Les "Pinot" à L.A. : une journée avec les "cops" du LAPD

Les voyages à l'étranger sont parfois l'occasion de découvrir un peu nos homologues locaux, et d'en connaitre un peu plus sur le système pénal local, et d'en tirer quelque comparaison. Parfois, l'on peut se sentir satisfait de notre situation, un peu moins à d'autres reprises. Mais ce qui est certain, c'est que c'est toujours enrichissant.

Mon collègue @Matricule17 s'est donc envolé, il y a quelques jours avec deux de ses collègues, vers les Etats-Unis où, à l'occasion de son voyage, il a pu passer un moment avec la police de Los Angeles, le LAPD. Je lui laisse la plume. Accrochez vos ceintures. Bon vol à tous.

- - - - - -

Nous sommes trois policiers à avoir pris la route de l'Ouest Américain pour 4 semaines de kiff total. Un Road trip a bord de notre 4x4 AMG. Je nous présente succinctement. Jeunes policiers arrivés dans la région Parisienne dans les trois dernières années. De simples "Pinot". Ce voyage, et je parle pour moi, est voulu et rêvé depuis toujours. Les États-Unis m'ont toujours fasciné. Leur culture, leur mentalité, leurs paysages, leurs sports. Tout. Et je ne parle pas de politique bien sur. J'ai déjà eu la chance de visiter Miami en septembre 2015 et New York, ville de laquelle suis tombé amoureux en septembre 2012.

Dans tous mes voyages, j'ai toujours pris contact avec les policiers locaux pour échanger des patchs et quelques mots. Nous l'avons d'ailleurs fait à Las Vegas où nous avons échangé avec deux policiers Américains. Mais cette fois-ci, cela s'avère très différent. Je vous explique:

Certains ici connaissent Twitter. Sur ce réseau social il y a des personnes qui, sans vous connaître (physiquement), vont faire des choses incroyables. Sans rien attendre en retour. Cette fois-ci, il s'agit de @Matzagrodzki. En échangeant en privé avec lui, nous en sommes venus à parler de mon voyage. Ayant passé pas mal de temps à L.A dans le cadre de son travail, il m'a proposé de faire l’intermédiaire avec un contact de la @LAPDHQ pour passer un moment avec eux. J'ai tout de suite dis "oui", sans même l'accord de mes potes. Mais cette fois-ci, c'est quelque chose de dingue. Ce qui devait être au départ un simple échange de patch, se termine, après quelques mails avec une journée complète avec la LAPDHQ.

Rendez-vous pris le mardi 26 sept à 09h00 pour une visite du quartier général avec la ravissante Jacqueline, puis, une patrouille véhiculée de la division d'Hollywood nous prendra en charge pour une balade et dans l'après-midi, l'unité aérienne  nous prendra à bord d'un hélicoptère pour survoler la ville et nous en mettre plein la vue. Je vous l'ai dit, c'est dingue.

Dingue car il faut être honnête, je ne suis pas sur qu'un policier de L.A aurait le droit au même accueil en France; non pas à cause du manque de volonté ou de considération mais à cause du manque de moyens. Et aussi car nous sommes trois flics de "base" sans prétention et qu'ils nous déroulent, disons le clairement, le tapis rouge.

Jour J. Il est 09h00 et nous sommes devant le quartier général de la L.A.P.D, au 100 W. 1st Street à Los Angeles. Impossible de louper cette imposant bâtiment. Arrivés devant l'accueil, nous donnons le nom de Jacqueline et nous attendons dans le hall. Elle arrive, souriante, et nous accueille avec trois patchs de la L.A.P.D. Pour la remercier de l'organisation, nous lui remettons notre bouquet de roses, qui fera sont petit effet. Petit tour du propriétaire. Nous commençons par le "rooftop" de l'immeuble qui domine la ville. Une vue incroyable. Sur ce toit se trouve la terrasse du bureau du Chef de police en chef de L.A : Charlie Beck. Nous le visitons avec l'accord de son bras droit, sa secrétaire. Malgré son absence, nous lui laissons une bouteille de vin rouge français pour le remercier de toute cette attention. 

