"Bitch Planet" : quand la pop culture fait un doigt d’honneur au patriarcat

Imaginez un monde gouverné par les hommes. Un monde dans lequel les femmes sont stigmatisées, lorsqu’elles sont trop grosses, trop noires, trop exubérantes ou pas assez hétérosexuelles. Bref, lorsqu’elles ne sont pas conformes à l’image que l’on attend d’elles. Oh, wait…

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les créateurs de Bitch Planet n’ont pas eu à chercher bien loin pour imaginer la société dystopique qu’ils décrivent dans leur comic book féministe, récemment nommé aux Eisner Awards 2016 dans la catégorie "meilleure nouvelle série" et enfin disponible en France (éd. Glénat Comics)Le premier tome d’une série aussi prometteuse que rafraîchissante à l'origine d'un mouvement de revendication inédit aux Etats-Unis. Explications.

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La femme parfaite est un hologramme

“Soyez les bienvenues dans l’établissement auxiliaire de conformité”. Une gigantesque femme-hologramme rose accueille les nouvelles détenues dans un centre pénitentiaire construit en orbite autour de la Terre. Bienvenue sur Bitch Planet, une prison pour femmes "non conformes" imaginée par un groupement d'hommes aussi vieux que blancs à la tête de notre monde. Sur Terre, pendant que ces derniers nous gouvernent et se divertissent en regardant des matchs de “mégaton” (un sport de balle où tous les coups sont permis), les femmes comptent les calories absorbées dans l'espoir d'approcher un idéal de perfection. Les autres sont envoyées sur Bitch Planet (“La planète des salopes” en VF) pour y subir un programme de rééducation.

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Penny Role, la première super-héroïne noire et obèse

Le trait est forcé mais n'en est pas moins juste. Comme dans la vraie vie, la société décrite dans Bitch Planet est un patriarcat assumé tandis que son univers carcéral reflète un autre déséquilibre. Sur Bitch Planet, la majorité des détenues emprisonnées sont des femmes de couleur, dont les peines vont du meurtre au simple surpoids. Mais leur non-conformité n'est pas le seul dénominateur commun. Elles sont toutes en colère, rageuses et revanchardes à l'égard de cette société qui les méprise. Penny Role est de celles-là, une immense femme obèse et noire propulsée héroïne de BD.

“Penny est mon personnage préféré”, avoue Kelly Sue DeConnick (Captain Marvel, Pretty Deadly), la scénariste de Bitch Planet. “Elle ne laisse personne définir ce qu’elle devrait être [...] ne ressent pas le besoin de s’adapter aux gens autour d’elle [...] C’est de là que vient sa force libératrice.” Un trait de caractère qui rappelle les détenues du pénitencier de Litchfield dans la série à succès diffusée sur Netflix, Orange is the new black.

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Nous sommes toutes "non-conformes"

Pamphlet social, Bitch Planet se transforme en manifeste féministe grâce au talent d’illustrateur de Valentine De Landro (X-Factor). Dans le comic-book, toutes les détenues sont affublées du logo NC ("non-conforme") que les lecteurs se sont rapidement approprié. Pour célébrer la sortie du premier tome en France le 4 mai, des tatouages éphémères seront distribués chez les libraires. Mais ce qui a des allures de simple action marketing a pris une autre ampleur aux Etats-Unis où la série est publiée depuis décembre 2014. Des centaines (ou des milliers, difficile à dire) d'Américaines ont choisi de marquer leur corps de façon permanente avec ce sigle NC devenu l’emblème d’un féminisme global. Après le féminisme en body de Beyoncé et celui, plus militant, à la tribune de l’ONU, de l'actrice Emma Watson, Bitch Planet marque la naissance dans la pop culture d’un féminisme genré et racé. Un véritable cri de ralliement de toutes les femmes (et les hommes) du monde entier qui se refusent à rentrer dans la case imposée par nos sociétés modernes. Un vent frais souffle sur cette planète de salopes et il n’est pas prêt de retomber.

 

 

Découvrez les premières planches de Bitch Planet :

 

Bitch Planet, tome 1 : Extraordinary machine, de Kelly Sue DeConnick et Valentine De Lando, éd. Glénat Comics, disponible à partir du 4 mai, 176 p., environ 17 euros.