Elections présidentielles: quelle sécurité pour les candidats?

Dans quatre semaines, à cette même date, aura été élu le 8ème Président de la République française siégeant sous la 5ème République. Ils sont onze candidats à avoir satisfait aux règles permettant de pouvoir se présenter à cette élection et donc avoir les 500 signatures de "grands électeurs" nécessaires.

Aussi, je me suis collé (je vous assure que c'est le cas), à l'exercice consistant récolter les idées de chacun en matière de sécurité. A travers les différents programmes, on trouve de tout, et c'est assez normal. Je passerai rapidement sur le vide des programmes de Nathalie Arthaud et Philippe Poulou, chez lesquels l'on ne trouve pas les termes "sécurité", alors que, pour la première, on parle tout de même de "souffrance animale" ou de "sport". A croire que la sécurité est donc reléguée encore plus loin que ces thématiques (qui ont, bien entendu, toute leur place dans un programme). C'est dire la considération pour les quelques 200.000 fonctionnaires de police ou de gendarmerie qui œuvrent toute l'année.

Au détour des programmes au sein desquels la sécurité est une thématique susceptible d’intéresser les électeurs, il y a, au delà des orientations générales, des programmes qui sont plus ou moins étoffés en la matière.

Les orientations

Difficile de parler d'orientation pour ce qui concerne les candidats se trouvant au "second plan", leur programme en la matière étant léger, et loin de laisser apparaitre la vision qu'ils ont de la sécurité en France, ou de l'usage des forces de sécurité, si ce n'est dire que "celui-là a plutôt une vision de droite, et celui-ci "de gauche". Aussi, ne retiendrais-je que ce que j'ai pu déceler chez les principaux candidats.

Assez peu de surprise, puisque l'on connait très bien les orientations générales de chaque candidat. Le programme de Benoit Hamon, en matière de sécurité, est tourné vers la notion de proximité, tout comme celui de Jean-Luc Mélenchon chez lequel je perçois tout de même bien plus de défiance vis à vis de la police. Démantèlement des BAC, suppression des tazer et flashball sont des mesures précises ne laissant planer aucun doute sur l'idée que se fait le candidat de la police. Normalement, la prochaine proposition viserait à ce que les policiers soient équipés d'une arme factice, en peluche, pour patrouiller... bref.

Dans ce qui peut apparaitre de plus au centre, il y a donc Emmanuel Macron. Dans ce domaine, comme dans les autres, il pioche un peu de chaque coté. Des idées dites "de gauche", comme la police de proximité, ou la dépénalisation du cannabis, mais également certaines mesures considérées comme "de droite", comme la mesure d'éloignement que pourrait décider un policier sous contrôle du juge. A noter, en ce qui concerne l'ancien ministre de l'économie que, selon lui, la police a trois missions, je cite "le renseignement, l'intervention et la sécurité publique". De fait, l'investigation est totalement absente alors même qu'elle peut être une résultante de chacune de ces missions naturelles de police. Bref.

A droite, l'on a donc François Fillon et Marine Le Pen. Le programme "sécurité" de cette dernière se trouve finalement être très axé sur la justice et les peines. Pour résumer le fond de la pensée, il s'agit de "contourner" les décisions de justice actuelles en imposant des automaticités; lesquels vont, il me semble, bien plus loin que les peines planchers que prône François Fillon. Notons simplement, pour réunir ces deux candidats qu'ils n'ont, ni l'un ni l'autre, confiance dans les institutions desquelles ils se proposent d'être garants. Et, sans même parler du fond de leurs programmes, cela m'apparait une réelle difficulté.

