Plus belle la vie avec Marion Maréchal-Le Pen : un moment de politique fiction.

 

Avril 2017. Dans un mois la France élira son vingt-cinquième président de la République. Un président qui pourrait bien être une présidente, à en croire les sondages dont les résultats s’affichent en continu sur toutes les chaînes d’infos. Donnée favorite, Marine Le Pen arbore  à longueur d’ondes l’air de celle qui a déjà gagné. En réalité, personne n’est dupe de cette mascarade médiatique. Ni la candidate du Front national, ni les Français-es qui savent bien que François Hollande est le mieux placé pour succéder à son propre fauteuil. En attendant, tous les regards sont tournés sur la région PACA, région laboratoire depuis que Marion Maréchal-Le Pen a remporté les élections régionales le 13 décembre 2015. Son buste, sculpté par un certain Noël Gourdin, marseillais de souche et giton de Brigitte Bardot, a remplacé dans les mairies les plus idolâtres le buste de Marianne. D’autres maires ont viré de leur bureau la photo de François Hollande pour lui substituer un portrait en pied de la sainte famille constituée par Marion Maréchal-Le Pen, son mari Matthieu Decosse et leurs trois enfants. Une fille, Olympe, et deux garçons, des jumeaux, Romulus et Rémus.

Au mois de décembre 2016, le magazine Grazia a élu femme de l’année cette maman working girl. C’est que les femmes, Marion, elle les aime. N’a-t-elle pas appelé sa première fille Olympe en hommage à cette tête folle d’Olympe de Gouges, qui a tant fait pour que les femmes accèdent aux tribunes politiques ? Le 8 mars dernier, en l’honneur de la Journée mondiale de la Femme, la région a décrété un jour férié pour toutes les mamans, à condition qu’elles puissent attester de la nationalité française de leurs enfants depuis quatre générations. Pour fêter l’événement, les magasins de jouets, de vêtements, de cosmétiques et d’électroménagers sont restés ouverts chaque soir jusqu’à minuit et ont proposé à leurs clientes de nombreuses promotions. Les cinémas, les cafés et les salles de spectacle ont fait relâche pour permettre aux familles de se retrouver autour d’un bon repas ou d’un bon programme-télé. Les municipalités de Fréjus, de Beaucaire et de Cogolin ont planché sur un projet de société intitulé « Rendez aux femmes la liberté de rester chez elles » afin de lutter contre le chômage et l'insécurité liée aux déficiences d’éducation. Plus de mamans à la maison, c’est moins d’enfants délinquants dans les rues, moins de papas violents parce que sans emploi. Chacun rétabli dans la dignité de son sexe se retrouve à égalité.  Le SPE, un salaire parental d’éducation équivalant à 80% du SMIC pourrait être versé à ces femmes pendant trois ans dès le premier enfant. On le financerait sur les économies réalisées dans les cantines scolaires, interdites aux enfants dont l’un des deux parents est sans travail.

Marion Maréchal-Le Pen, qui bien que mariée, a gardé son nom de jeune fille – est une femme libre. Très occupée aussi. Battant la campagne sans relâche, elle est souvent absente de chez elle. Sauf le dimanche, jour du Seigneur, où ne sont autorisés à ouvrir – jusqu’à 12H30 – que les pharmacies et les commerces de bouche. Heureusement, elle a à son service une perle qui s’occupe d’Olympe, de Rémus et de Romulus avec beaucoup d’affection. Soraya, cette maman de deux enfants, qui est entrée au service du jeune couple Maréchal-Le Pen aux lendemains des élections de 2015. Pour protéger les siens de la haine anti-musulmans qui s’affiche en toute légitimité sans que l’on puisse rien y faire. Les plaintes déposées au commissariat, quand on ose affronter les brimades des agents de police, ne donnent presque jamais lieu à des enquêtes. Soraya ne se plaint pas. Son fils aîné Ahmed a un copain qui ne sait plus où dormir depuis que ses parents l’ont foutu à la porte. Son père lui a cassé la gueule, sa mère a pleuré – un peu de chagrin un peu de honte d’avoir donné la vie à un pédé. Les associations LGBT – une cinquantaine avant la victoire de la candidate FN - se comptent sur les doigts d’une main, faute de subventions. Vivote tant bien que mal, grâce à des dons et à des financements privés, le Centre LGBT Côte d’Azur, mais Le Refuge, qui accueillait des jeunes LGBTQI en rupture avec leur famille, a dû glisser la clé sous la porte.

