Sushis, paniers garnis, au cœur des petits arrangements du quotidien

La corruption, la fraude, l’usage indu d’argent public…On imagine ça comme dans les films : des parkings sombres, et des valises de billets… Mais parfois, cela prend une forme beaucoup plus prosaïque. L’Oeil du 20H explore les petits arrangements du quotidien.

L’association Transparency International a réalisé cette carte: www.visualiserlacorruption.fr

660 petits points rouges, entre autre, des affaires de:
- corruption
- détournements de fonds publics
- ou encore abus de biens sociaux

Certaines sont retentissantes, d’autres passent inaperçues...
A Beauvais, un policier laisse repartir un conducteur, contrôlé sans permis. En échange: deux places pour un match de foot.
Il écope de 6 mois de prison avec sursis.

A Lettret, dans les Hautes Alpes, un ancien maire est condamné pour avoir fait agrandir le chemin menant à sa propriété… aux frais de la mairie.

LES SUSHIS D'AVIGNON
A Avignon, l’objet du délit : quelques sushis… pour 39 euros 80…

L’affaire dite des sushis commence avenue des Sources, une nuit d’octobre 2016. Nicolas rentre chez lui, et roule un peu trop vite. Il tombe sur une patrouille. Un policier du commissariat d’Avignon l’arrête. Il lui dit:
“- qu’est-ce que tu fais dans la vie ?
- je fais des sushis.
- Tu fais des sushis ? Je te fais une fleur et je reviendrai te voir”

Nicolas n’est pas verbalisé. 5 jours plus tard, le policier se rend dans son restaurant. Nous avons retrouvé l’un des serveurs présent ce jour là. Il nous raconte la scène:
“Il nous a regardé dans les yeux, il nous a dit: ‘pour la dernière fois on aurait pu l’aligner mais bon on lui a fait un cadeau, donc au final il nous a dit qu’il nous ferait un plateau’.”
Le policier part avec les sushis, sans payer.
Au commissariat d’Avignon, l’affaire s’ébruite. Le gardien de la paix se retrouve au tribunal correctionnel pour corruption passive.

Dans cette salle, le jour du procès, il admet :“Je ne l'explique pas, c'est un acte irréfléchi. Je suis mal à l'aise. C'était une bêtise. Ça m'a fait du mal et à mes collègues aussi”

Philippe Guémas a requis contre le policier dans cette affaire des sushis. Bien décidé à être intraitable. “ On peut sourire par rapport au montant du préjudice mais la réalité qui est celle de corruption, quand ça se produit dans la ville où vous exercez, c’est consternant… On imagine ce genre de pratiques dans des républiques bananières ou semi bananière malheureusement c’est dans une ville du sud de la France, ça atteint la police et c’est absolument inadmissible”

Le policier a été condamné à 6 mois de prison avec sursis, et 3 mois d’interdiction d’exercer. Son avocat estime la sanction trop lourde. Il lui trouve des circonstances atténuantes : “il y a des pratiques dans le sud qui sont plus acceptées qu’elles ne le sont dans le nord”

LES PANIERS GARNIS DE SAINTE LIVRADE
A Sainte Livrade sur Lot, cette fois, c’est un petit panier garni qui est tombé sous le coup de la loi… Jus de pomme, pâté, pruneaux, confiture de fraise, et même cassoulet… Il y a deux ans, à Noël, le maire du village, Pierre Jean Pudal les fait distribuer…à 800 personnes âgées de la ville… A l’époque, quelques semaines plus tard, se tiennent des élections départementales. Le maire est candidat. Était-ce un moyen d’influencer les électeurs ?

Odile a fait partie des heureux élus, mais elle ne s’est pas laissée séduire. Dans la ville, ces colis de noël ont fait grand bruit. Claire Pasut opposante socialiste au conseil municipal s’empare de l’affaire. 15 euros le panier garni, multiplié par 800 personnes, près de 13 000 euros d’argent public dépensés, selon elle, indûment: “pour moi c’est grave, les élus n’ont pas à faire des démarches personnelles pour soigner des clientèles”

Claire Pasut a saisi le tribunal administratif. Fait rare, l’élection a été annulée par le conseil d’état, pour “manquement d’une particulière gravité (...) au code électoral” . Pierre-Jean Pudal, le maire, a été condamné à 6 mois inéligibilité. Il nous a fait savoir qu’il prenait acte du jugement.

Dans ces deux affaires, la justice s’est prononcée en moins d’un an. Mais en moyenne, dans ce type de procédures, elle met environ 7 ans avant de rendre son jugement.

Publié par L’Œil du 20 heures / Catégories : Non classé