Ainsi font font font... la glace Arctique (en 1 minute chrono)

Ce qui est bien avec la vidéo "en accéléré" ("time-lapse" in english), c'est que si vous avez raté des épisodes, on vous résume l'histoire en quelques secondes.

Alors la glace Arctique, font-elle ? Affirmatif ! Cette séquence décrit l'évolution de la banquise Arctique entre 1987 et 2013. Voici donc 25 ans de fonte des glaces en 1 minute chrono. Cette vidéo a été réalisée grâce à la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), autrement dit l'agence américaine qui s'occupe de surveiller et d'étudier les océans et l'atmosphère, dont voici ci-dessous le logo...

 

...et la vidéo ICI .

Quelques conséquences climatologiques et géopolitiques de la fonte des glaces

Cette fonte des glaces devrait avoir, à terme, un impact sur la faune, la flore, mais aussi certainement sur le climat régional de l'Arctique, et, par voix de conséquence, sur la géopolitique de l'Arctique. Cependant, ne nous emballons pas !! L'Arctique ne sera pas demain une mer méditerranée bis où l'on ira faire du "kite surf", ni une croisière touristique.

On lit parfois que l'océan Arctique serait bientôt "libre de glace". C'est un abus de langage. Par "libre de glace" il faut comprendre que la banquise disparaîtrait (en tout cas pendant la saison estivale). La banquise est tout simplement l'eau de la mer qui gèle et qui forme une couche épaisse, très épaisse, de glace flottante et qui s'étend sur plusieurs kilomètres. À ne pas confondre avec la calotte glaciaire qui est un glacier d'eau douce qui s'étend sur une très grande superficie. On parle aussi d'"inlandsis" (en danois la "glace de l'intérieur du pays") lorsque la calotte glaciaire dépasse les 50 000 km2. Les deux inlandsis sont celui de l'Antarctique et du Groenland. La disparition de la banquise ne signifie donc pas forcément la disparition totale de la glace (blocs de glace à la dérive par exemple...)

Pour plus d'informations, vous pouvez consulter le site du glaciologue français Sylvain Coutterand ICI .

On peut lister quelques conséquences d'une fonte de l'Arctique:

- Une possible modification des courants océaniques, notamment le Gulf Stream. Cependant sur ce sujet il reste encore de nombreuses incertitudes. Depuis 10 ans, on lit dans la presse grand public des informations contradictoires. Les uns affirmant que ce courant marin (qui permet à l'Europe de connaître un climat relativement tempéré) serait déjà en train de ralentir, d'autres qu'il n'en serait absolument rien. En fait, ce que l'on sait vraiment c'est qu'un apport supplémentaire d'eau douce dans les eaux de surfaces océaniques (notamment en Atlantique Nord) pourrait ralentir ce courant océanique. Pour le reste, on sait encore très peu de chose et les recherches sont en cours pour mieux comprendre l'évolution de la salinité.

- La fonte de la calotte glaciaire (et non pas de l'Arctique) entraîne une hausse du niveau marin. C'est déjà le cas puisque ce niveau s'est accru de 3 cm en 10 ans, de 1993 à 2003.

La fonte des glaces nous réserve aussi quelques surprises, et ce n'est peut-être qu'un début:

- Une bonne surprise d'abord puisque des chercheurs canadiens ont découvert l'an dernier qu'avec la fonte du glacier Teardrop, une plante revient à la vie après... 400 ans de sommeil. Pour plus de détails, lire ICI l'article.

- Mais la fonte des glaces réserve hélas aussi quelques cadeaux empoisonnés. Des recherches récentes ont indiqué que la fonte des glaciers de l'Arctique provoquait le rejet de méthane (CH4) dans l'atmosphère. Or ce gaz est bien plus puissant que le CO2. Comme le résument les auteurs de cette découverte, il semblerait que le méthane soit "potentiellement sensible aux changements dans la couverture glacée de la mer". On sait également que la fonte du permafrost libérerait du CH4.

Autres conséquences, celles-ci sont d'ordres purement géopolitiques.

Tout d'abord, faisons un rapide retour dans le passé: l'Arctique a été durant la seconde Guerre mondiale et la guerre froide le théâtre de tensions ou provocations militaires. Thierry Garçin, l'auteur du livre "Géopolitique de l'Arctique", évoque même cette région comme un "sanctuaire de la dissuasion". En effet, les sous-marins - et notamment les sous-marins à propulsion nucléaire (SNLE) - profitaient à l'époque de la protection naturelle de la glace et séjournaient parfois pendant plusieurs semaines sous la banquise. Ni vu, ni connu !

- Aujourd'hui la guerre froide est terminée et les enjeux sont différents, d'ordres économiques par exemple. L'Arctique recèle d'importantes ressources halieutiques, poly-métalliques et énergétiques et attisent, comme ailleurs sur la planète, les convoitises. Mais l'Arctique est et restera un milieu hostile ! Avec des conditions de vie difficiles pour l'homme, la nuit polaire, les glaces dérivantes, l'éloignement des grands centres de peuplement, le manque ou l'absence de lignes de communication, etc. D'un point de vue commercial, rien ne dit qu'à terme, grâce à la fonte des glaces, les grandes compagnies pétrolières pourront exploiter les richesses des fonds marins. Pour l'instant, notre compagnie nationale TOTAL a renoncé à exploiter à une telle latitude et à une si grande profondeur. La marée noire de BP en 2011 est encore dans les mémoires.

- Autre perspective envisageable: l'ouverture des routes maritimes. Il y en aurait deux: le "passage du Nord-est" (route qui longe la côte russe) et "le passage du Nord-ouest" (au nord du Canada). Il y a ici un double enjeu: sécuritaire et commercial. Commercial tout d'abord car il faut parcourir 21 000 km pour relier Londres à Tokyo par le Canal de Suez. Mais seulement 14 000 km en longeant les côtes de la fédération de Russie et en passant par le mer de Béring ! L'enjeu se place aussi au niveau de la sécurité, car le Canal de Suez peut être fermé à n'importe quel moment et cette fermeture pénaliserait directement les pays qui le traversent. Les routes Arctiques offrent donc une alternative. Mais, encore une fois, inutile de s'emballer ! Les défis techniques et militaires restent de taille pour assurer, durant quelques mois, l'ouverture continue de cette route du Nord. Voici une infographie explicative.Sur la géopolitique de l'Arctique je vous conseille aussi la lecture de l'article très complet du professeur Thierry Garçin sur l'excellent site diploweb.com. À lire ICI .

Pour résumer: les glaces de l'Arctique fondent, certes, mais le discours ambiant catastrophiste masque souvent les véritables enjeux. La fonte des glaces offre des perspectives nouvelles pour la recherche scientifique, la sécurité militaire, la surveillance des côtes et du trafic maritime, et certains secteurs économiques comme la pêche. Comme le disait le philosophe Héraclite d'Ephèse, "rien n'est permanent, sauf le changement". Il en va de même en météorologie, climatologie... et en géopolitique !