Avion

Avion. © Eve Omel, 2015

Avion. © Eve Omel, 2015

Carapateuse dans la nuit

Ce soir j'ai trouvé l'enfant dans mon lit. Il lui arrive de filer en douce de sa chambre avec la "peluche anti-cauchemar" et ses propres oreillers et de s'installer dans mon lit pour s'endormir. Elle sait de toute façon qu'elle ne risque aucune remontrance jusqu'au lendemain matin, elle sait que je ne vais pas la réveiller, que je vais la porter jusqu'à son lit, qu'elle ne s'en apercevra même pas, et quand bien même, la peur aura disparu depuis longtemps.

Grande frayeur

Ce soir, elle m'a rappelée une fois après l'extinction des feux: elle avait peur pour son père qui arrive ce weekend. Ça a été la bonne nouvelle d'hier au soir pourtant, une visite surprise de son père adoré, elle sautait de joie! Et ce soir la peur "qu'il arrive quelque chose à Papa", comme si la joie était trop grande et l'attente jusqu'à samedi encore plus grande, tellement grandes ces émotions que c’en est presque trop. "maman, j'ai envie de pleurer." Ben alors quoi dire quoi faire, hein... Cette enfant se fait peur toute seule, il faut la prendre dans mes bras.

Elle m'explique qu'elle a peur que l'avion de son père tombe. A-t-elle entendu parler par Radio-récré du crash de l'avion allemand dans les Alpes du Sud? Peut-être bien que oui, mais je préfère ne pas lui en parler car aussi bien elle a pensé "avion" toute seule dans sa petite tête, après tout c'est possible aussi. En tout cas, avec cette grève qui dure qui dure à Radio France, c'est pas chez nous qu'elle a pu entendre parler de quoi que ce soit. Je lui dis que les accidents d'avion sont  très rares, beaucoup plus rares que les accidents de voiture par exemple, qu'il ne faut pas qu'elle s'inquiète. C'est visiblement raté parce que la voilà carapatée avec son barda des nuits pas tranquilles.

Écholalie

Cet avion qui s'est crashé, c'est étrange, il s'est crashé exactement là où nous avons passé des vacances l'été dernier. Tout à fait près. Nous avons marché dans ces montagnes à la recherche d’œuvres Land Art installées là, sur les pentes des combes. Dans les hauteurs de Prads-Haute-Bléone, si c'est pas un nom de bled parfait, ça, n'est-ce pas? Eh bien tout à coup, dans ce bout du bout du monde qu'est Prads-Haute-Bléone (on ne peut pas aller plus loin, je veux dire que la route s'arrête là), voila cet A320 et ses âmes perdues qui se défait.

Aussi bien ma fille a entendu "Prads-Haute-Bléone" comme moi et depuis elle a mouliné tout ça à la sauce salsa avec son père au milieu. Je ne sais plus rien, je pense à tous les morts de l'avion et au paradis qu'est Prads-Haute-Bléone (c'est exprès, Prads-Haute-Bléone, appliquez-vous sur l'écholalie s'il vous plait.)