Amélie Mauresmo, misère de la femme sans homme

Quand le 9 avril dernier, Amélie Mauresmo annonce via les réseaux sociaux qu’elle est enceinte, je me suis rappelé d’une couverture de Paris Match datée de 2005. Cette année-là, l’ex numéro 1 mondiale, future entraîneuse d’Andy Murray et future capitaine de l’équipe-filles de tennis, posait en une de l'hebdo, qui l’avait élue « femme de l’année » et auquel, en 1999, à l'âge de 19 ans, elle avait déjà accordé l'exclu de la révélation de son goût pour les filles.Je me souviens de photos dans un style vague et hamiltonien (Amélie nue dans un filet de tennis, Amélie sur la plage les genoux ramassés dans ses bras, Amélie coiffée d’un chapeau de paille, avec un faux air de Madonna…) pour accompagner cette « confession sans filet » (sic). « Vous êtes de plus en plus belle » constatait l’intervieweuse… Exit la caricature des Guignols, qui faisait de la joueuse de tennis une hommasse aux épaules de déménageur, dotée de la voix de Barry White. Et de rajouter « cette fois les hommes vont craquer. » A l’époque des Gouines rouges, la journaliste aurait pris un pain et l’affaire aurait été réglée. Mais en 2005, au cas où il resterait encore une chance de ramener la brebis égarée du côté des verts alpages de l’hétérosexualité, la même d’enfoncer le clou (de la sottise) : « Et si un homme vous draguait ? » Ce à quoi Amélie, fort urbaine, avait répondu : « J’y serais sensible. Cela ne me dérange pas » avant de confier : « Un enfant, j’y pense ».

Ce qui, à l’état de projet, était censé rassurer l’opinion – la lesbienne est une hétérosexuelle qui aime les femmes – la surprend aujourd’hui. Des milliers de like ont salué le faire-part virtuel me direz-vous (merci à Amélie d’avoir préféré Converse à Stan Smith, voir ci-dessus). C’est vrai, des milliers de like, autant que de tweets épais et lourdingues, par paquet de dix. « Amélie Mauresmo annonce qu’elle est enceinte mais pas grâce aux boules de pénis » , « Qui est le papa ? », question cent fois posée, avec à chaque fois cette envie pressante de répondre : « Etes-vous sûr/e/s de l’identité du vôtre ? » Et le meilleur signé Tennisactu : « Insolite : Amélie Mauresmo annonce sa maternité ». Il y a quatre mois, quand l’équipe de France de coupe Davis se cherchait une tête et des jambes pour l’entraîner, le joueur de tennis Mickaël Llodra disait déjà : « Il faut un homme pour ça ».

Pauvre Amélie ! Il faut un HOMME pour diriger une équipe de tennis – ce que tu n’es pas. Il faut un HOMME pour faire un enfant – ce que tu n’as pas dans ton lit. Peut-être parce que tu couches avec des femmes, es-tu comme toutes les homosexuelles sans vagin (je n’invente rien, ça a été écrit, j‘ai des noms) et sans ovaires ? Même quand on reconnaît aux lesbiennes un appareil reproducteur féminin, il faut croire qu’il n’est pas en état de marche, ce qui n’empêche pourtant jamais leur gynéco d’écarquiller grand les yeux quand elles leur assurent ne pas avoir besoin de contraception.

C’est que la lesbienne n’a des enfants que si elle le veut. Si elle le VEUT vraiment. Et non parce qu’il le faut, par accident ou pour faire plaisir. (Ou parce qu’en « mettant en route » le troisième, elle décroche la prime Giscard de 10.000 francs et peut s’acheter une caravane – histoire vraie, j‘avais sept ans, aveu fait à ma mère par la voisine du sixième étage, Mme Villeneuve, que je salue au passage si elle me lit)

Pas plus que les autres femmes, la lesbienne n’ignore les lois de la reproduction de l’espèce. Petit rappel pour les oublieux/ses : il s’agit de faire en sorte qu’un spermatozoïde rencontre un ovule, niché dans une des deux trompes de Fallope (C’est mon fils qui me l’a rappelé l’autre jour en révisant sa leçon de SVT). Niché ou pas, d’ailleurs, tant il existe, au XXIe siècle, de techniques pour donner la vie. Avoir un rapport sexuel avec un homme en est une, comme la procréation médicalement assistée (PMA) - que l’agence de Biomédecine préfère appeler Assistance médicale à la procréation (AMP) - et qui recouvre l’insémination artificielle, la fécondation in-vitro (FIV), l’accueil d’embryons.

Si l’on résume, le problème d’Amélie en France, notre future maman, ce n’est pas qu’elle couche avec des femmes, c’est qu’elle doive posséder un abonnement à la SNCF ou à Air-France pour espérer tomber enceinte. Car en France, malgré les promesses de François Hollande lors de sa campagne présidentielle de 2012 d’ouvrir la procréation médicalement assisté aux lesbiennes, promesses inscrites dans les tracts du PS et maintes fois répétées dans les meetings et les interviews, le projet de loi sur la famille est arrivé à l’Assemblée nationale allégé de la PMA, en vigueur en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Finlande, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suède (à l’exception de la Finlande, que des pays de kings et de queens)

On peut être lesbienne et vouloir des enfants ; on peut être lesbienne et ne pas vouloir d’enfant. On peut être lesbienne, vouloir des enfants mais ne pas pouvoir en avoir ou ne pas vouloir les porter. Pouvoir, vouloir, avoir. Des dizaines de cas de figure. Mais dans tous les cas, la lesbienne est cette femme qui est libre d’user de son corps comme elle le souhaite, à condition de ne pas être atteinte de sidérodromophobie, peur des voyages ferroviaires, ou d’aérodromophobie, peur des voyages en avion.