La Danseuse de Stephanie di Giusto : un film révisionniste.

 

Jeudi 8 septembre, deux filles assistaient à l'UGC de Lille à l'avant-première du film de Stéphanie di Giusto, La Danseuse. L'une d'entre elles a livré aujourd'hui sa recension du film et la teneur de ses échanges avec la réalisatrice lors du débat qui a suivi la projection. Son témoignage est très intéressant, on s'y reportera ici.

Pour ce qui est du film, elle le résume ainsi, je cite l'auteure, Aude Fonvieille : " Un vrai couple (Loïe-Gabrielle) invisibilisé, une relation hétérosexuelle plaquée artificiellement, et une scène d’humiliation lesbophobe. La danseuse, championne toute catégorie du bingo de l’hétérosexisme. "

Arrive le moment de débattre ; Aude Fonvieille interpelle la réalisatrice et s'étonne de cette invisibilisation de la relation amoureuse entre Loïe Fuller (incarnée par Soko) et Gabrielle Bloch (incarnée par Mélanie Thierry). La réalisatrice la prend de haut, s'agace (on passera sur l'argument choc asséné par Stéphanie di Giusto, croyant la bailler belle en rappelant que Loïe Fuller était mariée ; être lesbienne et se coltiner un époux ne sont pas incompatibles, j'en ai parlé ici ), revendique sa "liberté d'artiste" et enfin, provoquant les gloussements de la salle, lâche l'ultime estocade : « L’idée n’était pas de faire la vie d'Adèle."

"Ne pas faire la vie d'Adèle"  ; l'anathème est lancé. L'expression est devenue synonyme de "ne pas faire un film de gouines un tantinet porno." Comme si filmer l'amour entre deux femmes, c'était forcément verser dans le cinéma de genre : juste après les westerns et les films de gladiateurs, il y aurait les films de lesbiennes. Un genre à part, avec ses spécificités et ses bizarreries : deux femmes se rencontrent, s'attendent, se désirent, baisent, rebaisent,  se manquent, se comprennent ou pas, se quittent ou non... C'est vrai que ça se passe vraiment pas comme dans les films d'amour.

Juste un truc : M'est avis que la liberté d'artiste de Stéphanie di Giusto s'arrête là où l'intérêt de ses producteurs commence. Quand on banque pour des artistes comme Soko, Lily-Rose Depp et Mélanie Thierry, faut bien rentabiliser la mise de départ. Toucher le grisbi du grand public. Et pour cela, il faut faire du grand public. Combien de fois ai-je entendu, dans la bouche de filles comme de garçons, ce type de phrases, assorties d'une moue un peu gênée : " Ouais j'sais pas, c'est pas des sujets qui m'intéressent" ou "ça m'intéresse pas trop les trucs des filles". Il suffit toutefois de taper le mot de "lesbienne" sur un moteur de recherche pour mesurer à quel point ce désintérêt est tout relatif : youporn propose plein de petits films charmants dans lesquels des filles aux ongles et aux cheveux très longs se font des trucs. Bref. Il n'empêche que faire grand public quand on est en France, c'est faire coucher une femme avec un homme, et sous-entendre "ses penchants" comme on dit,  la bissexualité signant dans l'imaginaire du vulgus pecum la sexualité intrépide des femmes audacieuses.

Pourquoi choisir de raconter la vie d'une danseuse de génie, pionnière et libre, si c'est pour la gauchir,  pour se la raconter mainstream ? La sexualité d'une femme, comme celle d'un homme, n'est pas anecdotique.

En attendant, je m'en vais boycotter le film. Et j'espère que nous serons nombreux et nombreuses à agir de la sorte, quelle que soit notre orientation sexuelle. Juste pour me marrer. Et faire regretter à ces pleutres révisionnistes les 2,5 millions d'entrées de La vie d'Adèle.