Les propositions

Le point commun à tous les candidats? Le terrorisme. Pour la plupart d'entre eux, il s'agit de réformer le renseignement. Certains parlent de revenir sur la fusion RG/DST (JL Mélenchon), d'autres, à l'instar de François Fillon, de déchéance de nationalité et d'interdiction de retour, sur le territoire, de ceux partis combattre pour une puissance étrangère. Jean-Luc Mélenchon, le candidat de "la France insoumise" évoque également la fin de l'opération "Sentinelle", alors que Jacques Cheminade souhaiterait créer un centre de lutte antiterroriste, et intégrer la gendarmerie nationale dans le "1er cercle du renseignement".

Le recrutement est un axe très présent pour de nombreux candidats. Emmanuel Macron propose un recrutement de 10.000 policiers et gendarmes, alors que Benoit Hamon et François Fillon n'en proposent que 5000. Alors-même, faut-il le rappeler, que ce dernier était premier ministre d'un gouvernement qui a supprimé 15000 emplois dans la gendarmerie ou la Police Nationale! No comment. C'est Marine Le Pen qui embauche le plus, puisqu'elle prône le recrutement de 15000 policiers et gendarmes. De son coté, Jean-Luc Mélenchon se distingue, puisqu'il souhaite recruter 5000 administratifs qui permettraient de remplacer des policiers qui retrouveraient le terrain, en plus de 3000 actifs en plus. Le recrutement d'administratifs est d'ailleurs une idée qu’il partage avec Nicolas Dupont-Aignan. Qui dit recrutement dit formation, et c'est Jean-Luc Mélenchon qui va le plus loin, puisqu'il souhaite porter à deux ans la formation des gardiens de la Paix qui est actuellement d'une année, voir 10 mois depuis les attentats). JLM souhaite également supprimer les Adjoints de Sécurité, lesquels seraient reversés, pour ceux qui le veulent, sur des emplois de gardiens de la paix. Emmanuel Macron prévoit de son coté l'ouverture d'une "Académie de Police", ainsi que deux nouvelles écoles de police d'une capacité de 1000 et 500 élèves. Dans le contenu, il prône une "formation au dialogue, à la gestion des situations de conflits".

Les moyens matériels sont également un pôle rassemblant de nombreux candidats. François Fillon pense à faire voter une "loi de programmation et de modernisation", mettant à disposition 1 milliard d'euro, sur le quinquennat, en direction de la modernisation des moyens mobiliers, informatiques, automobiles mais aussi immobiliers. Jean-Luc Mélenchon parle, lui "d’amélioration des moyens matériels, de rénovation". Cette "rubrique" des moyens est une des rares entrées de François Asselineau, qui, parlant de sécurité, propose un "plan quinquennal de redressement des moyens", portant le budget de la police et de la gendarmerie à "20 milliards d'euro". L'autre point qu'il évoque est, de manière très claire, le retour de la Gendarmerie Nationale dans le giron du Ministère de la Défense. Bref, aucune proposition concrète non plus, pour la sécurité, du coté de François Asselineau. Emmanuel Macron, dans ce volet "terrorisme", prône une "amélioration du renseignement, intérieur et extérieur".

L'autre point de rencontre entre plusieurs candidats réside dans l'idée même de la mission de police; ils sont trois, Benoit Hamon, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon à prôner le retour de la Police de Proximité (voir ici, l'interview de Jean-Pierre Havrin, qui nous parle de ce retour de la "PolProx"). Les deux candidats les plus "à gauche" vont plus loin, et sont désireux d'instaurer le récépissé de contrôle d'identité. Benoit Hamon souhaitant dans ce cadre "préserver l'anonymat des agents, sans alourdir leur charge de travail". Mon petit mot personnel... c'est, par définition, un alourdissement de la charge de travail! Après, c'est un choix politique. On l'assume, ou pas. Avec les conséquences. Pour autant, le candidat socialiste est le seul à penser privilégier ceux qui travaillent dans ces zones prioritaires, en parlant de prime pour les inciter à travailler et demeurer sur ces secteurs. Mais sait-il que ce genre de prime existe déjà? Mais qu'elles n'ont pas vocation à suffire en tant que telles !

