Une minute de silence... Pas la première. Ni la dernière !

C'était il y a tout juste un mois... tout juste un trentaine de jours... Presque hier, finalement! Entre les deux, une compétition sportive. Frivole, me direz-vous. C'est vrai.

Je me suis retrouvé à nouveau, ce lundi, dans cette cour du 36 quai des Orfèvres, siège de la police judiciaire parisienne. A nouveau pour rendre hommage à des victimes. A nouveau le terrorisme a frappé. Cette fois-ci, plus de 80 morts, à Nice.

Ce soir-là, sur la promenade, régnait encore tant d'insouciance. Des familles venues voir un feu d'artifice. Ce que nous faisons tous, ou beaucoup, pour émerveiller les yeux de nos enfants qui aiment tant cela. Le son, les lumières... alors quand, en plus, on peut y ajouter la sérénité de nos vacances, ce moment où l'on est censé recharger les batteries, avant d'entamer une nouvelle rentrée scolaire. Comment ne pas s'imaginer à la place de ces gens, et se dire "j'aurais pu y être" ! Que ce soit Nice ou ailleurs, peu importe, le terrorisme nous montre qu'il peut frapper partout. Et peu importe qu'il soit, ou non, lié, de manière officielle, à quelque groupe armé qu'il soit. Les fous sont assez fous, trouvent suffisamment de haine, de violence, de motivation pour agir tous seuls. Avec très peu de moyens; on l'a vu, un véhicule suffit. donc, à la portée de tous.

Le silence, la pensée

Ce sont ces images, qui défilent... celles que l'on imagine, du bonheur, de la foule, émerveillée devant ces éclats de lumière, au pied des vagues de la méditerranée . Et puis, s'incrustent alors celles des chaines d'info en continue. Des hommes, des femmes, allongées... morts. D'autres, dans la panique, qui courent pour fuir l'horreur. Ces draps qui recouvrent ensuite les corps. Ces gens qui cherchent leurs proches. D'autres qui les pleurent déjà.

Et c'est ainsi une minute durant... voir plus..; une minute de recueillement. Une minute qui en dure cinq, ou peut-être plus. Entre le moment où les gens arrivent, dans cette grande cour, vide... tout le monde regarde dans le vide, ou au sol... Il n'y a pas eu, cette fois-ci, de lecture, pas de message officiel émanant du ministère. Le directeur s'est chargée lui-même de remettre ces quelques instants dans leur contexte. C'est aux tintement des cloches de Notre Dame que le temps s'est égrené, lentement. Ce temps de recueillement, que l'on vit à chaque attentat ou à chaque fois qu'un policier décède, me parait toujours aussi long. Triste, bien sur, nécessaire, évidemment. Mais interminable, pour n'être en réalité que soixante secondes.

Au final, pour ces milliers de gens, ce qui devait être un moment de bonheur s'est transformé en drame.Pour des centaines de familles, un monde qui s'écroule, et c'est une image. Quoique ! Ne s'agit-il réellement que d'une image? De moins en moins! Les attentats se succèdent! Principalement dans les pays du moyen orient, mais en fait dans plusieurs parties du monde. Pas un jour d'information sans dénombrer des victimes. Alors on s'émeut. Toujours... peut-être juste plus ou moins fort, selon la distance qui nous sépare de l'horreur. Est-ce bien? Probablement que non! Est-ce humain? oui, probablement aussi!

Une fois de plus... une fois encore, des fous se proclamant d'une idéologie, en viennent à faire parler d'eux. A semer le chaos autour d'eux. A semer l'horreur. A terroriser. L'objectif est atteint. Il n'y a qu'à voir cette séquence de flou. Dès l'annonce du drame, on parle d'un attentat islamiste. Le conducteur est tunisien. C'est comme ça, cela ne peut être que terroriste. Et puis, les heures passent... plus trop de nouvelles de l'enquête, pas de revendication de l'Etat Islamique. On se demande alors si l'on n'est pas allé un peu vite en besogne, en pointant du doigt un énnemi trop facile à pointer du doigt. Survient alors ce fantôme, ce mot "racisme" dont on, à juste raison, si peur! Et puis, finalement, non... l'enquête suit son cours et nous apporte des éléments. Pas de quoi nous rassurer sur l'acte terroriste; mais au moins de quoi rassurer nos consciences. C'est bien l'EI qui a revendiqué l'attentat; même avec du retard.

C'est un fait, chaque attentat qui se déroule sur notre sol ne fait que diviser encore plus. Est-ce évitable? Je n'en ai pas l'impression. La classe politique est aussi divisée que la population, c'est un fait. Triste, mais bien réel. Que faire?

Qui sait quoi faire?

C'est probablement ce qu'il y a de plus dur à encaisser... le fait de se dire, comme nous le martèle le chef du gouvernement, qu'il y aura d'autres victimes, encore. Que ce n'est, de fait, pas la dernière fois que je me retrouverai dans cette cour, le regard dans le vide, hagard!

