Le clito en 3 D fait sa rentrée des classes

En ce début d’année scolaire, deux bonnes nouvelles pour les élèves des cours de SVT : finies les dissections de pauvres bestioles un peu cracra, bienvenue à la manipulation du clito en plastique biodégradable, sorti tout droit, tout joli, tout rose, d’une imprimante 3D. Le premier modélisé à échelle réelle, idée géniale que l’on doit à la chercheuse et blogueuse Odile Fillod.

A force de faire comme s’il n’existait pas, « l’organe que pour le plaisir », organe iceberg dont la partie visible/palpable est minus en comparaison de la partie souterraine, se venge de sa mise à l’index. Les livres scolaires l’oublient encore ou le défigurent quand ils le réduisent à un point de l’appareil génital féminin. Un point de détail doté de 8000 terminaisons nerveuses, ultra excitable, c’est sûr que ça en énerve beaucoup qui préférerait qu’on l’ignore. Que feraient les messieurs de leur bi-bite si carillonner à la porte d’entrée suffisait à faire choir la bobinette ? Que feraient-ils si ces dames prenaient leur sexualité en main (À ce sujet, je suis à deux doigts de signaler le site de ce gynécologue obstétricien parisien dont le schéma hyper détaillé de "l'anatomie fonctionnelle de l'appareil génital féminin" omet le clito...)

Rien d’étonnant alors à ce que, selon un rapport sur l’éducation sexuelle remis en juin dernier dernier par le Haut Conseil à l’égalité (HCE), un quart des filles de 15 ans ignorent l’existence de cet organe hyperconnecté au cerveau, et que 83 % des collégiennes de 4e et de 3e ne sachent pas à quoi il sert. Vous me direz qu’à cet âge, ce type d’ignorance n’est pas alarmant, qu’elles ont bien le temps de découvrir tout ce bazar. Et je serais presque d’accord avec vous si dans le même temps les gamines sus-nommées ne savaient pas déjà (presque) tout sur le zizi, au repos, pas au repos, dans la main, dans la bouche… C’est pas un peu ballot quand même de mieux connaître l'anatomie de ses copains de classe que la sienne ?

Grâce soit donc rendue à Odile Fillod, les concernées et les intéressé-e-s vont enfin tout savoir sur le clitoris. Quel gueule il a, où il se niche mais aussi à quoi il sert. Une entrée en matière apéritive, qui permettra, c’est à souhaiter, d’aborder la sexualité des êtres (inter)sexués de manière riche et humaniste.

Au passage, on pourra rappeler deux ou trois trucs :

- Que le sexe peut être une affaire de plaisir pour tous, pour le monsieur et pour la dame, et que les voies qui mènent à la jouissance ne sont pas toutes pénétrables.

- Que la sexualité n’est pas qu’une histoire d’enfilage. On pourra évoquer avec bonheur la diversité de la sexualité des femmes. Rendre aussi à la sexualité des femmes qui s’aiment entre elles leurs lèvres de noblesse tout en précisant que lesbienne ne rime pas toujours avec clitoridienne. Il y a des lesbiennes vaginales, anales, ventrales, dorsales… A une époque où l’on réduisait la lesbienne à un être sans vagin, contrainte à des frottements approximatifs et anodins, la linguiste Lucie Irigaray rappelait que la lesbienne avait des trous partout. Il se pourrait bien que ce soit le cas pour toutes les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle.

- Que si le clitoris et le pénis sont deux organes qui contiennent les mêmes types de tissus (corps caverneux et corps spongieux), ils fonctionnent alors de la même manière et jouent un rôle similaire dans le plaisir sexuel. Le clitoris se durcit, s’allonge, s’humidifie : en deux mots « il bande ». Le clitoris c’est l’organe qui dit « oui », l’organe du consentement. You see what I mean ?

Bon, faut pas trop rêver quand même, y en n'aura pas pour tous du clito en 3D. D’ici là que certains profs en blouse blanche exercent leur clause de conscience pour justifier qu’ils cantonnent leurs cours à la dissection de la grenouille décongelée...

De mon côté, j’attends avec une impatience frétillante qu’Odile Fillod façonne un modèle d'une prostate en 3D, libre de droit et téléchargeable en ligne. Histoire que les garçons ne découvrent pas son existence passée la cinquantaine.