Mères, quoi qu'il en coûte.

Complexe du kangourou. © Eve Omel, 2015

Le Complexe du kangourou

Les vacances, que voulez-vous, c'est drôlement bien mais ça vous met en retard sur à peu près tout. Et notamment sur ce que j'avais prévu d'écrire à propos d'un beau documentaire qui est passé sur Arte le 20 février dernier, Le Complexe du kangourou de Sarah Moon Howe. Sarah Moon Howe est mère d'un enfant handicapé. Elle a voulu filmer quatre relations mère-enfant handicapé pour, dit-elle, se donner du courage et peut-être passer le cap à la fois douloureux et salvateur de la séparation avec l'enfant non-autonome. Ici le trailer du film.

Or donc on se plaindrait d'élever seul-e nos gosses?

Resaisissons-nous car nous avons la vie si facile à côté de ces quatre femmes solo qui veillent sur leurs enfants trop fragiles.

Et l'enfant qui ne marche pas, qui ne parle pas ou qui pose à l'infini les mêmes questions, cet enfant que vous élevez malgré tout dans l'amour, par amour, Mesdames, semble bien vous le rendre au centuple par le simple fait de vous sourire en retour. C'est étrangement beau, la complicité évidente dans les temps calmes, les modes de canalisations que vous avez mis en place pour palier aux crises, aux peurs, aux regards extérieurs.

Quatre femmes bien décidées

Bien décidées à faire le meilleur pour leurs enfants au détriment d'une vie, déformée ou différente:

Pour l'une, Cécile, l'institution qui permet d'aller travailler et d'assurer un cadre de vie confortable avec un enfant adulte, Pierre, qui va volontiers à l'école, qui blague sur son père, qui aime les bracelets aux poignets de sa mère.

Pour une autre, Flora, la préparation à l'institution et donc à la séparation, avec la confection de rideaux pour la nouvelle chambre d'Anaïs, un calendrier égrainé par la mère et la fille pour rappeler que l'enfant s'en va bientôt; la mère peut-être plus soucieuse encore que l'enfant qui est si coquette.

Pour Coruja, l'aménagement des loisirs en fonction de l'impossibilité qu'a Mandela à supporter la présence d'autres humains autour de lui: les promenades désertes en forêt ou au musée montrent pourtant un adolescent en forme, qui rit, qui court, et que tout semble intéresser.

Et puis Lena à l'autre bout du monde, là où l'institution coûte sans doute trop cher pour pouvoir l'envisager. Lena qui attend un peu d'argent pour pouvoir prodiguer des soins réconfortants à son fils Volodia, 20 ans.Lena qui n'a pas d'autre choix que de laisser son enfant devant la télévision le temps de courir gagner trois sous.

Vos univers sont mystérieusement beaux, Mesdames, même si l'on imagine bien toutes les douleurs qui ne sont pas montrées dans ce documentaire: elles ne regardent que vous, et il faut rendre grâce à la réalisatrice de les avoir respectées. Mystérieusement beaux car le handicap quel qu'il soit crée un genre d'univers parallèle qui reste hermétique aux yeux du plus grand nombre d'entre nous. Vous vivez dans cette étrangeté qui pourrait bien, in fine, si vous ne veilliez pas chaque jour à la gommer sans cesse, devenir votre norme.

Les parents solos que nous sommes (des mères seules à 85% en France selon l'insee) pouvons sans doute toucher du doigt l'effort immense déployé pour le meilleur de l'enfant, effort que vous réussissez à sublimer en gardant les pieds sur terre. Chapeau bas, Mesdames.