Maxwell, policier de terrain du LAPD

La matinée se passera avec le Cop Maxwell. La quarantaine passée. Un bel homme originaire d'Hong-Kong, policier depuis 22 ans. Sergent depuis 18 ans. Il nous avouera espérer prendre sa retraite d'ici à trois années de service. Première information, Maxwell est porteur d'un Glock 26. Et c'est son arme personnelle, qu'il a payée, de se deniers, 600$.L'administration fournit aux policiers une arme de service mais chacun peut porter sa propre arme. 

Nous prenons la direction de son secteur, Hollywood Division à bord de la mythique Ford Crown Victoria. Véhicule qui est équipé de deux caméras embarquées. Une qui filme l’extérieur, qui se trouve à l'avant de la voiture, et qui est déclenchée a chaque contrôle qu'il effectue; et une caméra qui filme la banquette arrière, pour enregistrer les interpellés. La dernière caméra est celle dont il est porteur. A bord du véhicule, se trouve aussi un ordinateur connecté au Wifi de la ville pour l'interrogation des fichiers de Police. En cours de chemin (ou plutôt dans les interminables embouteillages), nous voulons en connaître d'avantage sur lui et la Police de L.A. Pour être policier, aux États-Unis, il faut payer sa scolarité (alors qu'en France nous percevons un salaire). À la fin de la scolarité (1 an), le policier est stagiaire et il a, comme chez nous, une année de probation. Par contre, juste avant d'être titularisé, il lui faut passer un examen, ce qui n'existe pas en France, l'examen se faisant tout le long de la scolarité. Mais, pas de panique, cet examen de titularisation, chez les américains n'est n'est qu'un contrôle pour lequel il faut savoir lire et écrire. OUF. A titre d'information, à Los Angeles, un policier en début de carrière perçoit 70k$ par an. Confortable à ses yeux mais insuffisant pour vivre au cœur de L.A où la vie est "very expensible". De fait, Maxwell habite à 30 miles de son travail. Pour faire les 100 km A/R, il passe 4h par jour dans sa voiture. Le coût de la vie, les distances et embouteillages sont de réels soucis, a tel point que cela entraîne une baisse des effectifs. À L.A, l'emploi du temps d'un policier est prévu sur 4 semaines, au cours desquelles il a un certain nombre d'heures à faire; mais il choisit ses plage horaires. Sachant qu'il doit tout de même effectuer entre 10h et 12h par jour. 

Nous arrivons à  Hollywood, mais avant de commencer une "patrouille" dynamique et véhiculée, il veut nous faire visiter son commissariat. C'est à ce moment où nous allons prendre conscience du fossé qu'il y a entre la Police Américaine et la notre. Du fait, déjà du budget alloué aux services, mais aussi à une certaine mentalité que nous, il faut le dire, n'avons pas. Ça commence sur le parking du commissariat. Des voitures partout et à perte de vue. Des Ford comme neuves car entretenues, des SUV. Neufs. Propres. Nos homologues nous disent avoir eu, un temps, des véhicules Dodge, mais ils n'en ont pas été satisfaits. À titre de comparaison, nous avons des Citroën Berlingo... 

Le commissariat date des années 1960. Lui aussi propre. Équipé. Mais, contrairement à nos bureaux, il est fait d'open space. Dans un  espace ouvert, sont réunis 5 services: les homicides, les mineurs, les extorsions, le vol violence et le vol Automobile. Il y a aussi une partie snack ( protéiné et light ) ainsi qu'une buanderie pour les uniformes. Nous avons aussi visité les Geôles, bien sur, sans pouvoir prendre de photos. Dans les cellules, les détenus sont environ 15, sur des lits superposés. Chacun un matelas. Chaque cellule a des WC, un téléphone fixe, des douches et une télévision.

Après avoir signé une première décharge, nous reprenons notre patrouille dynamique. Maxwell nous dit qu'il y a toujours eu des SDF à L.A mais c'est réellement en 2008 où le nombre de "Homeless" à explosé; non seulement à Los Angeles, mais en fait, plus généralement, aux USA. Les loyers sont devenus trop chers, y compris pour des personnes ayant un emploi, lesquelles peuvent être amenées à dormir dans leur véhicule. C'est triste. Mais, de ce qu'il m'a été donné de voir, je trouve qu'il y a plus de miséreux à San Francisco.