Des cours d’éducation sexuelle sont dispensés pendant les cours d’éducation religieuse au programme de nombreuses écoles privées de la région, de plus en plus fréquentées et largement subventionnées. Il s’agit de remettre au cœur de la culture des Provençaux et des Azuréens le catholicisme et ses valeurs fédératrices plutôt que celle d’un laïcisme qui sépare et fâche. Il est temps de mettre en garde la jeunesse contre les effets néfastes de la pilule, hormis celle du Viagra très consommée dans la région, mais aussi responsabiliser les jeunes filles. Quand le coq français est lâché dans la basse-cour, c’est aux poules qu’il revient de se protéger. L’avortement n’est pas un moyen de contraception. Pour les aider à cette prise de conscience, finis les centres de planning familial auxquels la région ne verse plus un sou. Parce que la famille, c’est le socle commun  de la République, il est temps d’en finir avec ce demi-siècle miné par la révolution sexuelle, la libération homosexuelle et les mouvements féministes, les théoriciens du genre. Chaque département a été doté d’une commission composée de prêtres, de médecins et de partisans de la Manif pour Tous, chargée d’étudier la légitimité des demandes d’IVG. Dans 90% des cas, les jeunes filles – même celles qui déclarent être enceintes à la suite d’un rapport non désiré, voient leur demande rejetée. Pour les autres femmes, c’est au cas par cas, selon l’humeur du jour et la gueule de la requérante. Pour l’heure, ce sont les femmes d’origine étrangère qui ont le plus de chance de voir leur demande aboutir.

Quand des opposants à sa politique lui rappelle - chiffres à l’appui - que la famille est le creuset de toutes les violences intimes et privées, Marion Maréchal-Le Pen opine du chef. C’est bien parce qu’elle a souffert dans son adolescence d’une histoire familiale troublée qu’elle a à cœur d’offrir à ses administrés le meilleur. Pour le reste, elle laisse dire ce que personne n’ignore. Ni que sa grand-mère a posé à poil au siècle dernier dans une revue de charme, ni que sa tante a divorcé deux fois, ni que le staff de la même tantine est rongé par la gangrène sodomite dont les sauteries – dans lesquelles certains prétendent avoir croisé des copines de la droite voisine, Laurent W et Hervé M – sont l’une des causes du schisme du FN. Marion Maréchal-Le Pen ne s’émeut pas davantage de certains chiffres inquiétants : si le pourcentage d’IVG a diminué, on note une hausse spectaculaire de la mortalité chez les adolescents et chez les femmes de 15 ans à 34 ans : accidents inexpliqués, suicides, maladies infectieuses. Sans parler que la région doit faire face à une recrudescence d’abandons d’enfants, du jamais vu depuis deux siècles.

En attendant, Marion Maréchal-Le Pen a fait une apparition remarquée dans un épisode de Plus belle la vie, la série phare de France 3 rachetée par TF1. Thomas et Nicolas, le couple gay, sont morts dans un accident de voiture, Céline Frémont s’est réconciliée avec les hommes et attend un bébé. Elle pourra, si elle le veut, participer au nouveau concours de beauté de la région PACA, « Maman et sexy ». C’est une habitante de Plan-de-Cuques qui a remporté la 1ère édition il y a quelques mois : Nadine Medrano, maman de trois enfants, qui porte à merveille jupes courtes et cuissardes.