Et la classe politique, alors prompte, en pareilles circonstances, à une sorte d'unité nationale, qui s'éclate très rapidement. Les élus PACA, Christian Estrosi et Eric Ciotti en tête, et une opposition vent debout, qui réclame de nouvelles initiatives, quitte à s'éloigner du droit pour aller vers les mesures administratives, avec des actions coercitives "de prévention". Une majorité qui, probablement, se fissure encore plus. Qui aimerait pouvoir tenir sur ce qui a déjà été fait, qui affirme agir encore plus sur les terrains d'affrontement, mais se retrouve avec une l'obligation d'agir encore, maintenant. Forcément, qu'il est humainement difficile d'être attentiste, que de se dire qu'on reverra encore des scènes d'attentat; qu'il s'agisse d'actes individuels accomplis au nom de l'idéologie des fous, ou qu'ils soient directement commandités! Cette fatalité que l'esprit humain ne peut accepter tant il est facile de se dire qu'un jour l'on pourrait être, chacun, directement atteint!

L'ancienne garde des sceaux, Christiane Taubira, dans un tweet, écrivait "Nous n'avons plus de mots. Nous sommes simplement armés d'une certitude : nous sommes les plus forts". Allez dire cela à ceux qui sont morts, à ces centaines de familles endeuillées, à jamais traumatisées, à ces vies brisées!

Et lorsque je lis cet article, je m’inquiète. C'est bien le signe qu'il faut agir. A la fois sur plusieurs tempo, mais aussi sur des points géographiques différents. Il faut des mesures immédiates, et d'autres qui devront donner des résultats à moyen et long terme. Il faut agir, à la fois sur les terrains d'affrontement, et empêcher que l'idéologie ne se diffuse encore plus, empêcher que les rangs des terroristes ne puissent être encore grossis. Mais il faut aussi, et surtout agir ici, auprès de nos enfants, adolescents, dont la pensée est facilement corruptible, dans un monde où ils ont désormais accès, facilement, à toutes les images, tous les discours, aussi violents soient-ils.

Ce qu'il faut préparer, et c'est le rôle de nos gouvernants, c'est un plan, à la fois pluridisciplinaire, mais aussi pluriannuel, de grande envergure. Avec des moyens conséquents. Des moyens, on le répète, principalement pour la justice.

Certes, lorsque l'on pense justice, on pense aux magistrats:

  • qu'ils puissent se concentrer sur moins de dossiers
  • qu'il faut renforcer pour, par exemple, former des équipes et, pourquoi pas, déléguer sous conditions, une partie du travail

ou encore aux prisons

  • à taille humaine
  • où les regroupements se font par typologie d'infraction, ou profilés selon les "cv" de chacun
  • où l'on ne mélange pas les condamnés et les détentions provisoires, ni les primo-déliquants et les multirécidivistes
  • où l'on peut revoir, à la fois les conditions d'incarcération, mais aussi celles de réinsertion

Et là, on se dirige vers des métiers moins connus de la justice, puisqu'il s'agit alors de contrôler l'effectivité de cette réinsertion. C'est le rôle (entre autre) des services de probation, qu'il faut drastiquement renforcer. Mais lorsque l'on parle de nécessité de moyens, on parle aussi des associations, telle que l'APCARS ou encore la Protection Judiciaire de la Jeunesse, ces services qui sont aujourd'hui bien démunis pour remplir correctement leur mission. Je pense, bien naturellement, aussi aux forces de l'ordre; la police, la gendarmerie... Peut-être est-ce le moment, comme je l'ai suggéré, d'aller plus loin encore dans le rapprochement? Peut-être faut-il aller plus loin que la mutualisation de certains moyens? Il y a matière à une grande réflexion.

Ensuite, c'est aussi dans les écoles, qu'il faut agir. Aller au-delà des simples enseignements de matières générales qui préparent aux grandes études, à l'apprentissage! Déceler les cas d'élèves problématiques, puisque c'est encore ici, dans des établissements de la République, qu'on a un visuel sur notre société et son devenir. Et, une fois les cas potentiellement problématiques décelés, il faut agir, y compris auprès des familles. Soit parce qu'elles sont dépassées, en échec et donc en abandon, il s'agit alors d'une aide structurelle, sur l'éducation, les valeurs, la famille, soit parce qu'elles ont vacillées dans leur idéologie, et l'on touche alors le pénal.

Les seules mesures draconiennes, sans vision à long terme, ne pourront suffire à enrayer le phénomène que l'on connait! Et enfermer les gens, administrativement, ne parait pas sans risque! Notamment celui d'avoir un effet finalement inverse au but recherché, et donc de radicaliser encore plus de gens! Sans même parler des durées d'incarcération, des contrôles, etc...

Ne pas agir à court et moyen terme revient, à mon avis, à laisser le champ libre, sans même qu'ils n'aient quoi que ce soit à faire, aux extrêmes de tous bords. La haine engendre la haine. L’extrémisme islamiste fait monter l’extrémisme raciste, et c'est le but, même pas caché! L'un fait monter l'autre. Il nous faut absolument maintenir le bateau à la surface. Ne pas faire cela revient à oublier les leçons de l'histoire, en nous ramenant à un passé encore douloureux. Tout en nous promettant des lendemains, non seulement austères, mais bien plus inquiétants que ce que nous connaissons. Je pense les mots bien forts, n'osant les prononcer.

J'en ai bien conscience. Ces quelques lignes sont teintées d'un "y'a qu'à, faut qu'on"... je ne le sais que trop bien. Et pourtant, j'ai cette sensation qu'aucune vision globale, à la fois sur le présent, mais aussi sur l'avenir, ne se dessine. Pas même dans les esprits. C'est dire le chemin à parcourir pour voir des mesures concrètes arriver.