Froid et pollution: un bon bol d'air impur.

Certains titres d'articles, au risque de simplifier l'esprit de la chose, en altèrent parfois le sens. Un exemple avec cet intitulé que j'ai pu lire sur un site d'informations: "Niveaux élevés de pollution de l'air en France à cause du froid".

Le froid serait-il le méchant responsable de la pollution ? Que nenni ! Le froid n'est qu'un facteur aggravant... Il eût donc mieux valu écrire: "Le temps anticyclonique renforce les niveaux de pollution de l'air en France".

Pourquoi ? Comment ? D'abord, un peu d'histoire !

Au commencement étaient Torricelli et Pascal...

Nous n'allons pas refaire toute l'histoire de la pression atmosphérique, mais il faut quand même rendre ici un modeste hommage à un homme qui est le génial inventeur du baromètre: Evangelista Torricelli. Ce scientifique italien du XVIIe siècle montre, grâce à ses expériences, l'existence du poids de l'air. Mais un autre grand génie, français celui-ci, poussera l'expérience plus loin, en créant la notion de "pression atmosphérique". Pour cela, Blaise Pascal fait une expérimentation déterminante dans sa région d'origine, l'Auvergne.

En reprenant le baromètre à mercure de Torricelli, gradué, il constate qu'au cours de la montée vers le Puy de Dôme le mercure baisse. Autrement dit, la hauteur du mercure dans le tube dépend de l'altitude.

Ces expériences d'hommes brillants sont capitales pour comprendre la suite de l'histoire. Car, sans cette notion de pression atmosphérique, on ne pourrait pas comprendre aujourd'hui les liens entre temps anticyclonique (hautes pressions) et pollution.

En effet, lorsque les pressions sont anticycloniques, c'est à dire supérieures à 1013 hPa, l'air froid, plus dense que l'air chaud, est, notamment en hiver, plaqué au niveau du sol. Cet air froid, plus lourd, est "emprisonné" dans les basses couches de l'atmosphère... Il en va de même de tous les polluants qui sont rejetés par les activités humaines.

Certaines régions françaises ont connu au cours du mois de janvier et février plusieurs journées avec de forts taux de pollution. C'est le cas lorsque le temps est anticyclonique, c'est à dire lorsque la masse d'air est "stable".

Cette stabilité peut parfois entraîner une "inversion thermique". En gros, il fait plus froid au niveau du sol qu'en altitude. La zone dans laquelle la température croît avec l'altitude est appelée "couche d'inversion". Renversant, n'est ce pas ?

Comme on l'a écrit ci-dessus, si l'air froid est plus lourd que l'air chaud, les polluants ne peuvent par conséquent pas traverser cette couche d'inversion. Ce genre de configuration empêche la dispersion des particules nocives, d'où ces taux de pollution anormalement élevés par temps anticyclonique.
Bref, tout est résumé dans le schéma ci-dessous:

Source: Centre régional de documentation pédagogique de l'académie d'Amiens.

La niveau d'inversion, lorsque l'air est très pollué, est même visible à l'oeil nu. Quelques exemples photographiques: à la ville, à la mer et à la montagne.

À Paris, le 16 janvier dernier. On distingue bien cette couche de pollution à l'horizon, couleur grise ou marron.

À la montagne, comme ici dans la "cuvette" de Grenoble, en février 2008:

A Saint-Sigismond, en Haute-Savoie, en novembre 2011:

Dans la vallée de l'Arve, en janvier 2012:

Enfin, cette situation de pollution par temps anticyclonique peut-être aussi observée près des côtes, comme ci-dessous à Toulon, le 31 mars 2012:

Comme quoi, Arletty n'avait pas raison lorsqu'elle déclarait dans "Hôtel du Nord" en 1938, qu'il valait mieux descendre à Toulon car "y'a d'l'air puisque y'a la mer" . Pas toujours chère Madame !

En résumé donc, les longues et intenses périodes de pollution dans les grands centres urbains principalement (mais pas uniquement) sont liées à une forte accumulation de polluants dans l'atmosphère, lors de situations d'inversions de températures, et surtout lorsque le vent est quasi nul.

Dis tonton, pourquoi tu tousses ?

Entre le 10 et le 22 décembre 1951, un anticyclone (1020 à 1025 hPa) recouvre le nord de la France. On enregistre alors des inversions de températures considérables; jusqu'à 14° en haut de la tour Eiffel alors qu'il ne fait que ... 0° au sol !! Dans ces conditions, les décès, dûs aux particules fines émises par les habitations notamment, sont importants notamment chez les personnes fragiles.

Quelques chiffres ? Dans les années 1950, le "smog" (mélange de fumée et de brouillard) aurait été responsable de plusieurs milliers de décès dans certaines grandes villes comme Londres, Los-Angeles, ou New-York. Rien qu'en 1952 à Londres, ce phénomène aurait causé (directement ou indirectement) la mort de 4000 personnes...

 

Publié par matthieuwa / Catégories : Actu