Pourquoi "The Leftovers" est une série terriblement d'actualité

Comment réagirait l'humanité si 2% de la population mondiale disparaissait, soudainement, comme ça, sans explication ? Pourrait-on continuer à vivre normalement, sachant que des proches peuvent s'évaporer à n'importe quel moment ? Serait-ce alors la fin de la civilisation telle qu'on la connaît ? Voici les questions – entre autres – posées par The Leftovers, créée par Damon Lindelof, le scénariste de Lost, et Tom Perrotta, auteur du best-seller Les Disparus de Mappleton (éd. Fleuve Noir), dont la première saison est tirée. Grande série sur le deuil, la production de la chaîne HBO résonne tragiquement avec les attentats meurtriers de Paris.

En fait, The Leftovers traite des conséquences du 11-Septembre aux Etats-Unis : les auteurs ne s'intéressent jamais aux séquelles des "événements du 14 octobre" – date à laquelle disparaissent 2% de la population – ailleurs qu'en Amérique, alors que le phénomène est décrit comme un drame mondial. Les scénaristes portent ainsi leurs regards sur Mappleton, une petite ville de l'Etat de New York, et ses familles profondément meurtries par la "disparition" inexpliquée de leurs proches.

C'est là l'une des forces de The Leftovers : ne jamais chercher à résoudre le mystère. (Damon Lindelof a, semble-t-il, tiré les leçons de l'épisode final très critiqué de Lost.) Ainsi Nora Durst a perdu son mari et ses deux enfants, et la société américaine sa foi en Dieu. Du coup, une nébuleuse secte agnostique en profite pour proliférer, laissant les proches de ses membres dans l'incompréhension totale. Bref, tous les personnages sont complètement paumés, en pleine crise existentielle.

Le propos de The Leftovers prend un sens terriblement d'actualité après les attentats du 13 novembre. De nombreux Français connaissent de près ou de loin des victimes des attaques du Bataclan, des terrasses de l'est parisien et du Stade de France. Comment continuer à vivre après ces événements sanglants et ceux de janvier ? Peut-on continuer à faire la fête et s'enivrer, comme si de rien n'était ? "Plus rien ne sera comme avant", avancent certains.

Peut-on se remettre de ce que nous avons vécu ?

En ce sens, nous sommes tous Kevin Garvey ou Nora Durst, des êtres traumatisés, mais qui tentent de reprendre le cours d'une vie normale. Peuvent-ils se remettre de ce qu'ils ont vécu ? Parviendront-ils à ne pas creuser leur propre tombe ? Intelligemment, toute l'intrigue de The Leftovers tourne autour de ses personnages, dont le spectateur suit la descente aux enfers, tout en priant pour qu'ils aillent (enfin) mieux.

Les acteurs Justin Theroux, Carrie Coon ou Christopher Eccleston méritent tous un Emmy pour leur interprétation, tout comme Max Richter pour sa musique originale (des morceaux déchirants au piano). Largement supérieure à la moyenne des dramas, The Leftovers n'a pas besoin de rebondissements artificiels : la série de HBO tient simplement à sa puissance émotionnelle.

Il est donc temps que le public français découvre ce chef-d'œuvre, diffusé à partir du mercredi 2 décembre sur Canal+ Séries. Car, jusqu'ici, seuls quelques sériephiles et de rares abonnés à la chaîne OCS City (qui diffuse la saison 2 tous les lundis) suivaient The Leftovers, ses personnages bouleversés et leurs histoires bouleversantes.