Au cours de la conversation, nous avons été curieux et avons demandé à Maxwelle s'il avait déjà utilisé son arme, en service. ll nous à répondu n'avoir jamais sorti son "gun". Il nous a parlé des émeutes de 1992 et de Rodney king, de la légitime défense qui se veut de plus en plus encadrée. La Californie tend à se rapprocher de nous pour les "prises en charge", plus communément appelées "chasses". Ici, à L.A., elles sont désormais interdites pour de simples vols de voitures. Elle n'est autorisée que pour les Crimes. Le coût des réparations ou des véhicules de remplacement est devenu une charge trop importante...

Enfin, une dernière surprise; ici, tous les ans, les policiers ont 2/3 tests de dépistage de drogue, aléatoires. Je ne vous dirais pas combien nous en avons...

12h00. Il est l'heure de nous déposer à l'airport de Los Angeles pour ce que nous attendons tous depuis le début. Le vol en hélicoptère.

L'unité aérienne du LAPD

12h30, nous arrivons dans un grand entrepôt qui sert pour tous les services municipaux de la ville de Los Angeles. Maxwell se gare et monte avec nous dans les bureaux de l'unité aérienne de la LAPD. L'excitation est au rendez-vous. Nous prenons un escalier sécurisé et nous arrivons à l'accueil. Maxwell en profite pour s'éclipser. Un pilote en uniforme de vol nous accueille et nous fait entrer dans la salle d'attente. C'est simple, c'est la salle d'attente la plus cool que j'ai eu la chance de voir. Des sièges d'avions 1ère classe en cuir bleu sont disposés tout le long des murs. Le pilote nous demande de patienter en nous invitant à nous asseoir quelques minutes et nous offre une bouteille d'eau fraîche. Nous en profitons pour lui remettre, à lui aussi, une bouteille de vin rouge français ainsi que des écussons de la Police Française. Il est ravi. La pièce est dingue. Un bureau avec les écussons de tous les collègues du monde entier qui sont passés ici. Des photos des pilotes accrochés au mur. Quelques photos dans les sièges en mode "Top Gun"... Un instructeur arrive dans la pièce et nous salue avec un grand smile. C'est reparti pour signer une décharge. L'instructeur nous explique les consignes de sécurité, puis nous passons à la pesée. Après quelques minutes d'échanges avec lui, l'instructeur laisse sa place à notre pilote, Rodriguez, un ancien militaire. 

Il va commencer par nous faire faire le tour des installations. La salle de commandement, la tour de contrôle, le hangar où ils mangent, la salle de cours dans laquelle, d'ailleurs, les pilotes des pompiers sont aussi formés, et enfin, la salle de sport. Et pour finir, le toit où sont entreposés les appareils de l'unité. En tout ils ont 19 hélicoptères et 1 avion pour 40 pilotes. Rodriguez nous explique que 2 appareils volent en permanence dans le ciel de Los Angeles, soit en patrouille, soit en soutien des unités au sol. Et ils sont voyant. Surtout de nuit.

 Ca y est, c'est l'heure. Nous voilà devant l'appareil sérigraphié "Police de Los Angeles". Nous montons et enfilons notre casque. Un sac nous est alors remis, dans le cas ou une envie de vomir nous prendrait; et, croyez-moi, Rodriguez fera tout pour que cela arrive. L'hélicoptère décolle. C'est parti pour le survol de la ville de Los Angeles, pendant 40 minutes. Toujours avec le sourire, Rodriguez nous dévoile les secrets de L.A... à quelle star appartient cette Villa, quelle équipe joue dans ce stade, les lettres d'Hollywood dans les collines, les studios d'Universal (que nous allions visiter le lendemain). Un petit tour sur les côtes et il était déjà l'heure de rentrer. Moment amusant lorsque, survolant un campus, Rodriguez actionne les sirènes pour dire "bonjour" aux étudiants. Sur le retour, le pilote a voulu nous montrer tout le potentiel de l'appareil; je le maudit encore aujourd'hui. Gauche, droite, appareil parallèle au sol, montée en flèche pour descendre en piqué et créer ainsi de l'apesanteur... Bref... Nous atterrissons sur la piste. Mais... quel pied!

Comment remercier ce pilote, cette unité, la Police de la LAPD pour cette journée. Impossible.

A notre descente, Maxwell est là. Au moment de le quitter, nous lui remettons, à lui aussi, une bouteille de vin rouge, et des écussons de la Police Française.

A n'en pas douter, une journée dont, tous les trois nous souviendrons un long moment.