"Saga", le space opera le plus cinglé de la BD

"C’est un Star Wars, mais pour les pervers, alors", précise Brian K. Vaughan, le créateur de Saga, fatigué que l'on compare son comic au plus illustre des univers de science-fiction. Effectivement, sans vouloir énerver les fans de la Force, Saga est beaucoup plus tordue que la célébrissime série imaginée par George Lucas. Tellement barrée qu'elle ne pourra jamais être adaptée sur grand écran. Une raison suffisante pour se plonger dans les pages de ce space opera dont le cinquième tome sort en librairies le 23 octobre prochain. Pop Up’ vous met l’eau à la bouche et vous explique pourquoi cette saga va devenir culte.

Une histoire banale dans un univers complètement barré

 

L’histoire de Saga tient en une phrase : Roméo et Juliette font un enfant dans l’espace. Sauf que Roméo (Marko) possède, comme ses congénères de la planète Couronne, de jolies cornes et de chouettes pouvoirs magiques. Que Juliette (Alana) arbore des ailes dans le dos, comme tous les habitants de Continent, en guerre depuis la nuit des temps contre Couronne. Et que, tabou ultime, nos deux tourtereaux se sont reproduits. Saga débute donc tout naturellement en plein accouchement. Et la naissance d’Hazel (voix narrative de Saga) marque le début d’un road-movie intergalactique pour cette étrange famille que personne ne veut voir exister. A bord d’une fusée-arbre qui va où elle veut et aidés par une moitié de baby-sitter fantôme (elle a sauté sur une mine et se balade désormais les tripes à l’air), ils devront, de tome en tome, éviter des créatures aussi improbables qu'un prince avec un écran de télé à la place de la tête, un chasseur de primes et son chat géant détecteur de mensonges ou une tueuse mi-femme mi-araignée. Bref, William S. et George L. peuvent aller se rhabiller. 

Devenir parent, c’est aussi compliqué dans Saga que dans la vraie vie

 

L’autre réussite de Saga, c’est ce contraste étonnant entre des personnages délirants et des scènes du quotidien d’un réalisme bluffant. Car, dans cette galaxie où les créatures les plus improbables ont aussi des chagrins d'amour ou piquent des crises de jalousie, les soldats Marko et Alana sont de jeunes parents avant d'être des soldats que tout oppose. Qui paniquent lorsque la croûte du cordon ombilical tombe, qui s’engueulent pour savoir ce qui est bon pour leur enfant et font face à l’usure de leur couple. Bref, Alana et Marko, c’est vous, c’est moi, les ailes et les cornes en moins.

Un parti pris réaliste assumé par Brian K. Vaughan : "J’ai toujours pensé que la guerre dans Saga était aussi importante que dans le film Casablanca. C’est un événement qui compte, mais pas autant que la vie des gens dont on raconte l’histoire." Comme le résume parfaitement le site io9, Alana et Marko ne cherchent pas l’amour, ils l’ont trouvé. Ils ne cherchent pas non plus un trésor, ils ont une sublime petite fille. Et ils ne cherchent pas l’aventure, ils la fuient. Ils veulent juste vivre tranquillement, et être heureux. Saga, c’est la quête épique d’un couple hors du commun à la recherche du simple bonheur.

Un univers drôle et coloré

 

La singularité de Saga tient également à ses dialogues ultra réalistes, parfois vraiment crus et souvent très drôles. Ceux qui connaissent le travail antérieur de Vaughan sur le comic Y, le dernier homme ne seront pas dépaysés, on se marre toujours autant. La scène d’ouverture de l’accouchement d’Alana donne le ton : "… Je… hmrrrr… pousse… ! … J’ai l’impression de ch… hmrrr… ! Si je te fais dessus, tu ne voudras plus jamais de moi, c’est sûr. Sauf si c’est ton truc… Dis-moi que c’est pas ton truc." On se croirait dans une comédie (réussie) de Judd Apatow.

Né il y a des années dans le cerveau malade d’un Brian K. Vaughan qui s’ennuyait en cours de math, l'univers de cette saga shakespearienne doit sa singularité à sa dessinatrice, déjà multi récompensée pour son travail sur la série. Couleurs vives, traits singuliers et ultra expressifs, les planches élaborées par Fiona Staples sont époustouflantes de richesse et sont pour beaucoup dans la fascination qu'exerce Saga sur le lecteur. La bonne nouvelle : l’épisode 7 de Star Wars ne sortira en France que le 16 décembre prochain. De quoi vous laisser le temps de vous plonger dans les cinq premiers tomes de Saga.

 

Découvrez les premières planches du tome 5 de Saga, avec Sequencity.

 

 

Les quatre premiers tomes de Saga sont disponibles chez Urban Comics. Le tome 5 sortira le 23 octobre 2015, 160 p., 15 euros.