuel L. Jackson sert également à montrer aux spectateurs que les Noirs ne sont pas tous de bons sauvages. Une tentative pour limiter le malaise ressenti à la vue de tous ces indigènes se prosternant devant l'aristocrate blanc de la jungle. Malheureusement, les blagues de Samuel L. Jackson ne parviennent jamais à nous faire oublier ce petit goût rance façon Tintin au Congo.

6En lui dégotant un vrai villain

Evidemment, Tarzan ne serait pas un vrai super-héros sans un villain à affronter. Il s’incarne sous les traits de Christoph Waltz, éternel abonné aux rôles de méchants (Spectre, Django Unchained, Inglourious Basterds) qui campe Léon Rom, un émissaire de la Couronne belge chargé de renflouer les caisses du roi Léopold II.

Sadique à souhait comme Waltz sait les incarner, Rom va passer un marché avec un indigène, ce dernier lui proposant des diamants contre la vie de Tarzan. Si l’on peut reprocher à l'acteur allemand de nager en plein typecasting (il nous offre la réplique exacte de son jeu d’acteur éprouvé dans ses derniers films), il incarne en revanche à la perfection le méchant dont raffolent tous les films du MCU. Mention spéciale à son usage d'un chapelet qu’il réussit à transformer en une arme redoutablement létale.

7En abusant de fonds verts

Pour parfaire cette recette, il ne manquait plus à David Yates qu’à user d’effets spéciaux. On est servi. L'intégralité du film a été tournée sur des fonds verts dans les studios Warner situés en Angleterre, et ça se voit. Et même s'ils sont au centre du casting, aucun animal vivant n’a été utilisé durant le tournage. Tous modélisés numériquement, ils manquent cruellement de réalisme, surtout dans l'affrontement final qui convie tous les buffles de la savane. La technologie de pointe des studios Warner a ses limites.

Enfin, la transformation en film de super-héros ne serait pas complète sans une absence de scénario digne de ce nom (coucou Superman Vs Batman). Mission accomplie pour la Warner qui a réussi à tuer le Tarzan de notre enfance.