Pour en finir avec 2015, « annus horribilis », 2016 sera l’année de la déradicalisation pour tous ou ne sera pas

Un papier paru dans Libération à la veille du Réveillon de Noël et signé de la plume élégante de Bernadette Sauvaget s’intéressait à l’adhésion massive des catholiques au Front national. Pour autant, a-t-on vu médiaitsée la présence de Marion Maréchal Le Pen ou de Marine Le Pen à la messe de Noël ? Il ne me semble pas (à moins que j’aie loupé un truc, déjà rassasiée de dinde)

En revanche, la twitteuse que je suis aurait pu se farcir, si elle l’avait voulu, un semaine avant ceux du président Hollande, à la date symbolique du 24 décembre, les vœux de Nicolas Sarkozy. Nicolas Sarkozy,  le chouchou de Jean-Marie le Pen, comme il l'a confié à Rivarol, l'hebdo à sa botte depuis toujours. Ce nain idéologique de Sarkozy - favorable à l’ouverture des magasins le dimanche, jour du Seigneur – qui a rappelé «  les racines chrétiennes de la France ».

Lutter contre l'intégrisme par l'intégrisme : la croix plutôt que le mariage pour tous et les plugs

"Les racines chrétiennes de la France" : le leitmotiv est dans l’air du temps. Au lendemain des attentats du 13 novembre paraissait dans le Figaro une tribune signée Le Plessis (c'est ici ), nom de code d’une phalange de hauts fonctionnaires entrés en résistance contre « l’islamisme en France ». En trois points et six axes à suivre pour éradiquer le mal, nos très hauts fonctionnaires, sur l’air de « Jésus revient » dressaient un constat terrible : L’Islam de France est confronté à la radicalisation de ses jeunes. Quoi d’étonnant / de détonnant dans « un pays à l’identité malheureuse », « qui a bien peu à offrir à des jeunes en quête de références » à l’exception de « centres commerciaux, de mariage homosexuel, de GPA et de plugs devant le ministère de la justice. »

L’article long, très détaillé, ne se réduisait pas à une charge contre certaines évolutions de notre société, charge sniffant à plein nez les revendications du « Mariage pour tous », charge venant à l’appui de la thèse de ces ayatollahs du christianisme : il faut « franciser l’islam », c’est-à-dire « réactiver le fond éthico-philosophique qui fait le soubassement de nos valeurs républicaines et qui est profondément chrétien ». Le collège Saint-Pierre à Bruxelles, où le terroriste Abdelhammid Abaaoud a passé un an entre 1999/2000 pourrait sans doute témoigner de l'efficacité de ce programme.

La messe est dite : on en a fait du chemin depuis que Jésus tendait l’autre joue à ses ennemis, et quand, du haut de sa croix enchristé, il demandait le pardon pour ses bourreaux. L’heure est venue de lutter contre la radicalisation de manière radicale, d’éradiquer l’intégrisme par l’intégrisme.

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La droite presque toute entière vendue à "La Manif pour Tous"

Que faut-il déplorer au juste ? La bascule des catholiques vers le FN, engagée au lendemain de Vatican II et aidée par Benoit XVI, ou plutôt la dernière tentation de la droite, qui, de conservatrice devient religieuse. Plus que de se lepéniser, la droite française se boutinise, s’américanise. Ses meilleurs disciples, ce sont les adhérent-e-s de "La Manif pour tous", dragué-e-s de manière obscène lors de la campagne des dernières régionales.

Si tantes et nièces, au soir du 13 décemdre, ont vu leur espoir de diriger des régions françaises s’envoler, leurs cousins germains ont sauvé l’honneur de la famille. A l’exception de Christian Estrosi, qui s’est fait porter pâle – il a sans doute attrapé froid quand il a retourné sa veste - , Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse ont accepté l’invitation de Ludovine de la Rochère, présidente de "LMPT" ; Marine Le Pen a décliné la soirée pyjama, préférant y envoyer un de ses barons lillois, Eric Dillies. A Ludovine vexée,  Marine a répondu « Je finis par penser que les mauvaises langues avaient raison et que madame de la Rochère fait la campagne de l’UMP.  »

Au soir du 13 décembre, dans le discours de la victoire, Valérie Pécresse promettait d’être une présidente qui dirigerait sa région tout en se gardant des lobbies et des communautés. Christine Boutin et le collectif de "La Manif pour tous" (communauté ? lobby ?)  applaudissaient des deux mains. Seul le coeur de Sarah Palin, l’ultra-conservatrice américaine, penchait encore en faveur de Marion Maréchal Le Pen.

Depuis l’année 2013, le mouvement présidé par Ludovine de la Rochère ne cesse de monter en puissance. En puissance de frappe et d’influence. Il est partout. Dans l’organigramme de l’UMP, sur les listes électorales, dans les salles de cinéma, dans les musées, au pied des sapins de Noël. Que dire du pataquès de nombreux militants de "LMPT" organisé autour d'une publicité touchante de l'enseigne Super U invitant  l'industrie du jouet et leurs acheteurs à en finir avec la marketing genré ?

Se déradicaliser en passant du religieux au spirituel

Ce qui m’écoeure, en cette fin d'année, ce n'est ni le trop-plein de foie gras ni l'excès de chocolat. J'ai fait maigre, comme souvent ce soir-là, car ce n'est pas mon estomac que je fête. Ce qui m'écoeure, c’est que les intégristes de "La Manif pour tous" soient devenus des électeurs à séduire. Ce qui m'écoeure, c'est qu'au nom de la religion, on rejette, haïsse, massacre. Et si pour en finir avec cette époque de Terreur religieuse, où les pensées radicales dominent, nous passions du religieux au spirituel ? Une spiritualité sans Dieu vengeur ou autoritaire,  sans maître ni prophètes ni "fils de", une spiritualité désincarnée, dématérialisée, qui ne cherche pas le pouvoir et la domination, mais le partage et l'entraide ? La terreur du Diable, c'est bon pour les religions messianiques, avec leur envoyé de Dieu, leur sauveur, leur rédempteur.

Contrairement à ce que prétendait Gabriel Matzneff, dans un papier d'une indécence folle (c'est ici) paru dans Le Point après la cérémonie d'hommage aux victimes des attentats du 13 novembre, Perlimpinpin, la chanson de Barbara, n’est pas "une gentille chansonnette", elle était juste mal interprétée, sans sa force originelle, sans la violence de sa tendresse. "Qui êtes-vous ? / Qui priez-vous ? / Je vous prie de faire silence." Une invitation ferme à s'ouvrir à une nouvelle forme de spiritualité, qui se passerait d'idoles, à n'être que pour le soleil couchant et les forêts profondes. Matzneff ne peut pas comprendre, lui, qui aurait préféré le "dies irae" et le Sermon sur la mort de Bossuet, ce prédicateur du XVIIe siècle qui savait avec tant d’éloquence exhorter les autres à pratiquer les vertus chrétiennes tout en se dispensant de le faire lui-même, ennemi de Fénélon et de cette bonne madame de Guyon, adepte du quiétisme.

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