L'affiche de la discorde

Le 19 Avril dernier, Maitena Biraben recevait, une fois n'est pas coutume, sur le plateau de son émission "Le Grand Journal", deux syndicalistes policiers, Jean-Claude Delage (Alliance Police-Nationale), et Antony Caille (CGT-Police).

A l’origine de ce plateau, l'affiche de la CGT, opposant la police dans sa vocation de protection des citoyens, et les violences, faisant donc directement référence aux dernières manifestations ayant vu des affrontements avec les forces de l'ordre.

La position intenable de la section "police" de la CGT

Pour rappel, voici les chiffres de la représentativité des syndicats de police (Corps d'Encadrement et d'Application) à l'issue des élections professionnelles de 2014, pour le Comité Technique Ministériel:

  • Alliance Police-Nationale: 33.75% (6 sièges)
  • FSMI - FO (Unité SGP-police): 32% (6 sièges)
  • UNSA Police: 112.92% (2 sièges)
  • CFDT: 10.14% (1 siège)

Viennent ensuite les instances qui ne pourront siéger:

  • CGT 3.39%
  • FPIP: 3.35%
  • France Police: 09.95%
  • CFTC: 1.06% ...

Il faut bien le dire, Antony Caille a là une position intenable. Il me semble que la vocation première d'un syndicat demeure la défense des intérêts de ses adhérents, qui se reconnaissant dans la ligne globale de ses actions. Les défendre dans le cadre de leur carrière, pour faire face à l'administration, mais aussi en terme d'image, puisque, à ce jour, les syndicats sont les seuls communicants sur le sujet. Et c'est bien dommage que le Ministère ne joue pas ce rôle. Mais c'est un autre débat.

Et il se trouve là, coincé entre le marteau (jusque là, ça parait normal, pour la CGT) et l'enclume. Et la séquence le montre très bien. Cela ne figure pas sur le montage fait par la chaine cryptée, mais le représentant syndical attend en coulisses, plusieurs minutes, téléphone à la main, le feu vert du Secrétaire National de la CGT pour rentrer sur le plateau. Probablement reçoit-il quelque instruction sur la ligne à adopter. Et il va devoir montrer une image par laquelle il ne dénigre pas les policiers, tout en évitant de dénigrer sa propre direction. D'ailleurs, on le voit bien, le contenu de sa communication est très limité, et l'on ne comprend pas trop où il veut en venir. A tel point que l'animatrice du talk show, le met en contradiction avec ses propres paroles, qu'il auraient tenues lorsqu'il s'agissait de préparer l'intervention, par téléphone. Alors, oui, il est désolé; c'est un coup de com de la section "presse", l'affiche a été publiée sans qu'il ne soit consulté. Toujours est-il que c'est fait. Mais...

Le coup de com...

Oui, la vocation première de cette affiche est de faire parler. Et c'est réussi, puisque cela fait plusieurs jours que tous les médias ont repris cette affiche.  Voilà plusieurs semaines que, jour après jour tout le monde a un avis, et semble devoir choisir un camp. Etre pour ou contre les policiers. Pour ou contre les manifestants. Et chacun, de son coté, fait sa sortie; Ceux qui aiment l'affiche, ceux qui la trouvent choquante. Et ceux qui trouvent cette affiche choquante seraient, par nature, puisque c'est une case qu'il faut absolument remplir, plus ou moins "soutiens" des violences policières illégitimes. C'est un raccourci, mais nombreux sont ceux qui le font.

Pourtant, cette affiche tend à stigmatiser un peu plus les policiers, à généraliser. Et c'est précisément ceux qui, toute l'année, parlent de stigmatisation qui, finalement, font de même.

En ce qui me concerne, je peux tout à fait sereinement dire que cette affiche me choque, puisque je peux tout à faire me sentir visé, comme mes 120.000 collègues. Mais je peux aussi dire que certaines interventions policières n'ont pas lieu d'être. Celles-ci, notamment celles parues dans les différents supports médias, feront  forcément l'objet d'enquêtes diligentées par l'IGPN. Et si ces violences s'avèrent effectivement illégitimes, elles seront sanctionnées. Il me semble que l'on peut se désoler qu'il y ait des blessés, de quelque coté qu'ils soient.

Les manifestations qui se déroulent aujourd'hui dans le pays sont vraisemblablement autorisées (alors-même que nous sommes toujours en Etat d'Urgence), et font réactions à des problématiques et divergences sociétales importantes. Pourtant, force est de constater qu'à chaque fin de défilé, l'on retrouve des mouvements qui sont bien plus présents pour aller à l'affrontement avec les forces de l'ordre que pour parler du projet de loi "travail". Et, à partir du moment où les CRS ou gendarmes mobiles commencent à essuyer des jets de projectiles, il n'y a plus rien de normal, et l'on n'est alors plus dans le cadre d'une manifestation autorisée.

Enfin, à titre personnel, je trouve dommage que certains aient tant d'appétit à parler de violences policières qui seraient illégitimes, et que, à l'inverse, lorsque l'on voit des images de policiers blessés, à terre, le silence en devienne assourdissant. On a alors la sensation de se retrouver dans une communication qui ne pourra qu'être stérile, puisque basée par une pure idéologie, sans aucun recul.

Et pourtant, si justement, on prend ce recul nécessaire, l'on s'aperçoit que la police fait, en ce moment, office de bouclier. Précisément, pendant qu'on la critique, qu'on la brocarde, on ne parle pas d'autre chose.