Ils sont également deux candidats à proposer une dépénalisation de l'usage du cannabis, infraction qui serait dorénavant contraventionnelle: Emmanuel Macron et Francois Fillon, lequelse rapproche également de cela, à la différence près qu'il semble plus large dans le catalogue, puisqu'il parle des "délits du quotidien" qu'il souhaite voir transformés en contraventions avec paiement immédiat ou entrainant une "retenue sur prestations sociales". Jean-Luc Mélenchon va plus loin, souhaitant la légalisation du cannabis.

Il est également question de rapprochement des forces de police. Notamment, chez François Fillon, lequel envisage à la fois un armement de toutes les police municipales, mais également un partage des fréquences radio entre une police municipale et la force (police ou gendarmerie) étatique. Jean-Luc Mélenchon va, lui, jusqu'à parler de la création d'un corps constitué chargé de rapprocher, mutualiser, les moyens de la police nationale, de la gendarmerie, et des polices municipales.

Il y a les propositions que l'on peut qualifier de - pour le moins - surprenantes. Je pense, notamment, à l'idée de Nicolas Dupont-Aignan, lequel souhaite le retour des "voltigeurs", ces unités à moto chargées d'intervenir rapidement. Je classe également dans cette catégorie la mesure qui, pour Emmanuel Macron, consisterait à un éloignement, que pourrait décider un policier (sous contrôle d'un juge), des individus "générateurs de troubles". Et il y a également celles qui donnent une nouvelle orientation "générale", comme, encore une fois le candidat en marche, qui souhaite "déconcentrer les responsabilités", ce qui permettrait, selon lui, de régler plus facilement certaines problématiques locales.

Enfin, en terme d'organisation générale de la Police, Jean-luc Mélenchon souhaite que l'action policière soit évaluée par les citoyens, les élus ainsi que les acteurs de terrain, plutôt que par, dit-il "la statistique ne servant qu'à calculer les primes pour la hiérarchie". A coté de cela, il envisage la mise en place d'une instance chargée de statuer lors d'une accusation pour "faute grave" commise par un policier, mais aussi donner le statut de Directeur Adjoint de la Police Nationale au Directeur de l'IGPN. Emmanuel Macron souhaite, de son coté, la signature de contrats locaux de sécurité, mais au niveau des "quartiers" plutôt que des communes. Enfin, ce dernier évoque la mise en place d'un "débat national, via des états généraux de la sécurité et la sureté intérieure".

Enfin, un dernier petit mot pour la matière dans laquelle j'exerce, le judiciaire. Rien, dans les programmes, n'en parle. Si ce n'est une mesurette qui consisterait à ne plus retranscrire les auditions, s'agissant dès lors de n'en faire que des procès-verbaux de synthèse. Cette proposition est reprise, à la fois par Emmanuel Macron et François Fillon. De son coté, Jean-Luc Mélenchon souhaite renforcer les services traitant de la délinquance financière. En dehors de cela... le vide sidéral.

En finalité, il y a fort à parier que notre prochain président soit un "on" (Macron, Hamon, Mélenchon, Fillon); pourvu qu'on ne soit pas pris pour des ****... mais il se peut aussi que son nom finisse en "aine", mais là, j'avoue, ça me file la migraine.

Vous pouvez retrouver l'intégralité des propositions, par thématique, de chaque candidat, sur le site du journal "Le parisien" ou "Le Monde".

PS à l'attention de Mr Cheminade qui n'a pour seule proposition que de "regler les millions d'heures supplémentaires dues aux policiers"... je prépare un voyage, très prochainement... s'il pouvait accélérer le règlement. merci. RIB en pièce jointe.

PS 2 à Mr Lasssalle: je ne postule pas pour l'un des 2000 bureaux de police qu'il souhaite ouvrir dans les villes ou petits bourgs; je laisse la place de Sherif et l'étoile qui va avec